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XIX e siècle

I. 3 — « Santé sexuelle » en France et dans

l’espace germanophone au XIX

e

siècle

I.3.1 H

YGIÉNISME

,

POLICE DE SANTÉ ET SEXUALITÉ

Hygiène publique et médecine légale en France

La France et l’Allemagne ont particulièrement été étudiées pour retracer la médi-calisation de la sexualité par la psychiatrie au XIXe siècle en Europe, avec pour concept central celui de perversion340. L’angle psychopathologique est ici prédominant. Mais qu’en est-il, dans ces pays, de l’abord de la sexualité par la santé ? Nous avons vu qu’en Grande-Bretagne et aux États-Unis, l’abord de la santé par la médecine s’est adossée à une démarche hygiéniste de réforme sanitaire. Or, l’hygiénisme s’est aussi développé en Eu-rope continentale.

Toutefois, la manière de penser l’hygiène diffère profondément de celle que l’on trouve chez les Anglo-Américains. Il n’y est en particulier pas question de self-help. Ainsi, en France, plutôt qu’une hygiène privée ou domestique, c’est le concept d’une hygiène publique qui est mis en avant depuis la Révolution française jusqu’au début du XXe siècle, avec pour point d’orgue le fait qu’elle soit un projet politique de la IIIe République. Le

340 Voir en particulier FOUCAULT, La volonté de savoir, op. cit., 1976 ; LANTÉRI-LAURA Georges, Lecture

des perversions. Histoire de leur appropriation médicale, Paris, Economica, 2012 ; DAVIDSON Arnold I.,

L’émergence de la sexualité. Épistémologie historique et formation des concepts, Paris, Albin Michel, 2005

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pouvoir de l’État, et plus spécifiquement son pouvoir de police, est au cœur de la pensée hygiéniste. La médecine qui fait de l’hygiène l’un de ses objets est alors la médecine légale. Comme le rappelle le sociologue français Laurent Mucchielli, « la médecine légale et l’hygiène publique sont (…) des domaines intimement liés dans les enseignements mé-dicaux et dans les recherches » en France341. C’est à l’occasion d’une comparaison des positions biopolitiques du médecin légiste et criminologue Alexandre Lacassagne à celles de l’italien Cesare Lombroso que Mucchielli fait cette précision. Selon lui, Lacassagne partage les mêmes ambitions biopolitiques que Lombroso, et le seul point qui le différencie de ce dernier est que son anthropologie criminelle « doit seulement être replacée dans une perspective hygiéniste, dans le contexte français de réaffirmation du néo-lamarckisme et dans le cadre de son héritage phrénologique » pour bien être comprise342. Mais si Muc-chielli étudie la fin du XIXe siècle et le début du XXe, et si Lacassagne illustre l’articulation de la criminologie et de l’hygiénisme à la fin du XIXe siècle, les liens forts entre la médecine légale et l’hygiène publique sont antérieurs, et la fin du XIXe siècle constitue le point culminant de ceux-ci. En témoignent, à titre d’exemple significatif de la pensée hygiéniste dominante de l’époque, les Annales d'hygiène publique et de médecine légale publiées à partir de 1829, dans le premier numéro desquelles on peut lire les lignes suivantes, dans un texte qui constitue l’annonce programmatique de la revue :

La médecine n’a pas seulement pour objet d’étudier et de guérir les maladies, elle a des rapports intimes avec l’organisation sociale ; quelquefois elle aide le législateur dans la confection des lois, souvent elle éclaire le magistrat dans leur application, et toujours elle veille, avec l’administration, au maintien de la santé publique. Ainsi ap-pliquée aux besoins de la société, cette partie de nos connaissances constitue l’hygiène

publique et la médecine légale.343

Si là aussi le champ d’intervention de la médecine excède celui des maladies pour s’étendre à la santé, cette dernière se conçoit dans l’horizon de l’hygiène publique, définie

341 MUCCHIELLI Laurent, « Criminologie, hygiénisme et eugénisme en France (1870-1914) : débats médicaux sur l’élimination des criminels réputés « incorrigibles » », Revue d’Histoire des Sciences Humaines 2 (3), 2000, p. 67, note 53.

342 Ibid., p. 66.

343 ADELON Nicolas-Philibert, ANDRAL Gabriel, BARRUEL Jean-Pierre, ARCET Jean-Pierre-Joseph D’, D E-VERGIE Marie-Guillaume-Alphonse, ESQUIROL Jean-Etienne, KERAUDREN Pierre-François Kéraudren, LEURET François, MARC Charles Chrétien Henri, ORFILA Mathieu, PARENT-DUCHATELET Alexandre Jean-Baptiste et VILLERMÉ Louis René, « Prospectus », Annales d’hygiène publique et de médecine légale 1 (1), 1829, p. v.

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comme « art de conserver la santé aux hommes réunis en société »344. Elle s’entend ainsi comme santé publique, ce qui ne désigne pas que sa dimension collective, mais aussi le fait qu’elle est administrée. Or, s’il s’agit pour l’hygiène publique d’apprécier les effets des climats, de s’occuper de la qualité des denrées alimentaires, des endémies et épidé-mies, des hôpitaux, cimetières, etc., dans une optique scientifique et en améliorant les connaissances sur ces questions, « elle a devant elle encore un autre avenir dans l’ordre moral ». Plus précisément, le crime est considéré comme un objet de l’hygiène publique, dont les développements scientifiques doivent permettre d’éclairer le pouvoir politique pour les faire reculer :

Les fautes et les crimes sont des maladies de la société qu’il faut travailler à guérir, ou, tout au moins, à diminuer ; et jamais les moyens de curation ne seront plus puis-sans que quand ils puiseront leur mode d’action dans les révélations de l’homme phy-sique et intellectuel, et que la physiologie et l’hygiène prêteront leurs lumières à la science du gouvernement.345

Notons que si le champ de la médecine peut s’étendre à la santé publique parce que son objet n’est pas restreint à celui des maladies, c’est toutefois par une assimilation de problèmes sociaux à des maladies que cette extension s’opère. Ceci révèle combien, même si les deux présentent le point commun d’être adossées à la physiologie, la repré-sentation de la santé de l’hygiène publique à la française diffère de celle de l’hygiène domestique anglo-américaine, celle-ci permettant une ouverture à la question du bien-être individuel, tandis que la conception française est tournée vers l’idée d’ordre social.

Dès lors que la médecine s’engage par l’hygiène dans un rôle social au service du pouvoir pour combattre la criminalité, elle devient un instrument de police. L’incidence sur l’idée de santé est alors considérable, comme l’illustre parfaitement l’introduction au premier numéro des Annales d’hygiène publique et de médecine légale rédigée par le psychiatre Charles Chrétien Marc — qui a fait ses études de médecine en Allemagne. En effet, la plupart des occurrences du mot « santé » — qui s’entend toujours comme « santé publique » ou « générale »346 — sont accolées au terme de « police », dans la mesure où la santé publique est considérée comme l’affaire de la « police de santé ». Ainsi, ce terme

344 Ibid., p. vi.

345 Ibid., p. vii.

346 MARC Charles Chrétien Henri, « Introduction », Annales d’hygiène publique et de médecine légale 1 (1), 1829, p. x; xi xiii.

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revient sept fois dans le texte de trente pages de Marc. De fait, l’introduction du psy-chiatre consiste dans sa première partie à retracer l’histoire de la police de santé, depuis l’institution de la police par les Romains jusqu’à la création par des préfets de police de conseils de salubrité au début du XIXe siècle, en passant par la création d’une police spécifiquement de santé par le roi Jean II au XIIIe siècle, ou la réforme de la police qui inclut la police de santé par le premier lieutenant général de police de Paris Gabriel Nicolas de La Reynie au XVIIe siècle. Marc s’inscrit ainsi dans la lignée du médecin Fran-çois-Emmanuel Fodéré, auteur en 1798 du Traité de médecine légale et d’hygiène publique ou de police de santé, réédité en six volumes au début du XIXe siècle, après la promulga-tion du Code Napoléon347.

La sexualité au prisme de la médecine légale

En outre, il est remarquable pour le sujet qui nous occupe, que ce qui se rapporte le plus à la sexualité dans son propos, à savoir le mariage et la reproduction, est évoqué par Marc en référence à l’histoire de la médecine légale, qui occupe la seconde partie de son texte. Il y défend l’idée que celle-ci a émergé bien plus tardivement que l’hygiène publique, à partir du XVIe siècle seulement, du fait des lacunes en anatomie humaine faute de procéder par l’observation en ouvrant les cadavres. Or, il évoque rapidement le Code Justinien, qui contenait des dispositions qui selon lui « auraient dû favoriser l’étude de la médecine légale », si l’esprit irrationnel n’avait pas dominé. Et il se trouve que ces dispositions sont « relatives au mariage, à l’époque de l’accouchement, à la supposition de part, à l’impuissance, etc. »348 Marc ne fournit pas plus de précisions, mais l’on peut supposer qu’il évoque notamment les dispositions du Digeste de l’empereur romain qui requièrent l’observation de médecins ou de sages-femmes pour l’exercice d’un droit ou l’application d’une peine concernant le mariage et la famille, comme le divorce pour cause d’impuissance, la reconnaissance ou non de la paternité lorsqu’une femme se dit enceinte

347 FODÉRÉ François-Emmanuel, Traité de médecine légale et d’hygiène publique, ou de police de santé,

adapté aux Codes de l’Empire français, et aux connaissances actuelles, 6 vol., Paris, Mame, 1813-1815.

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de son mari, la transmission de l’héritage à l’enfant à naître lorsque le père est décédé pendant la grossesse, etc.349

De plus, il mesure le développement de la médecine légale de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe non seulement en se référant aux travaux du chirurgien et anato-miste Ambroise Paré, mais aussi en mettant en avant un ouvrage qui traite de la virgi-nité, de la grossesse et de l’accouchement, et un autre qui traite de l’impuissance. Le premier est de l’une des figures de l’histoire de la gynécologie et de l’obstétrique, Séverin Pineau, qui cherche à établir les signes permettant de s’assurer de la virginité des femmes350. Le second est de l’avocat Vincent Tagereau, qui critique la pratique judiciaire dite des « congrès », qui consiste en l’imposition par les tribunaux d’examens androlo-giques et gynécoloandrolo-giques aux époux accusés d’incapacité sexuelle351.

L’abord de la sexualité se fait donc dans un style d’appréhension qui distingue deux sciences, l’hygiène publique et la médecine légale, et qui s’emploie à les articuler en ce qu’elles convergent vers un même intérêt pour le pouvoir politique : gérer et adminis-trer, notamment à partir des codifications légales, les comportements des populations. D’où l’importance, pour les initiateurs des Annales d’hygiène publique et de médecine légale, de développer et diffuser les savoirs en ces matières : l’intérêt scientifique, dans le cadre des « sciences d’observation » débarrassées des fausses croyances et superstitions qui les ont longtemps étouffé352, est ainsi imbriqué aux intérêts de la justice et de l’admi-nistration :

Le mouvement de progression imprimé aujourd’hui à l’hygiène publique et à la méde-cine légale, le haut intérêt que ces sciences présentent non-seulement aux hommes qui exercent les différentes branches de l’art de guérir, mais encore aux jurisconsultes et aux administrateurs, entraînent pour eux le besoin de connaître les perfectionnemens et les applications spéciales qu’elles provoquent.353

349 Voir en particulier JUSTINIEN, Les cinquante livres du Digeste ou des Pandectes de l’empereur Justinien, Réimpr. de l’éd. de Metz 1803-1811, Aalen, Scientia Verlag, 1979, p. 452 sq.

350 PINÆUS Severinus, De virginitatis notis, graviditate & partu ; suivi de Ludovicus Bonaciolus, De

con-formatione foetus. Accedunt alia, 1e éd. 1598, Lugd. Batavor., Hegerus, 1641.

351 TAGEREAU Vincent, Discours sur l’impuissance de l’homme et de la femme, Paris, Antoine de Breuil, 1616.

352 MARC, « Introduction », art. cit., 1829, p. xxii.

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On sait par ailleurs que, comme l’a souligné Foucault, la médecine légale a conduit à promouvoir l’idée d’une normalité en regard de la figure de l’anormal, objet de l’expert-psychiatre, dont l’expertise s’est peu à peu imposée aux tribunaux eu égard à deux ar-ticles du Code pénal sur la question de la responsabilité : article 64 introduit en 1810 sur l’absence de crime s’il y a état de démence ou contrainte par une force à laquelle le prévenu n’a pu résister354, et introduction du concept de « circonstances atténuantes » en 1832355. L’imputation et le degré de responsabilité relativement à un acte nécessitait alors de rechercher les ressorts psychologiques de cet acte, mettant ainsi en exergue la personnalité du justiciable. Il s’agissait de savoir si le prévenu devait être orienté vers la prison ou l’hôpital.

Selon Foucault, l’expertise psychiatrique a rapidement évolué de la question de la responsabilité vers celle de la dangerosité. Elle a dédoublé le délit, en associant à un délit qualifié par la loi une manière d’être, et en répétant ainsi l’infraction pour l’inscrire « comme trait individuel »356. Ce doublet est à la fois psychologique et éthique, dans la mesure où il décrit des traits de personnalité et des conduites, comme lorsque l’expertise parle de « personnalité peu structurée », de « manifestation d’un orgueil perverti », de « donjuanisme », etc.357

Or, d’après le philosophe, ce doublet psychologico-éthique n’a pas seulement pour fin d’expliquer le crime, mais il conduit à un déplacement de ce sur quoi le jugement du tribunal va porter. Il ne s’agit plus seulement de l’acte commis, mais de la vérité du justiciable, c’est-à-dire ce que l’on peut savoir de lui. L’infraction définie par la loi ne suffit plus à elle seule à juger, il faut savoir à qui l’on a affaire et s’en remettre ainsi aux producteurs de discours vrais que sont les experts-psychiatres. Il s’agit là d’une articula-tion particulière de l’exercice d’un pouvoir (punir) au domaine du savoir (révéler la vérité du justiciable), qui conduit à promouvoir la catégorie de l’anormal. Si l’expertise médico-légale fait la jonction entre le judiciaire et le psychiatrique, elle « n’est homogène ni au

354 Article aboli en 1994. Le Code pénal actuel dispose en son article 122-1 : « N’est pas pénalement res-ponsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Sur la genèse de l’article 64, voir GUIGNARD

Laurence, « La genèse de l’article 64 du code pénal », Criminocorpus. Revue d’Histoire de la justice, des

crimes et des peines, 22.04.2016.

355 Voir FOUCAULT, Les anormaux, op. cit., 1999, pp. 9‑10.

356 Ibid., p. 16.

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droit ni à la médecine »358. Son objet n’est ni le délinquant, ni le malade, et son pouvoir n’est ni judiciaire, ni médical. Le troisième terme de l’anormal qu’elle propose comme son objet fait d’elle un pouvoir de normalisation, que l’on peut particulièrement repérer dans le domaine de la sexualité359. En effet selon Foucault, s’opère à partir du XVIIIe siècle, sous les termes de la maladie nerveuse, une reprise médicale de la convulsion qui était l’objet de la pastorale chrétienne dans le cadre d’une problématique de la direction de conscience. La convulsion comme trouble dans le modèle de la chair, interprétée comme un effet et une résistance à la direction de conscience, se trouve externalisée par la pas-torale pour devenir un objet de la médecine, en tant qu’action paroxystique du système nerveux360. Pour Foucault, c’est de cette manière que « la médecine va prendre pied, et pour la première fois, dans l’ordre de la sexualité »361, et ce en investissant le champ de l’hygiène comme moyen de contrôle :

C’est dans la mesure où elle a hérité de ce domaine de la chair, découpé et organisé par le pouvoir ecclésiastique, c’est dans la mesure où elle en est devenue, à la demande même de l’Église, l’héritière ou l’héritière partielle, que la médecine a pu commencer à devenir un contrôle hygiénique et à prétention scientifique de la sexualité.362

C’est dans ce contexte d’ensemble que s’inscrit l’hygiénisme français, articulé à la médecine légale et partant à la psychiatrie. En ce sens, l’axe de la santé est congruent à celui de la pathologie, et sur les deux versants il s’agit de combattre « les fautes et les crimes », le point commun entre santé et pathologie étant la médecine légale.

358 Ibid., p. 38.

359 Ibid., p. 39.

360 Ibid., pp. 205‑208.

361 Ibid., p. 208.

362 Ibid., p. 207. Pour autant, l’interprétation foucaldienne d’un transfert du modèle de la chair au modèle médical ne peut simplement signifier qu’il s’agirait d’un simple recodage d’un domaine à un autre d’un même objet. Le transfert de l’un à l’autre modifie l’objet, dont l’intérêt épistémologique n’est pas faible. En conséquence, si « une étude historique des technologies de pouvoir » constitue un apport réel à la compréhension des phénomènes de transfert entre la morale chrétienne et le discours médical, nous ne saurions suivre Foucault lorsqu’il affirme que « tous ces phénomènes, qui sont fort importants pour l’émer-gence de la sexualité dans le champ de la médecine, on ne peut pas les comprendre en termes de science » (ibid., p. 210).

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L’hygiène publique comme médecine d’État

L’application « aux besoins de la société » de certaines connaissances médicales que constituent l’hygiène publique et la médecine légale doit ainsi faire sentir l’impor-tance de ces domaines, et c’est ce à quoi entendent s’employer les Annales d’hygiène publique et de médecine légale. Or, les initiateurs de la revue citent en exemple les Alle-mands : « Un recueil destiné à cette spécialité doit être très-utile. Depuis longtemps les Allemands l’ont senti, et en ont fait le sujet de journaux très-précieux »363.

Dans son introduction, Marc souligne l’importance de la parution en 1778 du Traité complet d’hygiène publique du médecin Jean-Pierre Fanck. La référence comporte des erreurs sur l’orthographe du nom de l’auteur et sur la date de parution. Il s’agit en effet de l’Alsacien Jean-Pierre Frank (Johann Peter Frank en allemand), et la parution du premier tome du traité, qui en compte six, date de 1779. Le titre original en est System einer vollständigen medicinischen Polizey (soit en français Système d’une police médicale complète)364, ce qui éclaire encore une fois le sens donnée à l’hygiène publique.

Marc glorifie Frank dont il considère que le travail « imprima une grande impul-sion à la culture scientifique de l’hygiène publique ». C’est alors en ces termes qu’il décrit son influence en Allemagne mais aussi en Europe, dont la France :

[L’hygiène publique] fut admise au nombre des sciences enseignées dans les universités allemandes, et devint le sujet de plusieurs écrits et recueils spéciaux. Cette impulsion favorable s’étendit aussi sur plusieurs autres pays, tels que la Hollande, l’Italie et sur-tout la France, où les ouvrages de Mahon et de Fodéré parurent à peu de distance l’un de l’autre.365

De fait, Frank a joui d’une « réputation durable » en Autriche — il fut médecin de la famille impériale autrichienne — et plus largement en Europe, selon les termes du sociologue français Bernard-Pierre Lécuyer. Il représente le point culminant de l’élabora-tion d’une politique médicale gouvernementale réalisée « par la voie réglementaire », alors qu’il a « occupé durant toute sa vie des positions officielles au service de souverains

363 ADELON et al., « Prospectus », art. cit., 1829, p. v.

364 FRANK Johann Peter, System einer vollständigen medicinischen Polizey, vol. 1 / 6, Mannheim, Schwan, 1779.

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absolus »366. Le champ de la sexualité entendu en un sens large constitue un domaine privilégié de la politique médicale dont l’assimilation à une œuvre de police met en exergue le souci du maintien de l’ordre. Comme le signale Lécuyer, les premiers volumes traitent de la natalité, de la nuptialité et de la fécondité, avec la proposition de taxer les célibataires, l’insistance sur la préparation au mariage, et la proposition de diverses me-sures à propos de l’accouchement. Les six volumes du System comptent en outre trois