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La m-santé ou encore la santé mobile correspond à l’ensemble des services liés à la santé

impliquant l’utilisation d’un outil mobile et connecté. Cette composante de la e-santé connait

un essor important grâce au développement du « Quantified –self ». Selon la Commission

Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), ce concept renvoie à un ensemble de

pratiques variées qui toutes ont pour point commun, de mesurer et de comparer avec d’autres

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personnes des variables relatives à son mode de vie

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. Ces variables peuvent être enregistrées

et suivies à l’aide d’un smartphone ou d’objets connectés tels que la balance, le podomètre et

le cardio-fréquencemètre.

Le smartphone est l’outil mobile et connecté le plus répandu et le plus utilisé. Dans un rapport

du "Pew Research center", en 2015, 43% de la population mondiale possède un smartphone.

Ces pourcentages sont nettement plus élevés dans les pays développés tels que l’Australie

(93%), le Canada (90%), les Etats-Unis (89%) et le Royaume-Uni (88%). Selon l’INSEE, en

France, en 2015, la téléphonie mobile avec un taux d’équipement de 92%, dépasse la téléphonie

fixe (89%). De plus, 84% des téléphones mobiles sont des smartphones. Les pays d’Afrique

sont encore peu équipés de smartphones. De par leur connexion Internet ou avec d’autres

technologies telles que le Bluetooth, d’autres objets du quotidien sont devenus connectés. C’est

le cas du podomètre, de la balance et du cardio-fréquencemètre.

Ainsi l’utilisation de ces nouvelles technologies peut être envisagée pour diffuser des

informations personnalisées à grande échelle. De plus, de par la mobilité de ces TIC, ces

informations peuvent être fournies en temps réel quel que soit l’endroit où l’on se trouve.

Est-il alors possible de les utEst-iliser pour promouvoir les comportements sains tels que la pratique de

150 minutes d’AP régulière d’intensité modérée à élevée et la réduction de la sédentarité ?

Certaines études ont répondu à cette question dans la population générale. Muntaner et al.

(2015) a réalisé une revue systématique afin d’identifier et d’analyser les études utilisant des

outils mobiles, tels que le téléphone ou l’assistant personnel digital, pour promouvoir l’AP chez

des individus sains

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. Ces auteurs ont inclus 12 articles, publiés entre 2007 et 2013. Les

interventions, d’une durée de 2 à 24 semaines, ont impliqué l’utilisation du mobile (SMS, appel

ou application) dans la majorité des études. Une étude a utilisé un assistant personnel digital,

qui est un ordinateur de poche, dont l’usage de base est l’organisation (agenda, répertoire,

gestion des tâches). L’AP a été mesurée objectivement via des accéléromètres, et

subjectivement à l’aide de questionnaires et d’auto-déclarations. Six études sur 12 rapportent

une augmentation du niveau d’AP liée à l’utilisation du mobile. Davies et al. (2012) ont réalisé

une méta-analyse afin d’évaluer l’effet des interventions délivrées par la biais d’Internet sur le

niveau d’AP chez les adultes

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. Les auteurs ont inclus 34 études publiées entre 2001 et 2011.

La moitié des études ont été réalisées dans la population générale, et l’autre moitié dans des

populations atteintes de maladies chroniques (diabète de type 2, obésité, arthrose, maladies

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cardiovasculaires…). Pour délivrer l’intervention, 62% de ces études ont utilisé Internet associé

aux e-mails, 26% ont utilisé Internet seul et 12% les e-mails uniquement. L’AP était la première

variable étudiée dans 74% de ces études. Les résultats montrent un effet positif et significatif

de l’utilisation d’Internet sur l’évolution du niveau d’AP (d = 0,14 ; p < 0,001). Qu’en est-il de

l’impact des TIC sur le niveau d’AP uniquement chez les patients ayant une maladie chronique,

qui est une population plus à risque vis-à-vis de l’IP et de la sédentarité ?

II.3.2 L’impact de la e-santé sur les comportements en AP des patients ayant une maladie

chronique

Afin de répondre à cette question, nous avons effectué une revue des revues systématiques sur

l’efficacité des interventions utilisant les TIC pour augmenter l’AP de patients ayant une

maladie chronique (Paris et al, en soumission ; Annexe 1 – Article 2). Cette revue a été

construite selon les règles de conduite données par PRISMA ("Preferred Reported Items for

Systematic review and Meta-Analysis"). Ainsi, nous avons effectué une recherche dans trois

bases de données (PubMed, Web of Science et Cochrane) à l’aide d’une équation de recherche

comprenant trois blocs, à savoir i) le type de publication, ii) l’activité physique et iii) les TIC

comme outil pour délivrer l’intervention. Un total de 282 revues a été identifié. Les auteurs ont

ajouté 10 revues supplémentaires, identifiées lors d’un précédent travail. Après suppression des

doublons, deux lecteurs ont indépendamment fait une première sélection sur le titre et le résumé.

A l’issue de cette première sélection, les deux lecteurs ont entièrement lu les 24 revues restantes,

pour finalement en inclure 12. Ces revues ont été publiées entre 2011 et 2016. Elles ont inclus

44 articles de recherche uniques, pour un total de 9 945 patients. La qualité méthodologique de

chacune des 12 revues a été évaluée avec l’outil validé AMSTAR. Cette outil nécessite de

vérifier la présence de 12 points de qualité méthodologique. Un score supérieur ou égal à 11

indique une excellente qualité méthodologique. Un score compris entre 10 et 9 indique une très

bonne qualité, entre 8 et 7 une bonne qualité, entre 6 et 5 un niveau acceptable et enfin inférieur

ou égal à 4 un niveau médiocre. La moyenne des scores de ces 12 revues est de 7,5. Deux revues

sont de très bonne qualité méthodologique, sept ont une bonne qualité et enfin trois revues ont

un niveau acceptable. Parmi ces 12 revues, six ont ciblé le diabète de type 2, deux revues se

sont intéressées aux maladies cardiovasculaires, une seule a concerné la BPCO et enfin les trois

revues restantes ont étudié les maladies chroniques en général. Les interventions ont été

délivrées par le biais de différentes technologies, utilisées seule ou en combinaison. Internet a

été utilisé dans 11 revues par le biais de site web, d’e-mails et/ou de forum. Le téléphone mobile

a été utilisé dans six revues à travers les SMS, les rappels ou encore les appels téléphoniques.

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L’ordinateur a également été utilisé pour consulter des CD-ROM, regarde des vidéos et faire

des quizz. L’AP a majoritairement été évaluée de façon subjective par des questionnaires.

Seulement cinq études sur les 44 ont utilisé des mesures objectives à l’aide d’accéléromètre.

L’analyse des résultats montre que quatre revues mettent en évidence une augmentation

significative de l’AP en faveur de l’intervention utilisant des TIC comparé aux soins classiques.

Ces quatre revues ont utilisé au moins deux TIC. Sept revues concluent à un impact mitigé des

TIC, dont cinq revues ont utilisé une seule TIC pour l’intervention. Enfin, la dernière revue,

utilisant qu’une TIC, ne rapporte aucun effet des TIC sur le niveau d’AP. Néanmoins, il n’y a

statistiquement pas plus de revues montrant l’efficacité que des résultats mitigés ou que

l’inefficacité d’une telle intervention (χ² = 4,5 ; p = 0,25).

Les résultats de notre revue de revues ne nous permettent pas de conclure sur l’efficacité ou

non des interventions utilisant les TIC pour promouvoir l’AP chez les patients ayant une

maladie chronique. Plusieurs limites peuvent expliquer ce résultat. Premièrement, parmi les 12

revues incluses, seulement deux étaient focalisées sur l’AP. Les 10 autres revues se sont

intéressées à des comportements multiples tels que l’AP, l’alimentation, le sevrage tabagique,

et/ou la prise des médicaments. Les résultats ne sont donc pas limités à la modification du

comportement en AP, mais incluent l’évolution d’autres variables comme la dyspnée,

l’hémoglobine glyquée ou l’IMC. Ainsi, il a été difficile d’identifier les caractéristiques clés

(durée, TIC, populations) de l’efficacité des interventions qui promeuvent l’AP.

Deuxièmement, les revues ont parfois inclus des études qui n’ont pas fait de comparaison avec

un groupe contrôle. Ainsi, l’évolution observée dans le groupe intervention est-elle réellement

une évolution significative ? Est-ce que l’intervention classique sans l’utilisation des TIC

n’est-elle déjà pas suffisante pour promouvoir l’AP ? Troisièmement, l’acceptation des TIC dans le

domaine de la santé est conditionnée non seulement par les connaissances des outils mais aussi

par l’attitude et l’intérêt vis-à-vis de ces outils

152, 153

. Cependant ces paramètres n’ont été

étudiés dans aucune de ces 12 revues. Ainsi l’absence d’effet observé dans certaines revues

pourrait être due à l’inefficacité du dispositif ou bien à la méconnaissance ou à la peur de

l’utilisation de ces outils ou bien encore par simple désintérêt. Enfin, quatrièmement, certaines

études incluses dans les revues ne proposent pas de programme d’APA. Elles fournissent des

conseils autour de l’AP. C’est le cas par exemple d’Arora et al. (2013) qui ont testé l’impact de

conseils délivrés par sms

154

. Comme nous l’avons souligné auparavant, il est indispensable

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l’activité. Ainsi l’absence d’effet pourrait être due au fait que l’AP proposée est inadaptée aux

patients ciblés.

L’objectif global de ce travail de thèse est d’évaluer si les nouvelles technologies de

l’information et de la communication peuvent être des outils valides pour la promotion de l’AP

à moyen et long terme chez des patients atteints de maladies chroniques. Les chapitres de mon

travail expérimental de thèse sont au nombre de trois. Tout d’abord, nous avons interrogé des

patients chroniques sur leurs connaissances et leurs intérêts vis-à-vis des objets connectés et

leur utilisation réelle de ces outils. L’objectif est de comprendre quels sont les usages des TIC

faits par les patients et leur niveau d’acceptation de la technologie dans leur parcours de soins.

Dans un second temps, nous avons évalué, dans cette même population, l’effet d’un

réentrainement supervisé et adapté à chaque patient, couplé à l’utilisation d’un podomètre

pendant 6 mois sur l’évolution non seulement de leur intention et motivation à pratiquer l’AP

mais aussi sur l’évolution de leur comportements sédentaires et actifs. Nous avons également

étudié l’évolution de paramètres secondaires comme l’intensité des douleurs articulaires, la

perception de la santé et la qualité de vie. Enfin, dans le troisième et dernier chapitre, nous

avons évalué l’efficacité d’un dispositif numérique complet (site web, application pour

smartphone, balance et podomètre connectés) mis à disposition de patients chroniques sur

l’atteinte des recommandations en AP ainsi que sur leurs intentions et motivations vis-à-vis de

l’AP.

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