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2°) La prison et les autres structures fermées

ET PRISE EN CHARGE

85 S YKES , M ATZA , 1957.

plus… alors que si le matin, tu te lèves… bah à la fin du mois, il y a quelque chose… et là, tu as le bon cœur d’y aller… Mais ça, ils ne nous comprennent pas… ».

Adrien a, depuis le plus jeune âge, connu un suivi éducatif et socio-judiciaire étant pris en charge dès la maternelle par une éducatrice de la sauvegarde de l’enfance. Au regard de son comportement très perturbateur, Adrien, tout comme son frère, font l’objet de nombreuses mesures de placement, total ou partiel qui se succèdent pendant une dizaine d’années. Dans ces structures, il semblait être autant victime de violence qu’à l’origine de telles pratiques.

« Après, je me suis fait renvoyer du foyer parce que je voulais planter un gars… il avait 19-

20 ans… et après, il y a un autre gars de 19-20 qui est arrivé et qui m’a enchaîné… Il m’a mis des patates… Dans la chambre, j’avais un couteau et je lui ai mis un coup de couteau… j’ai voulu le planter… heureusement, l’éducateur, il est venu… et il m’a sauté dessus… Après ils m’ont renvoyé définitivement… Après, ils ont fait un putain de rapport bâtard à… à la juge… ».

En 2005, il est placé sous contrôle judiciaire assorti d’une obligation de se rendre en CER. Or, il refuse ce placement et n’ira pas en CER.

« Ils me l’ont mis l’année dernière, un contrôle judiciaire. Il fallait que j’aille pointer à la PJJ… une

fois par semaine… À chaque fois que je n’y allais pas, ils envoyaient un rapport à la juge… Ce n’est pas que si je n’y allais pas, ils venaient me chercher… ou me mettre en prison… Ils m’ont mis une obligation pour aller dans un CER… mais je n’y suis pas allé… ».

Le 30 janvier 2006, il est jugé pour 11 affaires, dont les plus anciennes remontaient à ses 13 ans. Cependant, il écope de sursis et il ne sera pas condamné à de la prison ferme. De nouveau, il refuse un placement en CER, la prison lui paraissant plus enviable :

« Quand je suis passé le 30 janvier, moi, je leur ai dit que je n’y allais pas. S’ils me disaient :

"CER". Je leur disais : "mettez-moi en prison". C’est quoi le CER ? C’est mieux la prison ! ».

Il est de nouveau arrêté et incarcéré. Il est jugé deux semaines après son arrivée en prison dans le cadre d’une procédure à délai rapproché et il est alors condamné à une peine de 6 mois dont 3 fermes et 3 mois avec sursis en avril 2006. En outre, il est condamné à payer des amendes. Or, il ne comprend pas que plusieurs condamnations puissent se cumuler.

II-LA PRISON : UN QUOTIDIEN INSIPIDE

L’expérience de l’incarcération est au cœur de son histoire familiale et amicale puisque ses amis autant que des membres de sa famille l’ont connue. La prison est

présentée comme une fatalité, elle est inéluctable. C’est la conséquence d’un destin subi qui s’inscrit dans une « reproduction » sociale et familiale propre à son quartier et à sa situation de pauvreté.

« Parce que moi, je vis dans un quartier à Nîmes. Donc, voilà ! Ça fait que… ceux qui sont de la

ZUP… bah tous, ils vont à là… il y en a quelques-uns qui sont partis dans une autre prison ».

En même temps, Adrien a conscience que peu de mineurs entrent en prison : si la prison est banale dans son histoire familiale, elle est une marque de distinction et de reconnaissance dans son groupe de pairs. C’est un signe de crédibilité qui permet de se faire un nom, d’acquérir de nouvelles compétences...

« Je me suis fait péter sur le troisième cambriolage ! Moi, on m’a toujours dit, il faut persévérer… et

après, j’ai continué… Après voilà, je ne me faisais plus chopper… On réfléchissait mieux… ».

La fonction de repoussoir que certains imputent à la prison est illusoire au regard du parcours d’Adrien qui est autant une trajectoire individuelle que la conséquence d’une trajectoire collective qui le détermine. En prison, sa vie quotidienne est présentée comme préférable à celle du CER.

« Ici, si tu veux, tu dors. Si tu ne veux pas aller à l’école, tu ne vas pas à l’école. Tu as la télé. Tu es

bien. Là-bas, 7 h 30, tu es debout. Tu ne veux pas te lever, ils prennent ton lit et ils te le retournent… à la douche… tu n’es pas à l’heure au déjeuner, tu ne déjeunes pas… tu cours… tu fais des activités… toutes bâtardes, là… des randonnées… Hé, laissez-moi tranquille avec ce CER ! Le CER, c’est encore pire ! Tu travailles et tout… moi, je n’ai pas besoin de travailler… je ne suis pas motivé pour ça… non, tu fumes. Tu vas à l’école. Si tu ne veux pas, tu repars… ».

Il déplore le manque d’activité, l’ennui et le vide des journées alors même qu’il refuse le CER du fait de son trop plein d’activités. La vie quotidienne d’Adrien est d’autant plus vide qu’il ne reçoit pas de visite. Le récit de son quotidien montre à quel point on le « laisse tranquille » :

« Regarder la télé ! Cigarette. Regarder la télé. Gamelle. Cigarette. Regarder la télé. Donc voilà, je ne

fais rien du tout. Sinon, je fais quoi ? Le soir… dès que j’ai pas la télé… dès que je n’arrive pas à faire la technique… Je me mets à la fenêtre et je discute. Je discute. On brûle des papiers. On fait n’importe quoi. Tous les soirs à 23h, quand on n'a pas la télé, c’est la gardave… la garde-à-vue… Tu fais rien. Il n’y a rien à faire. C’est la misère ! ».

Adrien se rend à l’école en prison dans le seul but de bénéficier de remises de peine et de participer à des activités desquelles il serait exclu s’il n’allait pas en cours.

« Parce que je veux mes RPS ! Hé oui… hé oui… Sur ça, j’ai fait le malin… RPS… Bah même

pour aller en sport et tout… parce que tu ne vas pas à l’école et ils ne viennent pas te chercher pour le sport ! Pour le ballon, pour la muscu… ils ne viennent pas te chercher si tu ne vas pas à l’école ».

III-LA SORTIE : LA CONTINUITÉ ENTRE UN AVANT ET UN APRÈS PRISON,