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Monde ouvert VS monde fermé

3.2 Les Logiques de Description

3.2.3 Monde ouvert VS monde fermé

A la différence de base de données relationnelles classiques, OWL admet une hypo- thèse de monde ouvert qui pèse directement sur le type de raisonnements réalisables sur la base des informations contenues dans la A-box. 31 Avant de définir plus for-

mellement cette notion, notons tout d’abord qu’elle dépend très directement de l’hypothèse selon laquelle les connaissances d’une situation contenues dans la A-box pourraient ne pas être complètes. 32 Exprimés dans des termes logiques, cela tient

au fait qu’une A-box ne représente pas une mais, comme nous le verrons, plusieurs interprétations (ou modèles) (Baader et Nutt 2007). Ainsi, alors que l’absence d’une information est interprété comme une information négative dans une base de données, elle traduit simplement un manque de connaissance dans une A-box – i.e. l’existence de plusieurs modèles. 33

En des termes plus pragmatiques, cela revient à dire que, le solveur ne partant pas du principe selon lequel la A-box contient l’intégralité des faits, celui-ci répondra qu’il ne sait pas à une question comme «Peter a-t-il d’autres enfants que John ?» dans l’exemple de la table 3.2 p.102. Pour le dire encore autrement, à la différence du cas 31Cette particularité concerne spécifiquement la A-box. Nous verrons en sec.3.2.4 les raisonne-

ments plus directement concernés pas la T-box.

32«In a simplified view, an ABox can be seen as an instance of a relational database with only

unary or binary relations. However, contrary to the "closed-world semantics" of classical databases, the semantics of ABoxes is an “open-world semantics”, since normally knowledge representation systems are applied in situations where one cannot assume that the knowledge in the KB is com- plete.» (Baader et Nutt 2007, p. 65)

33«From a logical point of view this means that query evaluation in a database is not logical

reasoning, but finite model checking (i.e., evaluation of a formula in a fixed finite model)» (Baader

d’un monde fermé, le passage en revue des instanciations (instance checking) ne per- met pas de conclure que la présence de la seule mention de P arentDe(P eter, John) interdise que John ne soit qu’un enfant de Peter parmi d’autres : cet axiome ne fait qu’énoncer un fait, non le fait qu’il soit unique. Pour cette même raison, le solveur ne saurait déduire de P arentDe(P eter, John) et Homme(John) que tous les enfants de John sont de sexe masculin.

Figure 3.1 – Hypothèse de monde ou- vert : une illustration

Vérification d’instanciation VS éva- luation de modèles Ce constat n’im-

plique pas qu’il soit impossible de ti- rer des conclusions en dépit de l’infor- mation manquante, mais simplement que la détermination de certains de ces faits suppose un mode de raisonnement plus puissant qu’une vérification d’instancia- tion (instance checking). L’on peut illus- trer cette idée à l’aide de l’exemple d’Oedipe présenté en (Baader et Nutt 2007, p. 74-76).

L’histoire peut être résumée en substance en disant que Jocaste a pour enfant Oedipe avec lequel elle eut Polynice, lui même père de Thersandre – Cf représentation de la A-box en fig.3.1. Cette base de connaissance possède un rôle (a pour enfant) et un concept (parricide). L’effet de l’hypothèse de monde ouvert peut être illustré en demandant si Jocaste a un enfant parricide lui-même parent d’un enfant non parricide. Dans les termes formels de la théorie de modèles, cela revient à demander :

A |= (∃aP ourEnf ant.(P arricide ⊓ ∃aP ourEnf ant.¬P arricide))(Jocaste)? Une première approche, spontanée et similaire à une vérification d’instanciation procéderait de la sorte. Jocaste a deux enfants. L’on sait que l’un d’eux, Oedipe, est un parricide et a un enfant (Polynice). Mais rien ne dit que Polynice n’est pas parricide. En conséquence, Oedipe n’est pas celui que nous cherchons. L’autre enfant de Jocaste est Polynice. L’on sait que son enfant, Thersandre, n’est pas parricide mais, ici encore, faute de savoir si Polynice est parricide, ce dernier n’est pas non plus celui que nous cherchons. Faute de savoir si Polynice instancie Parricide, ne ne saurait répondre à cette question.

Cette première approche souffre toutefois d’un biais de raisonnement bien connu de la psychologie de résolution de problème (Problem Solving). La question n’est, en effet, pas de savoir quel enfant satisfait cette description mais bien plutôt de savoir si il y en a un. Or, même en l’absence de ces informations, il est possible de répondre à cette question. Du fait qu’une A-box représente l’ensemble de ses modèles plutôt qu’un modèle en particulier, il existe un autre raisonnement valide capable de déterminer si Jocaste a un enfant parricide lui-même parent d’un enfant non parricide. Il convient en premier lieu de remarquer que l’information manquante concerne la nature ou non parricide de Polynice. Tous les modèles de cette A-box peuvent se classer dans deux catégories : l’une dans laquelle Polynice est parricide (M1), l’autre dans laquelle il ne l’est pas ( M2). Dans une présentation semi-formelle,

le raisonnement se décrirait de la sorte. M1

P olynice: P arricide T hersandre: ¬P arricide

aP ourEnf ant(P olynice, T hersandre)

aP ourEnf ant(Jocaste, P olynice)

(3.31)

M2

P olynice : ¬P arricide Oedipe: P arricide

aP ourEnf ant(Oedipe, P olynice)

aP ourEnf ant(Jocaste, Oedipe)

(3.32)

A |= (∃aP ourEnf ant.(P arricide ⊓ ∃aP ourEnf ant.¬P arricide))(Jocaste)? (3.33) C’est ainsi en vertu du fait que ce fait est vrai dans tous les modèles et non en vertu d’une vérification des instanciations qu’il est possible de conclure que Jocaste a pour enfant un parricide père d’un non-parricide – i.e. perspectivement Polynice Thersandre dans les premier cas et Oedipe Polynice dans le second.

En raison de l’hypothèse de monde ouvert qui sous-tend la sémantique de la A-box, les raisonnements sur la base des faits de ce dernier en cas d’information manquant ne peuvent se contenter d’évaluer les instanciations mais doivent néces- sairement prendre la forme d’une analyse de cas (ou énumération de modèles).

Négation par l’échec et Monde Ouvert L’insuffisance de la vérification d’ins-

l’activité inférentielle. Il convient à cet égard de noter que cette spécificité implique qu’un certain nombre de raisonnements usités aussi bien en programmation logique que dans la gestion de bases de données classiques perdent alors leur fonction. Tel est le cas de la négation par l’échec (negation as failure) (Horrocks, Parsia et al. 2005).

La négation par l’échec est une règle d’inférence non monotone en programmation logique – on la retrouve, à titre d’exemple, dans Prolog et Datalog – qui stipule que l’échec de la dérivation de p (⊢ p) tient lieu de dérivation de non p (⊢ ¬p). A la différence de l’ensemble infini des formules dérivables d’un schéma d’axiomes de L1, dans la mesure où la clôture déductive d’une base de donnée ne contient qu’un nombre fini de faits (un monde fermé), la négation par l’échec s’est assez naturellement répandue dans le champs de la gestion de bases de données (Reiter 1978). Le développement de ce mode de raisonnement non monotone n’est pas non plus sans relation avec les discussions et solutions apportées au Problème du Cadre que nous avons présenté en sec.3.1.1.

En conclusion, pour des raisons que l’exemple ci-dessus suggère aisément, ce mode de raisonnement, aussi fonctionnel qu’il puisse être ne vaut que dans un contexte de monde fermé, soit dans un contexte où l’on suppose que tout les faits à connaître se trouvent effectivement dans la base de données, qu’il n’y a rien en dehors, en somme. L’on peut en outre achever de se convaincre de l’incompatibilité de ces sé- mantiques au travers d’un exemple historique. Dans le cas du Web Sémantique, soit le concours de différentes bases de connaissances, schémas de données et moteurs d’inférences associés, nous avons de bonnes raisons de croire que la collusion de sémantiques ouvertes et fermées aurait sonné le glas de cette entreprise. En effet, certaines suggestions d’expansion de la «Pyramide du Web Sémantique» (Seman-

tic Web Stack) ayant proposé d’intégrer à cette architecture des règles d’inférences

issues de Datalog, 34 la nature fondamentalement différente de ces sémantiques

à mondes ouvert et fermé aurait alors empêché de concevoir le web sémantique à la manière d’une pyramide – une sémantique du web unifiée telle que l’on soit as- suré de conserver à chaque niveau les inférences possibles au niveau précédent – mais, pour pour emprunter l’expression à (Horrocks, Parsia et al. 2005), «Deux

Tours» soit deux sémantiques du web dénuées d’interopérabilité du fait de la nature

fondamentalement différente de leurs inférences valides respectives.