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Schème cognitif et philosophie

4.2 Une courte histoire de la formalisation du sens commun

4.2.1 Schème cognitif et philosophie

L’étude du sens commun ou, notion proche quoique indistincte à cette époque, de la structure de la connaissance n’a pas attendu le développement d’une psychologie scientifique indépendante. L’histoire de la philosophie compte, à cet égard, de nom- breuses caractérisations formelles ou semi-formelles du sens commun – ou de ce que l’on peut, du moins, rétrospectivement appréhender comme tel.

4.2.1.1 Une évolution historique des systèmes de catégories

Aristote L’on doit à Aristote le premier système de catégories connu. En dépit

de son orientation première, plus volontiers réaliste, l’on peut expliquer la posté- rité du système de catégories d’Aristote dans la philosophie du sens commun, les sciences cognitives et l’Ingénierie des Connaissances par la possibilité d’entretenir une interprétation conceptualiste, subjective, de cette table. En effet, les 10 caté- gories détaillées dans les Catégories (2a - 15b) – nous laisserons de côté le premier système de catégories, quadratique, exposé en Catégories (1a -1b) 5 – étant quali-

fiées pas Aristote lui même de ta legomena (τα λǫγoµǫνα) soit «les choses qui sont

dites», il n’est alors pas si étonnant qu’elle aient bénéficié de nombreuses réinterpré-

tations cognitives. 6 On peut dès lors considérer que correspondent à chacune de ces

catégories, énumérées dans l’ordre du texte, des questions catégoriques telles que : 5Pour une présentation complète, se reporter à (Studtmann 2014).

6Voir notamment (Rescher 2008) pour une bonne illustration de cette réinterprétation sub-

jectiviste d’Aristote ainsi que de sa postérité scolastique (e.g. Thomas d’Aquin : «Penser, c’est

ordonner»). D’une manière intéressante, (Rescher 2008) rapproche également le système catégo-

Substance «Qui, Quoi ?» substances premières (existent par elle-mêmes), sub-

stances secondes

Quantité «Combien ?». Quantités continues (e.g. lignes, surface, corps, temps),

quantités discrètes (e.g. nombres) 7

Relation «Comme quoi ?»,«Comparable avec quoi ?» (e.g. plus petit que, plus grand

que)

Qualité «Comment» Habitudes, dispositions, capacités naturelles, formes.... Position «Dans quel état, disposition ou agencement se trouve la chose» ? Action «Sur quoi (la chose a-t-elle un pouvoir) ?»

Passion «Par quoi (la chose est-elle affectée) ?» Temps «Quand ?»

Lieu «Où ?»

Possession (et privation) «Que possède la chose ?» «De quoi la chose est-elle

constituée/composée ?»

Cette liste énumérée, remarquons tout d’abord deux points notables : telle que la conçoit Aristote, cette liste est à la fois complète et suffisante pour désigner ce qui est. Elle est premièrement suffisante au sens où, pour toute entité, répondre à ces questions revient à l’identifier, entendu qu’une seule entité ne saurait posséder tous ces attributs simultanément – principe que nous appellerions anachroniquement

identité des indiscernables. Ainsi, je (substance) mesure 1m80 pour 65 Kg (quantité),

suis plus brun que ma soeur (relation), suis philosophe, geek, caucasien (qualité) et, le 3 Mai 2016 à 13H (temps), dans mon bureau (lieu), assis devant mon ordinateur (position), habillé d’un jean et d’un T-shirt (possession), écris sa thèse (action), motivé par un album de neurofunk (passion). Ainsi, tout être peut être désigné au moyen d’une instance de chacune de ces catégories. Elle est, deuxièmement, complète au sens ou aucune de ces catégories ne saurait se réduire à quelque autre modalité d’existence. 8

7

πoσoν πoσoτ ησ définie aussi en Métaphysique ∆ 13 (1020a7) comme « ce qui est divisible en deux ou plusieurs éléments intégrants dont chacun est par nature une chose une et déterminée »

8Ainsi que Tricot le commente en (Aristote 2008) «Les Catégories sont, pour Aristote, les

genres les plus généraux de l’Être ; ce sont des notions irréductibles entre elles, et irréductibles à un universel suprême et unique. »

Il convient en outre de noter la place centrale de la substance dans l’ontologie aristotélicienne. Celle-ci est en effet, en tant que ce qui demeure le même en dépit du changement, la pierre d’achoppement responsable de la stabilité du monde (inter- prétation réaliste) ou, du moins, de notre connaissance de ce dernier (interprétation conceptualiste). Cette architecture induit un essentialisme sur lequel nous aurons l’occasion de revenir par la suite. Ainsi, pour prendre cette fois l’exemple d’une sub- stance seconde comme l’espèce des antilopes, les propriétés de celles-ci pourraient changer, elles n’en demeureraient pas moins antilopes.

Empirisme et philosophie du sens-commun Outre cette source d’inspiration

classique, il existerait d’après (B. Smith et Casati 1994) une importante filiation intellectuelle entre l’Intelligence Artificielle de sens commun que nous présenterons en sec.4.2.3 et diverses entreprises philosophiques de qualification de la structuration première du sens commun et de ses représentations.9 D’après Smith et Casati, cette

tradition informelle et sous-estimée embrasserait aussi bien une part non-négligeable de l’empirisme écossais et ses ramifications modernes – en particulier l’œuvre de Thomas Reid et les travaux de G. E. Moore – que l’ensemble de la tradition gestal- tiste viennoise que nous présenterons par la suite. Le dénominateur commun de ces diverses philosophies tient à leur manière d’articuler une perception du monde pré- scientifique, innée dirions-nous aujourd’hui, quoique construite et structurée d’après des mécanismes mentaux de base nécessaires à l’appréhension de la continuité des objets physiques, du temps ou du changement des qualités. D’une manière intéres- sante, la commune possession innée de tels a priori sur l’appréhension du monde constituait en outre chez Reid l’une des conditions de la compréhension mutuelle des êtres humains ; rôle primordial dans la communication sur lequel nous serons amenés à revenir. 10

Phénoménologie et psychologie de la forme Une autre étape importante de

la formalisation philosophique du sens commun invoquée aussi bien par (B. Smith 9«In the works of Aristotle or of the medievals, as also in the writings of later common-sense

philosophers such as Thomas Reid or G. E. Moore, we find a family of different attempts to come to grips with the structures of common sense and of the common-sense world that is given to us in normal, pre-theoretical experience. We shall argue in what follows that the theory of such structures provides an important and hitherto unappreciated link between early Gestalt psychology on the one hand and contemporary developments in philosophy and in artificial intelligence research on the other.» (B. Smith et Casati 1994, p. 227)

10«Or as Thomas Reid would have it : common-sense beliefs, in being shared by all of us past

the stage of infancy, are such that they form an inevitable presupposition to our interchange with others.» (B. Smith 1995, p. 654-655)

et Casati 1994) que (Guizzardi 2007b), principal théoricien de l’Universal For-

mal Ontology (Ufo Cf sec.2.3.2), n’est autre que l’émergence de la psychologie de

la forme (Gestalt) dans le monde germanophone – en particulier dans l’oeuvre de Brentano ou Ernst Mach – et sa postérité dans la phénoménologie. Sans prétendre à la moindre exhaustivité, nous retiendrions deux aspects pertinents pour la suite de notre propos. L’émergence de cette tradition initie premièrement le tournant vers une approche systématique des processus responsables de l’appréhension d’un monde de sens commun qui, si l’on garde à l’esprit la postérité de Köhler ou Wer- theimer, émigrés aux États Unis, sur une part non négligeable de la psychologie expérimentale de la perception, entretient d’intéressantes relations avec diverses théories psychologiques évolutionnistes que nous présenterons en sec.4.2.2. Cette tradition n’en demeure pas moins une tradition philosophique à même d’appréhen- der la structuration de l’entendement à un niveau beaucoup plus générique, logique et abstrait, voire ontologique, qu’une investigation psychologique empirique ne pour- rait en principe se le permettre. Le premier aspect que nous retiendrions n’est donc autre que la nature éminemment duale de cette approche à la fois abstraite, gé- nérique mais non-dissociée, comme nous le verrons, des résultats de l’investigation empirique contemporaine.

La seconde caractéristique que nous retiendrions de cette tradition n’est autre que la place centrale qu’elle confère à la Méréologie ou l’étude formelle des relations parties-touts. Outre l’intérêt d’une analyse logique de la pensée pour elle-même, nous serons amenés à montrer que cette manière toute particulière de concevoir l’ap- préhension de la réalité trouve une implémentation viable et fidèle jusque dans la structuration d’ontologies fondationnelles contemporaines comme Bfo ou Dolce ; justifiant par là-même l’existence d’une dépendance historique véritable de l’Ingé- nierie des Connaissances vis-à-vis de la philosophie du début de XXème siècle. 11

L’école de Manchester et l’Ingénierie Ontologique naissante Cet héri-

tage Brentano-Husserlien de l’Ingénierie des Connaissances s’incarne chez un cer- tain nombre de philosophes contemporains particulièrement bien représentés dans ce champ de recherche appliqué. L’École de Manchester, ainsi que des auteurs à l’ins- tar de Barry Smith, Peter Simons ou Kevin Mulligan ont pu eux-mêmes se baptiser,

12se caractérise par le projet de conception d’une ontologie domaine-générale réalisée

11Pour un semblable enracinement de l’I.C. dans l’œuvre de Rudolph Carnap, se reporter à

(Monnin 2015)

12Voir en particulier (Mulligan 1992 ; Simons 1987 ; B. Smith 1982 ; B. Smith et Mulligan

essentiellement au moyen des acquis de la méréologie et de la topologie. Du fait de l’axiomatisation de ces deux disciplines, on comprendra sans peine le succès de ces thèses dans l’ingénierie ontologique contemporaine du fait de la facilité à implémen- ter ces théories dans des ontologies de systèmes au moyen de langages de description de méta-données tels que Rdfs ou Owl. C’est ainsi principalement pour cette raison que l’on comprendra comment des philosophes des années 80 et plus spécifiquement des métaphysiciens attelés à la tache de formaliser le sens commun ont vu leurs onto- logies formelles empruntées et adaptées par l’ingénierie des connaissances naissantes des années 90 à travers les travaux, entre autres, de Nicolas Guarino ou Giancarlo Guizzardi. C’est entre autre en raison de cette filiation que deux disciplines aussi différentes que la philosophie et la gestion de données partagent un objet d’étude, si ce n’est identique, du moins semblable : les ontologies.

4.2.1.2 Un tournant descriptiviste de la métaphysique et philosophie de la connaissance

Une autre étape de la constitution d’un socle commun à l’investigation philosophique traditionnelle et l’apparition de notions ontologiques dans la psychologie cognitive consiste en l’émergence de philosophies de la connaissance de sensibilité descriptive et cognitiviste. Nous ne ferons ici mention que de deux éminents cas quoique peu relevés par l’Ingénierie des Connaissances.

La Métaphysique Descriptive et l’analyse de la langue ordinaire Le pre-

mier n’est autre que la Métaphysique Descriptive de (Strawson 1959) dont nous ne saurions ici faire l’économie. L’approche de Strawson, principalement construite sur une analyse sémantique de la langue naturelle, consiste principalement à fonder les catégories ontologiques traditionnelles de substance, attribut ou espèce naturelle sur leurs corrélats cognitifs et linguistiques –dans une relatif isomorphisme non pro- blématique de ces deux ordres pour la plupart des philosophes de cette tradition – plutôt que sur le produit de la seule introspection voire d’une introspection qui contredirait l’architecture naturelle de l’appréhension du monde de sens commun. On parle alors chez Strawson de métaphysique révisionniste. En d’autres termes, la construction d’une ontologie peuplées d’essences ou d’espèces naturelles passe chez Strawson par l’analyse du comportement des noms d’individus ou termes d’espèces. De même, la distinction de certaines catégories primitives comme celles de quan- tité et individu s’enracine dans l’analyse grammaticale de la différence entre les

termes de masse eau quelle quantité de ? en veux-tu plus ?

how much ? would you like more ?

termes comptables noix combien de ? en veux-tu d’autres ?

how many ? would you like some more ?

Table 4.1 – Noms massifs et noms comptables

termes de masse (e.g. eau) et les noms comptables et réidentifiables appelés sortals (e.g. noix) avec l’idée que la prégnance de ces différences en deçà de la diversité des grammaires saisit quelque chose d’essentiel sur la structuration primitive du sens commun (Cf tab.4.1).13

Pour peu qu’on le lise avec un œil moderne et anachronique, ainsi que le faisait déjà remarquer Nicolas Guarino au sujet de (Hobbs, Croft et al. 1987), 14 le pro-

jet strawsonien n’est pas sans rappeler celui d’ontologies de système d’information comme Dolce destinées à modéliser les connaissances de sens commun. Ainsi, la métaphysique de sens commun telle que l’entendent les ontologues à l’origine de l’importation de ces techniques dans l’Ingénierie des Connaissances s’apparente à la Métaphysique descriptive d’un Strawson tant par leur objectif commun que par leur structuration. Il n’est que de regarder brièvement la dite métaphysique de sens com- mun de (Hobbs, Croft et al. 1987) pour se convaincre de la continuité du projet Strawsonien dans une partie de l’I.A. à l’origine de l’Ingénierie des Connaissances que nous présenterons en sec.4.2.3. 15 Outre l’abandon d’un formalisme purement

ensembliste dans la représentation des connaissances, 16 l’on retrouve les mêmes

critères méréologiques et topologiques de distinction des catégories que dans la pos- térité strawsonienne,17 le même critère d’indistinctibilité (indistinguishability) dans

la définition du degré primitif de granularité d’une théorie (Cf. sec.2.2.2 p.57) et, dans la continuité de (P. Hayes 1985a), un traitement spécifique des termes de masse et, notamment, des liquides.

Métaphysique et Sciences Cognitives Une autre importante jonction, quoi-

qu’ignorée par l’Ingénierie des Connaissances, entre la métaphysique et les sciences 13Voir (Moltmann 1997, 2005) sur ce point spécifique.

14«[...] what Hobbs calls Commonsense Metaphysics is not different from Strawson’s program of

Descriptive Metaphysics » (Guarino 1995, p. 630)

15D’une manière intéressante, si Strawson n’est que peu relevé dans la littérature ontologique,

nous noterons une importante place occupée par les travaux de Roderick Milton Chisholm comme en (S. Milton et Kazmierczak 2004) et (Giovagnoli 2017).

16«[...] our commonsense theories of the world ought to be much more like group theory than set

theory.» (Hobbs, Croft et al. 1987, p. 242)

cognitives n’est autre que le projet d’Alvin Goldman initié en (Goldman 1987) de fonder la première sur les secondes. Détaillons brièvement les étapes chronolo- giques de ce projet avant de souligner sa pertinence pour la modélisation ontolo- gique des connaissances. Dans la continuité de l’épistémologie cognitiviste esquissée en (Goldman 1986), principalement attelée à la question de l’objectité, (Goldman 1987) introduit tout d’abord dans son système un Principe d’unité qui, reformulé en termes gestaltistes, s’entendrait comme l’ensemble des opérations de l’esprit et de la perception par lesquelles certains ensembles spatiaux ou temporels nous appa- raissent donnés comme tels sous la forme, respectivement, d’objets ou d’événements unifiés. 18 Ainsi :

I suggest that Gestalt principles underlie and shape our spatial and cross- temporal «entification» practices, our propensity to view certain sets of spatial elements as parts of one and the same physical object and certain sets of time slices as stages of one and the same continuant. I shall call them principles of unification or unity principles. (Goldman 1987, p. 541)

En d’autres termes, la perception d’une tasse ou de l’action de faire le plein de sa voiture comme des objet et événement unifiés plutôt que l’ensemble de leurs composants ne tient pas tant à la réalité qu’à certaines des propriétés essentielles de notre entendement. Cette prise de position n’implique cependant pas pour Gold- man un anti-réalisme motivé par l’idée que tout ne serait que projection, pour la bonne raison que le fait que le principe d’unité puisse s’appliquer à certaines entités comme Bleu et non à d’autres comme Vleu, pour reprendre le célèbre exemple de Goodman, semble dépendre de quelque chose d’indépendant de l’esprit – du moins de la pensée consciente. 19

La formulation de cette première idée évolua jusqu’à la parution de (Gold- man 1992a), une monographie plus complète dont l’angle d’approche cognitiviste s’exprime désormais dans un vocabulaire ontologique plus complet et proche des physiques naïves et autres métaphysiques cognitives du corpus ontologique formel que nous serons amenés à rencontrer. Nous retiendrions trois ensembles d’idées prin- cipales.

(Goldman 1992a) initie premièrement un tournant ontologique caractérisé par la re-formulation et l’intégration des principe de réifications diversement proposés

18Sur l’appréhension des événements unifiés, voir aussi (Goldman 1971).

19Nous laisserons de côté les détails de cette réponse à l’anti-réalisme ainsi que la possibilité de

en (Quine 1974) (Hirsch 1982, 1988) dans une métaphysique générale d’inspira- tion cognitiviste. Ici encore, le fait que l’esprit admette spontanément l’existence indépendante de certaines réifications comme une table, une chaise au détriment d’autres comme «partie non détaché de lapin» ou la klable de (Shoemaker 1979) – table de cuisine (kitchen table) de midi à 9 heures du matin, table de séjour (living

room table) le reste du temps – est interprété de manière réaliste et abonde par là

même en faveur d’une attitude, si ce n’est révisionnaire, du moins prescriptive en métaphysique.

Nous pourrions illustrer cette thèse par l’exemple de l’analyse des principes d’identité et de continuité à l’œuvre dans l’expérience de pensée du bateau de Thé- sée.20Si l’on change une à une les pièces du bateau de Thésée (A) jusqu’au point que

celui-ci ne possède plus aucune pièce d’origine (B), il apparaît intuitif de considérer qu’il s’agit du même bateau (A = B) puisque de même contour. Toutefois, dans le cas ou les pièces d’origine de A auraient été assemblées de nouveau en un bateau (C), il serait tout aussi tentant de percevoir ces deux entités comme les mêmes (A = C) du fait qu’elles possèdent à la fois les mêmes composants et le même agencement. Or, du fait que B et C ne sont pas identiques en tant qu’ils ne sont pas indistin- guables (B 6= C), il n’est pas possible de tenir à la fois sous le même rapport A = B et A = C sans contraction. Nous sommes ici confrontés à la contradiction de deux principes cognitifs généraux pourtant évidents que seraient la règle gestaltiste de

bonne continuation qui sous-tend A = B et la règle de ressemblance qui sous-tend A = C ; la première ayant tendance à l’emporter en cas de choix forcé. Ce dernier

point illustre l’idée de Goldman selon laquelle la pratique métaphysique descriptive ne doit pas tant se borner à fournir une liste des entités peuplant notre ontologie naïve (folk ontology) qu’à comprendre et expliquer, par les sciences cognitives, la pré- férence circonstancielle de certains de ses principes les plus généraux sur les autres. Ainsi :

It would also seek to understand or explain why the folk have that on- tology rather than an other, i.e, to identify the underlying principles, mechanisms or constraints that shape their ontological "choices" (Gold- man 1992b, p. 36)

Deuxièmement, la pertinence d’une analyse cognitiviste des intuitions qui sous- tendent aussi bien nos intuitions philosophiques, nous y reviendrons, que nos schèmes 20On retrouvera également l’analyse détaillée de l’expérience de pensée de la téléportation en

conceptuels en règle générale s’étend chez Goldman à de nombreux axes de recherches dont il synthétise les principales thèses et adopte la méthodologie. D’une manière intéressante pour notre propos, son discours s’étend quelque peu en dehors des re- cherches psychologiques traditionnelles pour également intégrer les modélisations linguistiques et informatisées des connaissances assurées par les Schémas (Frames Cf sec.3.3.3), notamment dans les travaux de Fillmore, soit l’ancêtre des ontologies de systèmes.

For my second illustration of the relevance of psychology (or cognitive science more broadly), I want to explore (all too briefly) the implications for epistemic analysis of a certain cognitive approach to concepts. This approach is best represented by Charles Fillmore’s ’frame semantics’, but the approach is also developed by other linguists and psychologists. [...] The mental representation of such a type of situation is sometimes called an ’idealized cognitive model’ (ICM). Fillmore suggests that a definition of the lexical item can only be given, or understood, against the presupposition of the relevant ICM. In more familiar philosophical terminology, the lexical item is ’theory laden’. (Goldman 1992b, p. 150) Enfin, attardons nous un instant sur la naturalisation des intuitions philoso- phiques. L’intérêt du naturalisme de Goldman provient de la réflexivité d’une analyse philosophique sur les intuitions philosophiques qui sous-tendent la pratique méta- physique, descriptive comme révisionnaire. La pertinence d’une approche cognitiviste ne s’étend ainsi pas aux seuls raisonnements courants en situation écologique mais