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Chapitre 2 – Trois scénarios macroéconomiques pour borner

2.   Deux scénarios alternatifs modifient le volume et la réallocation sectorielle

2.1.  Le scénario de crise

2. Deux scénarios alternatifs modifient le volume

Chapitre 2 Trois scénarios macroéconomiques pour borner les incertitudes en sortie de crise

– une reprise moins rapide qu’anticipée dans le scénario central de la croissance mondiale entre 2014 et 2018 : la demande mondiale (hors UE-27) adressée à la France et à l’Europe baisse de 4,5 % en 2018 (– 0,9 % par an), avant de se redresser partiellement sur le reste de la période : la baisse n’est plus que de 2,5 % en 2030

La conjugaison d’un affaiblissement prononcé et durable des facteurs de croissance à long terme (l’augmentation de 0,6 % par an de la productivité globale des facteurs dans le scénario central n’est plus que de 0,3 % dans le scénario de crise) et d’un ralentissement de la croissance européenne et mondiale pénaliserait les composantes privées et publiques de la demande hexagonale.

L’investissement et la consommation des ménages seraient durement touchés, et seraient en 2022 inférieurs de 3,5 % à leur niveau dans le scénario central. L’investis-sement suivrait le ralentisL’investis-sement de la production, tandis que le revenu des ménages serait entamé par une moindre progression des rémunérations (inférieures de 7 % en 2022 à celles du scénario central) et par la faiblesse de la création d’emplois, qui serait inférieure de 2 % à sa progression dans le scénario central.

En dépit de la modération salariale, l’économie française ne parviendrait pas à redresser sa compétitivité sur les marchés d’exportation et le déficit commercial ne se réduirait pas (alors que dans le scénario central, le déficit est réduit de moitié entre 2012 et 2022, mais reste négatif).

Moindre perspective de croissance, baisse des recettes fiscales et faible inflation se conjugueraient pour entraver le rétablissement des finances publiques. Il en découlerait un fort ralentissement de la demande publique adressée à l’économie (en retrait de 1,6 % par rapport à sa valeur dans le scénario central). Imposée par les traités européens, la maîtrise du déficit public occasionnerait, en effet, un ajustement budgétaire plus important du fait de la faiblesse des rentrées fiscales, entraînant un cercle vicieux de surendettement. Le déficit budgétaire se réduirait de 60 % entre 2012 et 2022 mais ne s’annulerait pas. En dépit d’un surcroît d’effort pour réduire la dépense publique, la dette resterait à un niveau élevé et pèserait pour 91 % du PIB en 2022, soit une dégradation de 15 points de pourcentage par rapport au scénario central.

Entre 2012 et 2022, la croissance française se situerait à peine au-dessus de 1 % par an et la productivité du travail décrocherait en niveau et en tendance par rapport aux années d’avant-crise, ne progressant que de 0,6 % par an (contre 1,3 % entre 2002 et 2007 et 0,8 % dans le scénario central pour les dix années à venir). L’économie française créerait 1,2 million d’emplois en dix ans (soit 554 000 emplois de moins que dans le scénario central) et le chômage se maintiendrait à près de 10 % des actifs.

Tableau 3 – Principales caractéristiques du scénario de crise et écarts au scénario central

2012-2022 2022

Taux de croissance

annuel moyen

Contribution à la croissance

Écart au scénario central

PIB 1,1 % – 3,6 %

Consommation des ménages 1,1 % 0,6 % – 3,6 %

Investissement 1,1 % 0,2 % – 3,5 %

Consommation des administrations 1,0 % 0,3 % – 1,6 %

Solde extérieur* 0,0 % 0,1

Inflation 1,3 % – 2,3 %

2012-2022

Taux de croissance

annuel moyen

Croissance Hausse

en niveau Écart en %

Emploi 0,5 % 4,8 % 1 214 – 2,0 %

Productivité 0,6 % 6,1 % – 1,6 %

2002 2012 2022 Écart en

points de %

Taux de chômage 8,3 % 10,2 % 9,7 % 1,8

Dette publique en % du PIB 56,1 % 101,8 % 91 % – 2,2 Déficit public en % du PIB – 3,0 % – 5,5 % – 2 % 14,8 Concepts : Comptes nationaux base 2005 en volume, en milliers d’emplois équivalents temps plein, en indice des prix à la consommation, en taux de chômage au sens du BIT.

Champ : France entière.

* Écarts en points de pourcentage par rapport à la contribution du solde extérieur à la croissance.

Sources : Insee et NEMESIS pour France Stratégie, calculs des auteurs

Un recul de l’emploi plus marqué dans les services aux entreprises

Dans cette configuration, tous les secteurs seraient affectés par la faiblesse de la croissance (voir graphiques 4 et 5) mais l’ampleur des pertes d’emplois par rapport au scénario central varierait d’une activité à l’autre.

Les services aux entreprises à fort contenu cognitif (conseil et assistance, recherche et développement, finance et assurance) seraient les plus touchés en termes absolus

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(voir graphique 4) et relatifs (voir graphique 5) : ils pâtiraient de l’affaiblissement de la compétitivité hors coût de l’économie française. Les services opérationnels dont la main-d’œuvre est globalement moins qualifiée souffriraient également plus fortement du repli de l’emploi global dans la mesure où les agences de fourniture de main-d’œuvre en constituent une grande partie : or l’intérim est la variable d’ajustement de l’emploi dans la crise et sur-réagit au ralentissement de la croissance. Les services opérationnels constitueraient la branche qui détruirait le plus d’emplois en valeur absolue par rapport au scénario central (et la sixième en valeur relative).

Les industries à forte intensité technologique (pharmacie, chimie) seraient également fortement handicapées par le ralentissement de la demande mondiale. En valeur absolue leurs pertes d’emplois ne les situeraient pas au premier rang des secteurs destructeurs d’emplois dans le scénario de crise, dans la mesure où elles sont plus intensives en capital qu’en main-d’œuvre, mais en termes relatifs elles perdraient plus d’emplois qu’en moyenne. Seules les industries des équipements électriques et électroniques (dans une moindre mesure la construction navale et l’aéronautique) préserveraient davantage leur emploi (dont la baisse relative est inférieure à celle de l’emploi global) mais au prix d’une très forte substitution du travail au capital (la baisse de la productivité est la plus forte de l’économie française), traduisant une modification structurelle de ces activités vers des produits à plus faible valeur ajoutée et à moindre contenu technologique.

De manière comparable, les industries de moyenne technologie souffriraient de la perte de débouchés (ralentissement de la consommation intérieure et de la demande mondiale) et ne parviendraient pas à innover pour maintenir leurs parts de marché.

C’est en particulier le cas des industries de process (mécanique, métallurgie, minéraux), qui perdraient plus d’emplois que la moyenne des secteurs dans le scénario de crise. Seul le secteur de l’énergie (combustible et carburant, eau-gaz-électricité) serait relativement préservé. S’il continuerait à être destructeur net d’emplois, il bénéficierait de la baisse des prix du pétrole (consécutive à la faiblesse de la croissance mondiale). Pour des raisons identiques (baisse du prix du carburant), le recul de l’emploi dans l’automobile serait moins fort que celui de l’emploi global (voir graphique 5), en dépit de l’affaiblissement de la demande mondiale et de l’innovation dans ce secteur. Le secteur du transport bénéficierait également d’un prix du carburant moins élevé et maintiendrait mieux son emploi que la moyenne des secteurs dans le scénario de crise.

Quant aux industries plus intensives en main-d’œuvre, elles perdraient en productivité du fait du renchérissement du coût du capital par rapport au travail ce qui maintiendrait davantage l’emploi dans les secteurs de l’agroalimentaire, des équipements du foyer, du bois et papier (rétraction de l’emploi dans ces secteurs inférieure à la baisse de l’emploi global, voir graphique 5). Cette baisse de la productivité serait néanmoins compensée par la perte de valeur ajoutée dans les industries du textile et de l’habillement, très

concurrencées par les pays à bas coût de main-d’œuvre (rétraction de l’emploi équivalente à celle de l’emploi global). Elle ne parviendrait pas davantage à endiguer le déclin structurel de l’édition et de l’imprimerie, causé par des changements technologiques majeurs (montée du numérique au détriment de l’imprimé). La faiblesse de l’innovation dans le scénario de crise ne permettrait pas à ces activités de se renouveler et de modifier leur structure pour embrasser ce tournant technologique.

Les secteurs proches de la demande finale, en dehors des services à la personne et des activités récréatives, préserveraient davantage leur emploi dans la crise. Moins dépendants de la demande mondiale et plus abrités de la concurrence internationale, ils bénéficieraient également d’une main-d’œuvre moins coûteuse (offre de travail surabondante en raison d’un taux de chômage durablement élevé), en particulier dans les segments peu ou moyennement qualifiés. C’est en particulier le cas de l’hôtellerie-restauration et de la distribution (hors commerce de gros alimenté par la demande des entreprises, dont la rétraction de l’emploi suivrait strictement le ralentissement de la croissance globale). La faible croissance du revenu des ménages et la hausse du coût relatif du capital pourrait favoriser les petites enseignes bas de gamme, intensives en main-d’œuvre, et accentuer le développement de commerces low cost offrant un service minimum de vente de produits à prix réduits. Corollaire d’une stratégie low cost, la qualification de l’emploi pourrait en pâtir et les conditions de travail se dégrader (allongement des horaires d’ouverture et multiplication des horaires atypiques).

Les télécommunications sont également un secteur où l’emploi se rétracterait moins que la moyenne des autres activités dans le scénario de crise. Cette relative résistance à la crise traduit la forte demande des consommateurs pour ces services. Dans ce scénario, leur valeur ajoutée ne décroîtrait pas plus que celle des autres secteurs mais les gains de productivité se réduiraient, reflétant une substitution du travail au capital.

La faiblesse de la croissance pèserait sur les recettes fiscales et sur les capacités redistributives de l’État, affectant l’emploi public dans les services non marchands. Les services centraux de l’administration d’État et de l’administration territoriale1 seraient les plus touchés en raison d’un ajustement budgétaire renforcé. Dans les autres services non marchands, la part de l’emploi privé progresserait. Mais globalement, les secteurs de l’action sociale, de la santé et de l’éducation résisteraient bien à l’affaiblissement de la croissance, confirmant leur caractère relativement contra-cyclique. En revanche, les services personnels et domestiques, dont la demande est très dépendante du revenu des ménages, souffriraient très fortement de la rétraction de l’activité et de la baisse de la socialisation des dépenses (baisse des réductions d’impôts) du fait d’une contrainte budgétaire accrue. Il en va de même des activités récréatives et culturelles moins

(1) C’est-à-dire l’emploi public dans les fonctions administratives et régaliennes qui ne relèvent pas de l’éducation ou de la recherche (fonction publique d’État), de la santé (fonction publique hospitalière) ou de l’action sociale (emploi direct ou indirect des collectivités locales dans ces activités). Voir supra.

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subventionnées et moins attractives pour les ménages qui, dans un contexte de revenu contraint, arbitreraient en faveur des dépenses les plus essentielles comme la santé ou l’éducation.

Graphique 4 – Impact sur l’emploi sectoriel du scénario crise : écart au scénario central, en milliers d’ETP, 2012-2022

Concept : emploi équivalent temps plein au sens de la comptabilité nationale (base 2005, NES 36).

Champ : France entière.

Sources : Insee et NEMESIS pour France stratégie, calculs des auteurs

Graphique 5 – Impact sur l’emploi sectoriel du scénario crise : écart au scénario central, en points de pourcentage, 2012-2022

Concept : emploi équivalent temps plein au sens de la comptabilité nationale (base 2005, NES 36).

Champ : France entière.

Sources : Insee et NEMESIS pour France stratégie, calculs des auteurs