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1.4 Les biomarqueurs moléculaires

1.4.4 Complémentarité de l'analyse des biomarqueurs et de la palynologie

L'étude de l'évolution des distributions polliniques au long de séquences sédimentaires est largement utilisée pour reconstituer les paléo-paysages végétaux ; leur portée et leur utilité sont indubitables. Cependant ces reconstitutions peuvent sourir de diérences entre la végétation eectivement présente sur le bassin-versant et la distribution pollinique qui en résulte dans les sédiments. Cela s'explique par les faits suivants (Faegri et Iversen, 1989 ; Andrieu et al., 1997) :

 les capacités de dispersion diérentes des grains de pollen, suivant le mode de dis-persion : les plantes anémogames (dont le transport du pollen est assuré par le vent, comme par exemple les conifères) sont souvent sur-représentées, au détriment de plantes entomogames (transport assuré par les insectes),

 la situation géographique et climatique du site : suivant la force et la direction du vent, des grains de pollen allochtones peuvent être introduits et bien représentés dans le signal local, particulièrement si le site est sous climat aride (peu de végétation locale pouvant brouiller les arrivées externes),

 les divers remaniements pouvant avoir lieu à l'extérieur et l'intérieur du lac (apports de pollen allochtone plus ancien, mélange de pollen d'âge diérent à la faveur de glissements sédimentaires),

 la sédimentation diérentielle des grains de pollen dictée par leur taille et leur por-tance.

De plus, la détermination précise au niveau spécique ou générique est parfois rendue dicile par la grande ressemblance des grains de pollens à l'intérieur d'une même famille, comme par exemple les Poacées.

Face à ces dicultés, les biomarqueurs lipidiques constituent au sein des sédiments la-custres un traceur paléoenvironnemental indépendant du pollen, qui peut y apporter des

informations complémentaires. La majeure partie des lipides terrestres arrive au sédiment par le biais d'un vecteur uviatile, garant de l'autochtonie (intra bassin-versant) du si-gnal. Alors que l'étude de biomarqueurs non transformés apporte des indications sur les végétaux-source, l'évolution physico-chimique du milieu de dépôt des molécules peut éga-lement être appréhendée par l'analyse de leurs dérivés diagénétiques (Jacob, 2003). Du fait de leur rôle protecteur dans le monde vivant, la variété et l'abondance des lipides peut varier au sein d'une même espèce en fonction des conditions du biotope (altitude, micro-climat, exposition, . . .) (Schwark et al., 2002). La connaissance des processus qui régissent cette variabilité peut ainsi permettre d'acquérir des informations sur la situation du milieu environnant la plante productrice.

Cependant, les études moléculaires sourent du manque de biomarqueurs très spéci-ques. Dès 1984, Cranwell soulignait les diérences entre la distribution de triterpènes pentacycliques et les associations polliniques, qu'il attribuait à la fois aux phénomènes dia-génétiques aectant de façon diérentielle les triterpènes et au manque de connaissance de biomarqueurs très spéciques. Cette dernière remarque reste aujourd'hui encore d'ac-tualité et, comme le soulignaient van Aarsen et al. en 2000, peu d'études sont menées sur l'évolution temporelle des concentrations de marqueurs de végétaux supérieurs dans les sédiments. En eet, les travaux se sont jusque très récemment focalisés sur des familles de composés ubiquistes, dont la distribution permet de distinguer de grands pôles (distinction de la contribution terrestre et algaire par la longueur des chaînes aliphatiques, e.g. Cran-well, 1984 ; Meyers, 2003). L'identication de biomarqueurs spéciques est à ce jour rare et restreinte à quelques groupes de végétaux. Ainsi, les PTME (méthyl-éthers de triterpènes pentacycliques) s'avèrent être caractéristiques des Poacées (Ohmoto et al., 1970), et de récentes études réalisées au sein de cette famille moléculaire ont permis d'attribuer plus précisément à certaines molécules une plante source : la miliacine est caractéristique du millet cultivé (Panicum miliaceum L.) dans les sédiments du Lac du Bourget (Jacob et al., 2005), tandis que la présence de crusgalline, cylindrine et un dérivé diagénétique de cette dernière a été mise en lien avec la culture de gazon de Cynodon dactylon et Zoysia japonica destinée à des stades de football et des parcours de golf au Nord-Est du Brésil (Zocatelli et al., 2010). Les iso- et anteiso- monomethyl alcanes à longues chaînes se révèlent être prin-cipalement synthétisés par les Lamiacées (famille de plantes aromatiques, dont font partie la menthe, la lavande, le thym, la sauge et le romarin ; Huang et al., 2011). Par ailleurs, les études basées sur les stérols et acides biliaires montrent la possibilité de distinguer les sources de pollution fécale (e.g. Elhmmali, 1998 ; Bull et al., 2001 ; Jardé et al., 2007). Tous ces travaux s'avèrent encourageants et montrent l'intérêt que présente la mise en évidence de nouveaux biomarqueurs moléculaires.

Synthèse de la section 1.4 Du fait de la dynamique complexe des sols, les lipides sont bien plus étudiés dans les séries sédimentaires que dans les sols. Pourtant, du fait de l'érosion, ces derniers sont des pour-voyeurs directs de marqueurs de végétation terrestre aux sédiments. Leur étude peut ainsi éclairer sur l'évolution temporelle du couvert végétal et des conditions environnementales du bassin. Cependant, malgré l'intérêt de telles reconstructions, peu de biomarqueurs très spéciques sont connus à ce jour, entravant les possibilités de traçage d'usage de sols bien dénis.

Dans cette optique, le travail présenté dans les chapitres suivants se propose de détecter dans les sols des biomarqueurs d'occupation actuelle des sols, puis de les rechercher ensuite dans le sédiment du réceptacle lacustre proche. Les composés linéaires, d'ores et déjà bien connus mais ubiquistes, peuvent-ils aider dans cette tâche ? Et qu'en est-il des composés cycliques, si peu explorés mais pourtant plus spéciques ? En quelle mesure le cortège de biomarqueurs qu'on dénira dans les sols sera-t-il conservé dans les sédiments ? Y détectera-t-on des biomarqueurs d'origine terrestre absents des sols ?

Site d'études

2.1 Localisation

Le lac d'Aydat (N45 39' 40", E2 58' 27") est situé à environ 25 km au Sud-Ouest de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), dans la partie Sud de la Chaîne des Puys (Massif Central) (Fig. 2.1). Situé à une altitude de 837 m, il s'étend sur 60,3.104 m2 et mesure en moyenne 1000 m de large. Son bassin-versant, qui appartient au bassin-versant de la Loire, s'étend sur une trentaine de km2 et jusqu'à 1300 m d'altitude en sa partie Ouest, sur les communes de Saulzet-le-Froid à l'Ouest et Aydat à l'Est. D'une profondeur moyenne de 7 m et maximale de 15 m, le lac renferme environ 5,2.106 m3 d'eau. Celle-ci provient majoritairement de la rivière Veyre, qui naît de la conuence de la Narse et du Labadeau, à 4 km en amont du lac. La Veyre alimente le lac par le Sud-Ouest à hauteur de 75%, le dernier quart restant provenant de cours d'eau temporaires situés en bordure sud du lac et des précipitations. Ces dernières sont compensées par l'évaporation sur le lac (Bouchet, 1987). Au Nord-Est du lac, le cours inférieur de la Veyre constitue son principal exutoire (85%), tandis que 15% des eaux percolent au travers de la coulée basaltique qui le borde de ce côté (Bouchet, 1987).