L’IP, la malnutrition, l’usage du tabac ainsi que la consommation excessive d’alcool sont des
facteurs de risque dont la prévalence est plus élevée dans les pays développés qu’en voie de
développement. En effet, Dumith et al. (2001) se sont intéressés à la prévalence de l’IP dans 76
pays différents, classés selon un indice de développement
71. Cet indice comprend les trois
notions de base du développement, à savoir i) une vie longue et saine estimée par l’espérance
de vie à la naissance, ii) le taux d’alphabétisation et le niveau d’éducation et iii) le produit
intérieur brut par habitant. Les auteurs ont mis en évidence une relation positive non linéaire
entre l’indice de développement et la prévalence de l’IP. Cette association est plus marquée
chez les hommes que chez les femmes.
L’IP s’est progressivement installée là où l’urbanisation et l’industrialisation ont connu un fort
développement. Les comportements de chacun ont été modifiés au fil des années et se sont
ancrés dans les mœurs. L’automobile était initialement un luxe. Son usage aujourd’hui est une
nécessité quotidienne qui fait partie des modes de vie actuels. L’expansion des villes et la
généralisation des réseaux routiers ont notamment contribué à cette nouvelle dépendance. L’IP
est progressivement induite, de façon inconsciente, par des comportements habituels, tels que
se garer le plus près possible des bâtiments pour marcher le moins possible, prendre l’ascenseur
pour éviter de monter un escalier même d’un étage. Au-delà des moyens de transports, et du
monde professionnel, l’industrialisation bouleverse également la vie quotidienne au domicile.
La technologie, par exemple, facilite les tâches ménagères, permettant aux femmes un gain de
temps considérable et un moindre effort physique
72. Archer et al. (2013) ont collecté des
45
ménagères et la dépense énergétique associée. Il est important de préciser que la plupart les
tâches ménagères sont considérées comme des activités physiques d’intensité modérée de
même ordre que la marche à allure normale. L’analyse de ces données montre une diminution
significative du temps alloué aux tâches ménagères de l’ordre de 12,4 heures par semaine. En
1965, les femmes passaient en moyenne 25,7 heures par semaine contre 13,3 heures semaine
en 2010. De façon surprenante, cette diminution est plus forte chez les femmes sans emploi. Au
regard de la dépense énergétique, les résultats montrent une diminution significative, de 666
kcal/jour en 1965 à 400 kcal/jour en 2010. A l’inverse, le temps passé devant un écran
(télévision et ordinateur) augmente significativement, passant de 8,3 heures par semaine à 16,5
heures par semaine. Cette augmentation est significativement plus élevée chez les femmes sans
emploi comparé aux femmes avec un emploi (9,6 h/sem versus 7,5 h/sem). Le temps libéré par
l’usage des équipements ménagers semble alors être remplacé par des comportements
sédentaires.
Le niveau d’éducation joue également sur la prévalence de l’IP. L’étude INCA 3 indique que
la proportion d’adultes, en particulier les hommes, à avoir un niveau d’AP élevé est double chez
les individus de niveau Bac +4 ou plus comparé aux individus ayant un niveau d’éducation
équivalent au collège. En revanche la sédentarité est d’autant plus élevée que le niveau d’étude
est élevé. Cette même étude souligne une relation similaire entre la catégorie
socio-professionnelle et le niveau d’AP. Les cadres sont plus nombreux (19%) à avoir un niveau d’AP
élevé que les employés (5,6%) ou que les ouvriers (6,8%). A l’inverse, le temps de sédentarité
est plus élevé chez les cadres, 68% d’entre eux passent plus de 7 heures par jour assis. Selon
Hallal et al. (2012), l’AP au travail est plus élevée chez des individus ayant de faibles revenus
que chez des individus à forts revenus. A l’inverse, l’AP de loisir est plus élevée pour les
individus à fort revenu que pour les individus à faible revenu
39. Ce paradigme a également été
étudié par Kirk et al. (2011)
73. Leurs analyses semblent confirmer cela, puisque les individus
dont le travail implique de nombreuses heures de travail assis sont plus à risque au regard de
l’IP. Néanmoins ils précisent que les corrélations entre l’AP au travail et l’AP de loisir sont
complexes.
Dans une cohorte prospective, Willey et al. (2010) ont étudié l’impact, chez des adultes de plus
de 39 ans, de certains déterminants socio-économiques sur l’IP
74. Les résultats montrent que
des facteurs tels que l’isolement social (avoir moins de 3 amis, ou recevoir moins de deux visites
par semaines à son domicile), la dépression ainsi qu’un faible niveau d’éducation sont associés
à l’IP. L’analyse multivariée révèle que le risque d’être inactif est augmenté de 41% pour un
46
individu ayant moins de trois amis, de 22% pour un individu recevant moins de deux visites et
ayant un niveau d’éducation faible, et de 70% pour un individu en état de dépression. Gregorio
et al. (2017) ont rapporté que les symptômes de la dépression sont également associés à un
régime alimentaire déséquilibré, qui est lui-même est associé à l’usage du tabac et à la
consommation d’alcool, réunissant ainsi les quatre facteurs de risque majeur pour la santé
75. A
titre d’exemple, les adultes dépressifs présentent un risque augmenté de 37% de développer un
diabète de type 2
76.
Bien que les prévalences des facteurs de risque associés aux maladies chroniques soient plus
faibles dans les pays en voie de développement, ceux-ci sont bien présents. La pauvreté est un
facteur socio-économique aggravant. La consommation excessive d’alcool touche les pays à
fort et à faible revenu, mais pas de la même façon. Dans l’étude de Smith et al. (2015), la
consommation régulière d’alcool est plus faible dans les pays à faible revenu qu’à fort revenu
77
. Ainsi dans les pays à faible revenu, la consommation d’alcool est généralement moins
fréquente, mais lorsqu’un individu en consomme, c’est en plus grande quantité que dans les
pays à fort revenu. Le type de boisson consommée diffère également. Le vin est consommé en
majorité dans les pays à fort revenu, alors que dans les pays à faible revenu, les alcools forts
sont privilégiés. De plus, les individus vivant en dessous du seuil de pauvreté ou avec un faible
revenu se tournent plus facilement vers des produits alimentaires à forte densité énergétique et
de faible qualité nutritionnelle, qui sont généralement moins chers que les produits peu ou pas
transformés. Par ailleurs, la précarité, dans laquelle ils vivent, ne leur permet pas non plus
d’accéder aux infrastructures proposant des AP de loisirs ou sportives, souvent payantes.
Globalement les facteurs favorisant l’IP et la sédentarité sont le sexe, l’âge, la présence d’une
ou plusieurs maladies chroniques, un faible revenu, un faible niveau d’éducation et un accès
restreint aux infrastructures sportives et médicales. L’isolement social et la dépression sont
également des facteurs qui initient et/ou confortent des modes de vie délétères pour la santé.
Néanmoins d’autres déterminants existent. Récemment un consortium européen (DEDIPAC)
s’est intéressé aux déterminants des comportements, notamment en AP. Les déterminants
étudiés sont d’ordre biologique (sexe, âge, état de santé), psychologique (intention, attitude,
perception), comportemental (habitudes, mode de vie), environnemental (accès aux
infrastructures, zone piétonne), socio-culturel (famille, désirabilité sociale), économique (statut
socio-économique) et politique (plan de prévention et promotion)
78. Un groupe de travail a
47
facteurs sont de deux types, à savoir le type « Personnel » et le type « Sociétal ». Le domaine
« Personnel » est subdivisé en deux catégories appelées « contexte intra-personnel et
bien-être » et « famille et statut socio-économique ». Le domaine « Sociétal » regroupe quatre
catégories, à savoir les politiques de santé publique, le contexte culturel, le soutien social et
l’environnement. Parmi ces 106 facteurs, 25 sont reconnus comme les plus influents sur les
comportements actifs, dont plus de la moitié font partie de la catégorie « contexte
intra-personnel et bien-être »
79, 80(Tableau 3).
Catégories Facteurs
Contexte
Intra-personnel et
bien-être
- IMC
- Niveau d’AP
- Croyances
- Emotions
- Sentiment
d’inadéquation
- Etat de santé
- Intuitions, attitudes
- Barrières perçues
- Bénéfices perçus
- Objectifs personnels
- Capacités physiques
- Auto-suivi de l’AP
- Auto-perception
Famille et
statut
socio-économique
- Encouragements, soutien
Politiques de
santé publique
- Accès aux infrastructures
- Education santé
- Programme d’AP à l’école
- Plan d’AP
- Installations sportives
Contexte
culturel
- Activité collective
- Exposition à la TV
Soutien Social - Comportements du group - Santé du groupe
- Soutien familial
Environnement - Développement de sport organisé
Tableau 3 : Classification des 25 facteurs les plus influents dans les comportements actifs.
Données issues de Condello et al. (2016) 79