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La réforme des retraites de 2010 réduit à la marge le nombre de départs

1.   Les départs en fin de carrière resteront importants

1.2.  La réforme des retraites de 2010 réduit à la marge le nombre de départs

Dans le prolongement des années récentes, l’âge de départ en fin de carrière devrait s’accroître sur la période 2012-2022, principalement pour deux raisons. D’une part, l’allongement de la scolarité a été très marqué pour les générations nées après la guerre (Chauvel, 1998), conduisant à un recul de leur âge de départ en fin de carrière. Cela concerne notamment les personnes nées à partir de 1953, du fait du passage de l’âge de fin de la scolarité obligatoire de 14 à 16 ans à partir de 1967 (Benallah et Legendre, 2009).

D’autre part, les réformes des retraites successives de 2003 à 2010 (allongement de la durée d’assurance requise pour obtenir une pension à taux plein, réforme du régime de retraite de la fonction publique de 2003, réforme des régimes spéciaux de 2009, report

Chapitre 1 Population active et départs en fin de carrière

de l’âge minimal de liquidation de 60 à 62 ans avec la réforme de 2010) vont allonger la durée d’activité des seniors en emploi et décaler les âges de sortie définitive de l’emploi, même si l’effet sur les départs définitifs de l’emploi est plus faible que sur les départs à la retraite (Bachelet et al., 2011).

Graphique 3 – Évolution de l’âge moyen de départ définitif de l’emploi, avant et après la réforme de 2010

En années

Lecture : sur la période 2010-2020, l’âge moyen de départ définitif de l’emploi augmenterait pour atteindre 60,7 ans en 2020 ; sans la réforme des retraites de 2010, cet âge moyen de départ ne dépasserait pas 60 ans.

Concept : âge au 31 décembre de l’année de départ.

Champ : ménages ordinaires ; France métropolitaine.

Source : Insee, enquêtes Emploi ; projections France Stratégie-Dares

L’âge moyen de cessation d’emploi pourrait ainsi augmenter d’un an entre 2012 et 2022, la moitié de cette évolution étant due à la réforme des retraites de 2010. La tendance à l’augmentation de l’âge de départ, déjà constatée depuis 2005 et cohérente avec l’augmentation du taux d’activité des seniors au cours des dix dernières années (Dares, 2011a), serait donc prolongée sur la période 2012-2022.

Un impact limité de la réforme des retraites de 2010 sur le nombre de départs L’impact de la réforme des retraites de 2010 sur le nombre de départs apparaît relativement limité dans la projection (voir annexe en fin de chapitre) : le nombre cumulé de départs en fin de carrière ne se trouve réduit que d’un peu moins de 6 % sur 2012-2022, soit 40 000 départs en moins chaque année. Ces estimations sont un peu

infé-rieures à celles issues des travaux de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) relatifs à l’impact de la réforme sur le nombre de liquidations dans le régime général.

Plusieurs raisons expliquent cet impact qui peut paraître relativement faible. En premier lieu, les estimations portent ici sur l’ensemble des salariés et non-salariés, alors que la réforme des retraites de 2010 ne s’applique pas aux salariés des entreprises bénéficiant de régimes spéciaux, réformés en 2009, et n’a pas d’impact direct non plus sur les professions libérales dans les projections réalisées (voir annexe en fin de chapitre).

Ensuite, pour les individus qui partaient déjà de l’emploi après 60 ans1, le décalage de l’âge minimal de liquidation de 60 à 62 ans n’a qu’un effet limité. Enfin, pour les personnes qui partaient avant 60 ans, une partie d’entre elles continueraient à quitter leur emploi avant l’âge de liquidation de leur retraite, notamment pour raisons de santé. À long terme, l’effet de la réforme des retraites de 2010 devrait donc être moindre sur les cessations définitives d’emploi qu’il ne l’est sur les liquidations de retraite (Bachelet et al., 2011).

L’impact de la réforme des retraites de 2010 est le plus net pour les catégories actives de la fonction publique (réduction du nombre de départs en fin de carrière de plus de 10 % par rapport au nombre projeté avant prise en compte de la réforme). Cette ampleur résulte de la combinaison d’un effet démographique (les cohortes directement concernées par la hausse de l’âge minimal de liquidation sont particulièrement nombreuses) et du comportement de départ de l’emploi qui, par rapport aux salariés du privé, est plus directement lié aux règles de liquidation de la retraite.

L’intégration d’un « effet horizon »

On suppose que la hausse de l’âge légal de départ à la retraite peut engendrer des modifications de comportement pour les entreprises et les individus. Un « effet horizon »2 a ainsi été intégré dans la modélisation des projections de départs en fin de carrière après la réforme des retraites de 2010, suivant en cela l’approche retenue par le scénario central des projections de population active de l’Insee (Filatriau, 2011 ; voir infra). Le recul de l’âge légal peut en effet pousser les entreprises à maintenir plus longtemps les seniors en emploi, notamment parce que l’horizon auquel elles anticipent de « rentabiliser » leur effort d’investissement en direction des seniors (en formation, par exemple) s’éloigne. De même, lorsque l’âge légal de la retraite est retardé, les seniors peuvent être conduits à augmenter leur investissement en formation ou à modifier leur comportement de recherche d’emploi. L’« effet horizon » désigne l’ensemble de ces mécanismes et leur incidence (Aubert, 2012).

(1) Situation très courante parmi les cadres et professions libérales, les artisans, commerçants et chefs d’entreprise et certains métiers comme les assistantes maternelles ou les employés de maison (voir tableau 3).

(2) L’existence et l’ampleur de l’effet horizon font l’objet de débats académiques (Hairault et al., 2006 ; Benallah et al., 2008).

Chapitre 1 Population active et départs en fin de carrière

Cet effet horizon pourrait s’exercer d’autant plus que les dispositifs institutionnels et les comportements de départ avant 60 ans se sont modifiés depuis le milieu des années 2000 (Estrade, 2007). Certains dispositifs qui permettaient des cessations anticipées d’activité en attendant la liquidation des droits à retraite (préretraites publiques, dispense de recherche d’emploi) ont été continûment réduits depuis 2003, avec une fermeture complète étalée entre 2009 et 2012 (Minni, 2014 ; Marioni, Merlier, 2014). Les réserves des entreprises à l’égard de l’employabilité des seniors semblent par ailleurs s’être atténuées (Defresne et al., 2010b), tandis que les acteurs économiques prennent conscience des enjeux du maintien dans l’emploi des seniors (nécessité notamment de préserver les compétences). Enfin, la grande majorité des retraités du régime général qui travaillaient encore à 50 ans, mais n’étaient plus en emploi au moment de la liquidation de leurs droits à retraite en 2008, aurait souhaité travailler davantage (Benallah et al., 2011). Au total, les règles des régimes de retraite devraient avoir un impact plus important sur les comportements de départs en fin de carrière et retarder l’âge de départ définitif de l’emploi (Bachelet et al., 2011).

Parmi les salariés du régime général, l’effet horizon joue un rôle important pour expliquer le recul prévu de l’âge de départ dans des métiers où cet âge est actuellement précoce (métiers d’ouvriers industriels et du BTP, dont on modélise de façon spécifique le comportement de départ ; voir annexes). L’effet pourrait être cependant amoindri si l’état de santé des seniors occupant ces métiers et les conditions de travail dans les postes occupés en fin de carrière ne connaissaient pas d’amélioration. Dans les métiers d’ouvriers industriels, du BTP ou de la manutention, pour lesquels l’âge de départ est presque toujours inférieur à la moyenne générale, les raisons de santé représentent en effet en moyenne près de 20 % des motifs de départ en fin de carrière sur la période 2003-2011 (voir infra, 1.3).

A contrario, la réforme des retraites de 2010 devrait avoir moins de répercussions sur les indépendants (agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise) car une grande partie d’entre eux partait déjà après 60 ans. On considère également que l’impact de la réforme des retraites de 2010 sera nul pour les professions libérales (régime de retraite par points, départs très tardifs).

Pour les salariés relevant des régimes spéciaux et des métiers à régime de retraite spécifique, le seul impact concernerait les conducteurs routiers travaillant dans le secteur des transports, la réforme des retraites de 2010 entraînant un report du congé de fin d’activité (CFA) de 55 à 57 ans.

Les réformes après 2010

Les réformes adoptées après 2010 – élargissement du départ anticipé pour carrière longue à partir du 1er novembre 2012 (DREES, 2014), réforme de 2013 qui allonge notamment la durée de cotisation requise à partir de la génération 1958 et ouvre des

possibilités de départ anticipé en s’appuyant sur un « compte pénibilité » – n’ont pas été prises en compte. Selon les estimations disponibles concernant les départs anticipés pour carrière longue et l’allongement de la durée de cotisation, ces réformes jouent de manière marginale sur le nombre total de départs entre 2012 et 2022.

1.3. L’hétérogénéité des conditions et des âges de départ