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c) la satire ménippée

Dans le document John Donne : de la satire à l'humour (Page 80-97)

La critique s'accorde à diviser le genre satirique en deux catégories : d'un côté la satire formelle en vers, dite « satire romaine » ; de l'autre, la satire ménippée, ou « anatomie ». Celle-ci se distingue de la première tout d'abord par sa forme, moins rigide et codifiée. En effet, la satire ménippée mêle prose et vers et peut même parfois prendre la forme du roman ou du poème épique. L'autre différence réside dans l'absence, ou en tout cas la difficulté à percevoir la cible du satiriste : si la satire romaine s'attaque à un objet précis et identifié, la satire ménippée, en revanche, digresse, dresse des listes, cite des sources, donne des exemples tant et si bien que son propos est dilué par la forme du texte. Pour Alvin Kernan, la satire romaine met en avant le satiriste tandis que la satire ménippée s'attache davantage à dépeindre une scène satirique. Selon lui, c'est la raison pour laquelle la première est écrite à la première personne tandis que la seconde est à la troisième personne117. Dustin Griffin établit la même distinction entre ces deux traditions satiriques et explique que, lorsque la satire devient recherche systématique plutôt qu'exposition frontale d'un mal, lorsqu'elle dissèque afin de mieux découvrir et lorsque prose et vers se mélangent en laissant transparaître un « élan inquisiteur », elle devient anatomie ou satire ménippée118. Enfin, Northrop Frye va plus loin et propose une définition plus large de la satire ménippée, qu'il rebaptise « anatomie ». En effet, selon lui la satire ménippée va bien au-delà du simple genre satirique hérité des modèles latins. Dans le glossaire à la fin de son Anatomie de la Critique, voici comment il définit l'anatomie : « forme de fiction en prose, connue sous le nom de Satire Ménippée ou Satire de Varron, et que représente notamment l'Anatomie de la mélancolie de Burton. Elle se caractérise particulièrement par l'intérêt porté à des idées diverses et des thèmes très variés et contient des passages en vers. » Il nous semble nécessaire de nous pencher plus avant sur cette définition afin d'aborder au mieux les textes de Donne qui se rattachent à cette tradition littéraire.

117 Kernan 15.

c) 1. La tradition ménippéenne

L'adjectif « ménippéen » fait référence au philosophe cynique Ménippe, dont une satire fut reprise en latin par Varron. Ménippe est aussi l'objet d'un dialogue de Lucien de Samosate : Ménippe ou la Nécyomancie, dans lequel il descend aux enfers afin de découvrir quel genre de vie adopter. Dans son article « Donne's Ignatius and Menippean Satire », Eugene Korkowski tente de dresser l'historique de cette forme littéraire qui ne s'est jamais vraiment codifiée en genre :

From classical handbooks and from the remarks of Renaissance humanists on literary genres, [...] one may gain, if only piecemeal, an idea of Menippean satire after Menippus : most authorities agree that Varro's

Saturae Menippeae, Seneca's Apocolocyntosis, Petronius' Satyricon and Lucian's works, were examples of the form. 119

Les topoi de la satire ménippée incluent le voyage extraordinaire (comme dans les États et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac publié en 1657), le repas ridicule (dans le

Satyricon ou les « non-anniversaires » d' Alice's Adentures in Wonderland de Lewis Carroll, publié en 1865) ou la descente aux enfers. La Renaissance connaît elle aussi la publication d'une Satire Ménippée, mais de l'autre côté de la Manche120 : circulant en 1594, cet ouvrage collectif mêlant prose et vers est une satire visant la tenue des États Généraux à Paris en 1593 et la Ligue qui l'organise. Ce texte protestant se rie notamment des jésuites fanatiques, fervents ennemis d'Henry IV et désireux d'élire un roi catholique. Le texte imagine des rencontres clandestines réunissant à Paris jésuites, collecteurs d'impôts du pape, nécromanciens espagnols et autres fanatiques catholiques. Il inclut un épisode « lunaire », au cours duquel une nouvelle Église est établie sur la Lune. La Satyre Ménippée est traduite deux fois en anglais : A Pleasaunt Poesie, A Satyre Menippized en 1595, et Englandes Bright Honour : shining through the darke disgrace of Spanies Catholicon en 1602. Eugene Korkowski explique le propos de ce texte précis et son fonctionnement satirique en ces termes :

119 Korkowski 421.

120 Satyre Ménippée de la Vertu du Catholicon d'Espagne et de la Tenue des Estats de Paris (1594) (Paris, H. Champion, 2007) « Textes de la Renaissance » 117.

Unlike other theologians, the Jesuits were doubly susceptible to Menippean attack, because they considered themselves both a theological and pedagogical elite. Long before its first uses in religious controversy, the Menippean tradition had been used to satirize arrogant philosophical movements, pseudo-learning and breaches of the contemplative ideal in the daily life of the « intellectual ».121

Les jésuites font donc l'objet d'une attaque « ménippéenne », qui s'inscrit dans une tradition littéraire précise consistant à cibler non pas des comportements, des vices ou des maux concrets, mais des idées, en l'occurrence celles de la compagnie de Jésus. Robert C. Elliott qualifie ce genre d' « odyssée intellectuelle », dans laquelle les personnages ne sont plus que des agents abstraits au service de la satire.122 A la Renaissance, ce sont tout naturellement les conflits religieux ainsi que les découvertes scientifiques et les discours savants qui nourrissent cette tradition satirique, parfait véhicule des controverses théologiques et intellectuelles.

Deux textes de John Donne semblent clairement s'inscrire dans cette tradition : la

Métempsychose et Ignatius his Conclave. Les deux textes sont pourvus de titres très longs composés de différents segments dont la hiérarchie n'est pas claire : The Progress of the Soul / Infinitati Sacrum / 16 Augusti 1601 / Metempsychosis / Poema Satyricon

pour le premier texte ; Ignatius his Conclave or His Inthronisation in a late Election in Hell Wherein Many Things are Mingled by way of a Satyr / Concerning the Disposition of Jesuites, the Creation of a New Hell, the Establishing of a Church in the Moon / There is also added an Apologie for Jesuites / All Dedicated to the Two Adversary Angels, which are Protectors of the Papall Consistory and of the College of Sorbon pour le second123.

Dès le seuil de la Métempsychose, le propos de la satire paraît confus, comme brouillé par la multiplicité des titres et sous-titres. Le corps des textes reproduit aussi la « mosaïque » qui définit la satire ménippée, puisque le poème débute par une épître en prose avant de développer son « Premier Chant », qui n'est pas suivi d'un second et se

121 Korkowski 424.

122 Elliott 188.

compose de cinquante-deux strophes, tandis qu'Ignatius est en prose, émaillé de courts passages en vers et se conclut par une apologie adressée aux jésuites. Des deux textes, c'est sans doute ce dernier qui reprend presque parfaitement les schèmes de la satire ménippée. Le texte met en scène un voyage aux enfers sous forme de dialogue, à la manière de Ménippe ou la Nécyomancie de Lucien de Samosate ; ainsi que le souligne Eugene Korkowski, Ignatius inclut, tout comme son prédécesseur français La Satire Ménippée, un voyage sur la Lune afin d'y fonder une nouvelle Église124 ; il assemble un nombre de caractéristiques qui le relient nettement aux autres satires ménippées de la période :

All of the Menippean satires I have so far described were visions of the next world or imaginary eavesdroppings on clandestine theological meetings, containing some reference to a previous Menippean model, and set in a mixture of prose and verse. Clearly then, at the time Donne wrote the Ignatius, there was a strong current of other works much like his own: written in Latin (the Ignatius appeared twice in Latin before it was published in English), aimed at the Jesuits (or involving them), set in the next world, describing a secret gathering, and judging the philosopher, savant, or theologian who deserved, better than his rivals and antagonists, the dubious distinctions of some fit niche in Hell, or some similar otherworldly locus. Donne's satire also shares with these other Menippean satires an elaborate effort at anonymity, the use of the victim's name in the title, along with an ironic epithet [...], and the prose-verse mixture. If we are to judge the genre of Ignatius his Conclave by looking about for works of a similar type, then, we cannot fail to notice a striking similarity to Menippean satires. 125

Contrairement à Ignatius, La Métempsychose ne présente pas de similitude formelle aussi évidente avec les modèles ménippéens. Néanmoins, le titre rappelle l'Apocoloquintose de Sénèque – terme qui signifie « transformation en citrouille » – , qui est souvent considéré comme le premier modèle intact et complet de satire ménippée. Les deux termes en «-ose » impliquent la métamorphose, la transformation d'un corps en un autre. Par ailleurs, ces concepts nous renvoient à l'Âne d'Or d'Apulée, également intitulé Les Métamorphoses, autre texte fondateur ménippéen dans lequel le

124 Korkowski 424.

protagoniste, transformé en âne, passe de main en main, puis est contraint de s'accoupler avec une femme. Le texte de Donne présente la même structure : l'âme du titre passe de corps en corps, ce qui correspond au topos ménippéen du voyage extraordinaire, et, dans les dernières strophes, l'accouplement entre un singe et une femme y est évoqué. En définitive, les deux textes sont bien des « odyssées intellectuelles » : leur forme complexe et bigarrée permet à la satire d'embrasser de vastes concepts et de s'ancrer dans l'abstrait et le général, au lieu de s'inscrire exclusivement dans une réalité élisabéthaine concrète.

c) 2. L'anatomie générique

Il faut rappeler que le théoricien majeur de la tradition littéraire « ménippéenne », Northrop Frye, nomme aussi cette forme « anatomie », ce qui implique une dissection effectuée par l'auteur, une analyse extrêmement détaillée de son sujet. Ce terme est déjà en vogue à la période élisabéthaine car de nombreuses « anatomies » sont publiées, sans être nécessairement rattachées à la tradition ménippéenne. Gisèle Venet écrit d'ailleurs : « Le mot 'anatomie' a plus souvent à voir avec la plume qu'avec le scalpel : les penseurs et littérateurs [de l'Angleterre élisabéthaine] se battent à coups d'anatomies. »126 En 1583, The Anatomie of Abuses de Philip Stubbs critique violemment les mœurs et les vices de l'époque en « vilipendant les abus scandaleux qui se commettent dans les théâtres ou par les pièces qu'on y joue, poisons des âmes par les émotions factices qui s'y créent. »127 John Lily et l'Anatomy of Wit rencontrent un vif succès en 1579 et lancent la mode du langage précieux dit « euphuisme » à la cour d'Elisabeth, mode que suivra également un satiriste tel que Thomas Nashe avec son premier ouvrage, The Anatomy of Absurdity, en 1589 et qui « pourfend la niaiserie des puritains et vole au secours des comédiens et du droit à la fiction. »128 Mais l'oeuvre qui nous intéresse en premier lieu,

126 Gisèle Venet, préface de l'Anatomie de la mélancolie, de Robert Burton (Paris : Gallimard, 2005) 12. 127 Venet 12.

et qui est cette fois intrinsèquement liée à la satire ménippée, est The Anatomy of Melancholy de Robert Burton, publiée en 1621129. Bien que légèrement postérieure aux textes de Donne concernés par la tradition ménippéenne, cette oeuvre apparaît comme cruciale au moment d'aborder ce genre et d'en saisir les enjeux. L'auteur prétend écrire sous le nom de plume de « Démocrite Junior » et s'auto-proclame donc héritier du philosophe grec connu pour son rire. Ce très long texte divisé en trois grandes parties (« The Cause of Melancholy », « The Cure of Melancholy », « Love Melancholy and Religious Melancholy ») s'ouvre sur un portrait de l'auteur, suivi d'une table des matières extrêmement détaillée et fourmillant de sections et de sous-sections, d'une dédicace, d'un poème intitulé « Democritus Junior to his Book », d'un autre poème expliquant image par image le frontispice de l'ouvrage puis d'une longue préface satirique en prose, « Democritus Junior to the Reader ». L'ouvrage prétend traiter du mal élisabéthain par excellence, la mélancolie, en énumérant ses causes, ses effets, les moyens d'en guérir et en explorant toutes ses manifestations et implications. Il s'agit en fait d'une oeuvre foisonnante au contenu impossible à résumer, où citations, digressions, analyses, considérations philosophiques ou passages poétiques se côtoient afin de saisir la vérité de l'âme humaine. Ainsi, Gisèle Venet écrit que « tout est excuse à la digression et au méandre », d'où une sensation de vertige face au « nombre de sujets traités puisque la mélancolie est en tout et que réciproquement tout est mélancolie. »130

L'ambition démesurée ainsi que la visée à la fois satirique et anatomique de l'ouvrage se retrouve dans le titre complet : The Anatomy of Melancholy, What it is : with all the Kinds, Causes, Symptomes, Prognostickes and Several Cures of it. In Three Maine Partitions with their several Sections, Members and Subsections. Philosophically, Medicinally, Historically Opened and Cut Up. On retrouve ici ce que Dustin Griffin appelle « élan inquisiteur » (ou inquiring impulse) car l'auteur se place dans la position de l'anatomiste qui dissèque un corps et l'examine de façon détaillée, ordonnée et méticuleuse. La satire ménippée, et le texte de Robert Burton illustre cela, prétend embrasser et analyser toute la condition humaine : elle tend à l'exhaustivité sans jamais y parvenir puisqu'une telle tâche est impossible. Ainsi, la satire ménippée s'apparente à

129 Robert Burton, The Anatomy of Melancholy (Oxford, 1621).

une anatomie, une dissection méthodique faite de listes, de mélanges de langues, de styles et de caractères, de citations, de digressions. La fin de la longue préface de Burton « Democritus Junior to the Reader » contient à ce titre le passage suivant :

If hereafter anatomizing this surly humour, my hand slip, as an unskilful prentice I lance too deep, and cut through skin and all at unawares, make it smart, or cut awry, pardon a rude hand, an unskilful knife, 'tis a most difficult thing to keep an even tone, a perpetual tenor, and not sometimes to lash out.131

Burton s'identifie ici clairement à un médecin pratiquant l'autopsie d'un cadavre, un savant muni de son scalpel qui découpe la peau et provoque des entailles de sa main peu agile. Ainsi, l'ouvrage est une enquête sans fin, une oeuvre encyclopédique qui n'aboutit qu'à l'impossibilité de tout comprendre132.

La Métempsychose est sans nul doute l'un des textes les plus déroutants de John Donne, et les critiques divergent sur le statut à lui accorder et sa valeur littéraire. Si sa nature satirique ne fait pas de doute, son obscurité, son ton et les thématiques abordées posent problème. D. C. Allen estime que sa complexité et l'abondance des références utilisées rend sa lecture difficile, et ce même pour un lecteur de l'époque133. Janel M. Mueller pense que le poème est moins une satire qu'un poème narratif et épique, une sorte d'anti-épopée134, thèse que réfute Wesley Milgate, pour qui satire et épopée ne peuvent pas cohabiter dans la mesure où l'épopée est une célébration de l'homme tandis que la satire révèle ses folies et ses vices. Néanmoins, il reconnaît que la

Métempsychose donne à voir une hybridité poétique inédite pour l'époque135. D'autres critiques délivrent un jugement très négatif à l'encontre du poème : Herbert J. C. Grierson écrit à son sujet : « the vein of sheer ugliness which runs through his work,

131 Burton, « Democritus Junior to the Reader », The Anatomy of Melancholy, éd. Ex-classics (105). 132 Cet encyclopédisme ménippéen se retrouve également par exemple dans Bouvard et Pécuchet de

Gustave Flaubert (1881), dans lequel les deux personnages éponymes s'évertuent à rassembler et dresser la liste d'un maximum de connaissances afin de comprendre le monde, sans succès ; voir également Moby Dick de Herman Melville (1851), autre œuvre encyclopédique aux nets accents ménippéens.

133 D. C. Allen, « The Double Journey of John Donne », A. Williams (éd.) A Tribute to George Coffin Taylor (University of North Carolina Press, 1952) : 83-99.

134 Janel M. Mueller, « Donne's Epic Venture in the Metempsychosis », Modern Philology 70-2 (1972).

presenting details that seem merely and wantonly repulsive.136» tandis que, pour Robert Ellrodt, la Métempsychose constitue une « entorse » à l'esthétique de Donne et n'est donc qu'un contre-exemple, un échec, un objet accidentel et inexplicablement présent au sein d'une oeuvre cohérente et harmonieuse137. Inachevé, mêlant prose et vers, oscillant entre épopée et épisodes graveleux, le texte narre le passage d'une âme de corps en corps. Née sur l'arbre de la connaissance, celle-ci va « s'enfuir » pour se rendre dans une autre plante, puis dans une racine de mandragore, un coq, un poisson, une souris, un loup, un singe et enfin une femme, Themech, l'épouse de Caïn, ce qui permet ainsi de refermer la boucle narrative de ce « Premier Chant » puisque les parents de Caïn, Adam et Ève, étaient présents au début du périple de l'âme. Le voyage ménippéen ici à l'oeuvre connaîtra d'ailleurs un certain succès au XVIIIe siècle avec le sous-genre du « it-narrative », un récit dont le narrateur est un objet ou un animal. Chrysal, or the Adventures of a Guinea de Charles Johnstone138, par exemple, narre les péripéties d'une pièce de monnaie qui passe de main en main, tout comme l'âme de la Métempsychose. Il est intéressant d'observer que ce sous-genre n'était guère estimé des critiques de l'époque, qui le considérait comme de la littérature de bas-étage139.

Chaque étape du voyage permet le récit d'épisodes illustrant le vice et la violence du règne végétal, animal et finalement humain : ainsi, les propriétés hallucinogènes et aphrodisiaques de la mandragore sont mises à profit par Ève sur son propre fils Caïn, le coq assouvit son appétit sexuel sur sa mère et ses soeurs, le poisson est dévoré par un prédateur, ce qui est comparé à un viol, épisode qui se répète entre le loup et une chienne, puis entre le singe et une femme. Le propos de la satire est rendu plus explicite dans l'avant-dernière strophe, lorsque le dernier « réceptacle » de l'âme est décrit : « keeping some quality / of every past shape, she knew treachery, / Rapine, deceit, and lust, and ills enow / To be a woman » (vers 506-509). Le poème se conclut sur l'être le plus perverti de tous, la somme de tous les vices traversés par l'âme : une femme.

136 Cité dans Mueller 27.

137 Robert Ellrodt, L'Inspiration personnelle et l'esprit du temps chez les poètes métaphysiques anglais

96.

138 Charles Johnstone, Chrysal, or the Adventures of a Guinea (Londres, 1760).

139 Voir Mark Blackwell (éd.), The Secret Life of Things : Animals, Objects and It-Narratives in Eighteenth Century England (Lewsiburg : Bucknell University Press, 2007).

L'ironie finale du texte – qui qualifie de « qualités » les travers féminins – exprime le sarcasme du satiriste mais c'est surtout sur cet élan ménippéen que le poème se conclut : il a permis une énumération, une accumulation de vices et s'achève sur le résultat de cet examen, de cette « anatomie ». Les vers 507-508 dressent d'ailleurs cette liste avec le double emploi final de la conjonction « and », qui accentue encore l'impression d'entassement, de trop-plein. Ainsi, le texte tente d'examiner la nature humaine dans son ensemble à l'aide d'un assemblage hétéroclite de références – Pythagore, Luther, Mahomet sont mentionnés – , de digressions – ce n'est qu'après sept strophes que le voyage de l'âme débute réellement – , et d'épisodes successifs dont l'enchaînement n'apparaît pas toujours cohérent. Selon nous, c'est cet aspect foisonnant et hétéroclite du texte qui lui confère son caractère ménippéen. L'épître en prose peut rappeler la préface de Robert Burton dans The Anatomy of Melancholy : les deux textes s'ouvrent sur une

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