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8.3 Evolution temporelle des biomarqueurs

8.3.1 Séries alkyles

8.3.1.1 n-alcanes et n-alcan-2-ones 8.3.1.1.1 Rapport n-C29 / n-C31

Les rapports n-C29 / n-C31 sur n-alcanes et n-alcan-2-ones ont été dénis dans le chapitre 3 comme étant > 1 dans les sols sous forêts, et < 1 dans les sols sous prairies.

En ce qui concerne les n-alcanes, ce rapport varie peu entre 1250 et 1550 CE (∼1 - 1,2 ; Figs. 8.4). En revanche, il accuse une forte augmentation à partir d'un échantillon daté du début du 18esiècle, où il atteint 1,5. S'ensuit alors une diminution très rapide, en quelques décennies, vers le pôle "prairie". Le minimum est atteint au milieu du 18e siècle (0,77), puis les valeurs redeviennent plus comparables à celles observées pour les échantillons plus anciens. Bien que variant rapidement, elles restent alors globalement contenues entre 1 et 1,35.

La forte et éphémère variation de ce rapport au 18e siècle peut trouver une explication dans les dicultés que traverse l'Auvergne à cette époque (chapitre 2). Brièvement, suite à une surpopulation, l'Auvergne subit une forte déforestation qui atteint son maximum aux 18e et 19e siècles. Le village de Saulzet-le-Froid, en amont du bassin-versant, aurait été l'une des communes les plus touchées de la région (Miras, 2004), ce qui a été conrmé par l'évolution du détritisme dans la carotte sédimentaire (chapitre 6). S'ensuit une intense érosion des sols, que Michelin (1996) qualie de "catastrophique". Cette période de crise se solde par un exode rural massif qui entraîne une progression des pelouses à genêts et à

acétate de pichiérényle6 4 2 0 1900 1800 1700 1600 1500 1400 1300 1900 1800 1700 1600 1500 1400 1300 1900 1800 1700 1600 1500 1400 1300 0,2 0,6 1 0,6 1 1,4 4 3 2 1 1,2 0,4 0,8 0 25 15 5 0,06 0,04 0,02 0 TTHC2 TTHC30,12 0,08 0,04 0 100 60 80 40 20 0 miliacine 1,4 1 0,6 0,2 CBN acétate d’isobauerényle acétate de bauerényle 30 20 10 0 30 20 10 0 6 4 2 0 acétate de ψ-taraxastéryle 20 10 0 acétate de lupéyle acétate de taraxastéryle 40 80 120 0 n-alcane n-C17 Stéroïdes (ratio contribution fécale) n-alcan-2-ones n-C29 / n-C31 n-alcanes n-C29 / n-C31 FAMEs iC15:0 + aiC15:0 / C15:0 Années CE Concentration (ng / g COT) Concentration (ng / g COT) Concentration (ng / g COT) Concentration (µg / g COT) Eutrophisation F P F P ACETATES DE TRITERPENYLE TTHCs F P F P

Fig. 8.4  Evolution temporelle, dans les échantillons de sédimentation de fond, des rapports sur n-alcanes, n-alcan-2-ones, FAMEs et contribution fécale, et des concentra-tions du n-alcane n-C17, des acétates de bauerényle, pichiérényle, d'isobauerényle, de ψ-taraxastéryle, de lupéyle et de ψ-taraxastéryle, des TTHC2 et TTHC3, de la miliacine et du cannabinol. Pour les rapports est précisée la signication des deux pôles tels que dé-nis dans les sols (P = "prairie", F = "forêt") ; le sens de la tendance à une plus forte eutrophisation est indiqué pour le n-alcane n-C17.

bruyères (chapitre 2). Celles-ci pourront être remises en culture suite à une utilisation en pacage, puis à un écobuage (Michelin, 1996).

Les céréales consommées, et donc cultivées suite aux épisodes de déforestation, sont le seigle, l'avoine, le froment et l'orge (chapitre 2). Or, l'homologue majoritaire présent dans le froment (tiges, feuilles) est le n-C29 (Wiesenberg et al., 2010, et références incluses), c'est-à-dire correspondant à l'empreinte dénie comme "forestière" au long de ce travail. L'homologue n-C31 domine dans la paille de seigle, mais il est accompagné du n-C29 en proportions presque équivalentes (Wiesenberg et al., 2009). Les feuilles d'orge, quant à elles,

sont dominées par l'homologue n-C33, suivi du n-C31 et du n-C29 (Sachse et al., 2010). Le Cmax des n-alcanes de l'avoine ne semble pas gurer dans la littérature.

Ainsi, la forte valeur du rapport n-C29 / n-C31 au début du 18e siècle peut s'expliquer par (1) l'intense déforestation en elle-même, qui déstabilise les sols mis à nus et entraîne vers le sédiment un signal forestier et/ou (2) par l'installation ultérieure de cultures qui peuvent avoir fourni d'importantes quantités de l'homologue n-C29au sédiment. Le rapport considéré qui atteint alors sa valeur maximale pour les sept siècles étudiés, témoigne ainsi de la surexploitation globale des sols, initiée dès le Moyen-Age. La chute brutale du rapport qui s'ensuit et qui s'eectue en 2 décennies témoigne vraisemblablement de l'exode rural massif qui en a résulté, accompagné du retour des landes et sans aucun doute d'herbacées pionnières.

Contrairement au rapport fondé sur les n-alcanes, celui fondé sur les n-alcan-2-ones n'enregistre pas de variation notable jusqu'au 20e siècle, si ce n'est une légère tendance à se rapprocher du pôle "prairie" dans les échantillons les plus anciens (en oscillant entre 0,6 et 0,8). Il varie entre 0,4 et 0,6 dès le milieu du 18esiècle (Figs. 8.4). En revanche, ses valeurs se déplacent vers un pôle plus forestier dès la n du 19e siècle, et atteignent une valeur maximale proche de 1,2 vers 1960. Cette empreinte plus forestière peut s'expliquer par les politiques de reboisement de la Loi d'Empire de 1860, puis de la Restauration des Terrains en Montagne (chapitre 2 ; Gadant, 1968 ; Michelin, 1996). La valeur relativement élevée durant les années 1960 comparativement aux échantillons qui les précèdent pourrait résulter d'un impact précoce du remembrement, généralement accompagné d'une destruction de haies voire de coupes forestières, encourageant l'érosion d'un sol à l'empreinte forestière marquée.

Les diérences observées entres n-alcanes et n-alcan-2-ones, et qui se limitent en fait à quelques points de données (notamment au tout début du 18e siècle ; Fig. 8.4), sont vraisemblablement explicables par des diérences de production et/ou transformation de ces composés à sources multiples. Rappelons à cet égard, comme cela a précédemment été souligné (chapitre 3), que les n-alcan-2-ones témoignent d'une relative fragilité des n-alcanes dont ces composés sont issus.

8.3.1.1.2 n-Alcane n-C17

Les concentrations de l'hydrocarbure n-C17 restent faibles et peu variables entre le milieu du 13e siècle et le début du 19e siècle (< 7 ng/g COT ; Figs. 8.4). A partir de cette époque, sa concentration augmente rapidement et fortement (23,5 ng/g COT). Ce composé réputé d'origine algaire pouvant être a priori utilisé comme un marqueur d'eutrophisation (cf. supra), les variations de sa teneur conrment l'hypothèse faite dans le chapitre 6 à partir des mesures de susceptibilité magnétique et des analyses organiques globales (TOC,

IH, IO), c'est-à-dire que la phase actuelle d'eutrophisation du lac aurait été amorcée dès le début du 19e siècle. Dans cette hypothèse, le dernier échantillon analysé, datant de la n des années 1960, indiquerait une légère diminution de l'eutrophisation qui pourrait être mise sur le compte de premières actions de lutte contre la dégradation de la qualité des eaux liées au développement des activités touristiques aux abords du lac. Cette hypothèse pourrait être validée à l'aide d'échantillons plus récents, si la tendance observée se poursuivait eectivement sur le plus long terme.

8.3.1.2 Esters méthyliques d'acides gras (FAMEs)

Les valeurs du rapport (iC15:0+ aiC15:0)/C15:0se sont révélées plus élevées dans les sols sous prairies que dans les sols sous forêts (chapitre 3). Dans les sédiments les valeurs de ce rapport, relativement stables jusqu'au milieu du 18esiècle (1,7 - 2,7), subissent une brusque augmentation vers 1750, et atteignent rapidement des valeurs supérieures à 4 (Figs. 8.4). Bien que montrant une plus grande amplitude de variations qu'auparavant (2,2 - 4,2), la tendance est irréversiblement modiée et s'est nettement déplacée vers le pôle " prairie". Ce rapport enregistre des variations concordantes avec celles fournies par les n-alcanes, suggérant une origine terrestre des homologues iC15:0, aiC15:0 et C15:0 dans les sédiments du lac d'Aydat.