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Chapitre 5 : L’atelier de danse : prendre sa place comme acteur social

3) Fait saillants du journal de bord

3.1) Structurer l’espace et le temps de pratique

En prenant la forme d’une rencontre hebdomadaire libre à qui veut danser, l’atelier a donné un point de rencontre aux jeunes. L’écart d’âge et les intérêts des jeunes étaient différents, mais après quelques ajustements cela a permis de structurer l’espace et le temps de l’atelier. Au début des séances, alors qu’il faisait encore clair dehors, l’intérieur du local était réservé à la pratique et l’extérieur au jeu ou à la socialisation. Plus l’heure avançait, plus ces deux activités se mêlaient à l’intérieur du local. L’atelier se terminait avec des jeunes conversant à haut débit en petits groupes accompagnés d’un fond sonore de musique.

Le système de son ne permettait de jouer qu’une chanson à la fois. Ceci a rendu la tâche du choix musical assez longue, en particulier lorsqu’il fallait atteindre un consensus de groupe quant au choix musical des danses. Pour en revenir au déroulement de l’atelier, cela a imposé de ne pratiquer qu’une danse à la fois. Avec la division des groupes, cela a structuré le temps de l’atelier : lorsque les plus petites pratiquaient dans le local, les plus grandes socialisaient dehors entre elles ou avec les garçons sur les terrains de basket. Cette situation n’était pas tout à fait réversible dans le cas des petites: alors que certaines partaient jouer dehors, d’autres préféraient rester au fond du local et imiter les danses des plus grandes. La division des groupes a néanmoins instauré un rythme de pratique, permettant un aller-retour entre pratique et repos.

3.2) Contrecarrer ce qui est prescrit en proposant autre chose

La présence d’un cadre imposé - par la présence et le cours du professeur - installe une relation d’autorité où le plus faible doit accepter les conditions du plus fort et négocier à n’ai été témoin à aucun moment de cette danse, ni de ses participants.

l’intérieur de celles-ci, usant de sa créativité. En déjouant les règles et en proposant leurs propres façons de faire, les jeunes ont restauré une marge de manœuvre, contraignant le professeur - ici dominant dans la relation d’autorité - à plus de souplesse dans son fonctionnement. Le professeur a répondu à cette tactique par ses actions : elle s’est mise dans le rôle d’élève à quelques reprises, a accepté les propositions musicales des jeunes – tant pour le réchauffement que pour les danses – et a cédé sa place à l’assistante pour chorégraphier la danse des plus jeunes. Par contre, elle avait de grands doutes face à l’atteinte des objectifs dans les temps requis. Le professeur, l’intervenante et moi-même pensions, à tort, que les jeunes ne réussiraient probablement pas à créer des danses et les pratiquer à temps pour le spectacle. Pourtant, les jeunes ont accompli l’équivalent du travail de tout un été en une semaine et étaient motivés pour le spectacle.

Du côté des jeunes qui habitaient sur place et en particulier de celui des plus grandes, après avoir suivi quelques ateliers puis déserté les lieux, elles sont revenues en proposant leurs propres musiques et enchaînements de mouvements en réaction à ce qui était proposé par le professeur. Les participantes ont résisté à ce qui était imposé en proposant quelque chose qui correspondait plus à leurs goûts musicaux et leur image de la danse. En prenant du recul, le journal de bord montre que le participant qui « perturbe » les règles d’usage d’une intervention prescrite n’est pas un sujet en marge de la société. Au contraire, c’est par des actions pareilles que le jeune prend sa place comme acteur social. Leur communication se fait à haut débit, ils se coupent la parole tout le temps et les intervenants sont interrompus par ceux qui rentrent, sortent, les téléphones, les chiens (interdits) et les ballons. Une chose demeure, les jeunes ont l’air de savoir très bien comment ils veulent que les choses se déroulent, ceux qui ne comprennent pas : ce sont nous!

3.3) L’atelier, un lieu de socialisation

Avant d’atteindre des objectifs dansants ou physiques, l’atelier est un lieu de rencontre créatif pour les jeunes. Il leur a donné un espace où socialiser et échanger avec d’autres

jeunes. Chacun était à la fois prof et élève. En plus, lorsque le professeur avait le dos tourné, les jeunes se montraient mutuellement leurs mouvements de danse préférés. La totalité de ces mouvements n’avaient pas été enseignés par le professeur. Ils sortaient de l’inspiration propre à chacun – trouvés dans des vidéoclips, à la télé ou sur youtube - ou de ce qu’ils peuvent faire à la maison. Le meilleur exemple pour montrer cela était le petit garçon qui ne voulait pas suivre le groupe. On comprenait que tous ses mouvements avaient été soigneusement travaillés tout en étant très différents de ce que montrait le professeur.

Si l’idée était de donner un lieu de défoulement aux jeunes et de leur offrir la possibilité de danser, l’objectif est réussi. L’organisation de l’atelier était désordonnée et les problèmes de son et d’espace ont donné un sujet de conversation aux filles tout en créant une ambiance dynamique. Malgré les limites des ressources, on aurait eu tort de s’apitoyer sur leur sort : lorsqu’un groupe prenait la place principale dans la salle, les autres avaient le temps de socialiser. L’arrivée des joueurs de basket a suscité l’intérêt des filles et des rencontres entre les adolescents. Les deux filles de Longueuil se sont confondues au groupe et aux adolescents, au point d’organiser un numéro avec l’un d’eux. En même temps, cela a permis aux plus jeunes de prendre plus de place dans la salle de danse. L’approche du spectacle a incité les participantes à travailler ensemble, d’où l’émergence d’une action collective visible, tant dans les chorégraphies que dans la cohérence générale des numéros et les costumes choisis.

Chapitre 6 : « Être » ensemble : le point de vue des