La Croissance Economique
III. Libéralisation financière, instabilité macroéconomique et crises bancaires
II.3.3. La séquence optimale de libéralisation
La littérature sur la séquence optimale de libéralisation financière a été traitée, en premier lieu, par McKinnon (1993) qui stipulait que la libéralisation financière ne
peut intervenir qu’après une libéralisation totale du secteur commercial. Aizenman et Noy (2004) ont cherché à vérifier les hypothèses de Mckinnon (1993) en identifiant la nature de la relation qui peut exister entre libéralisation financière et libéralisation commerciale.
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A travers une étude empirique ils mesurent l’effet feedback qui caractérise la relation entre libéralisation commerciale et libéralisation financière. Ainsi, l’effet
feedback de la libéralisation commerciale est de (53%) et celui de la libéralisation
financière est de (34%). Ceci montre que dans le cas d’une forte intégration commerciale, les pays ne peuvent pas appliquer une politique de répression ou
choisir le degré de libéralisation financière qu’ils souhaitent. Leurs résultats confirment l’hypothèse initiale de McKinnon (1993) qui stipule qu’une libéralisation
financière doit toujours être successive à une libéralisation commerciale. Aussi, ils
trouvent qu’une variation de 1% de la libéralisation commerciale est suivie d’une
variation de 9,5% de la libéralisation financière (en % du PIB).
Ito (2006) vérifie l’hypothèse de McKinnon sur un échantillon de pays
asiatiques et trouve que la libéralisation financière doit être toujours précédée par une libéralisation commerciale. Il précise que la libéralisation commerciale est un prologue et une pré-condition pour une libéralisation financière réussie.
Une fois l’échange de biens et services libéralisé, Mongrué et Robert (2005),
conformément aux recommandations du FMI, stipulent qu’il convient d’adopter des
réformes financière en même temps qu’une libéralisation progressive et ordonnée du compte de capital. «Le FMI insiste sur le fait que la libéralisation du compte de capital peut favoriser l'ouverture et la modernisation du secteur financier et que les deux peuvent donc
être prudemment menées de front se renforçant l'une et l'autre»18.
La stratégie préconisée par le FMI se déroule en trois étapes (graphique 13). Il
convient tout d’abord de libéraliser les flux des capitaux entrant et de long terme (IDE) en même temps qu’une réforme des règles financières et comptables et l’adoption d’une politique monétaire saine. En second lieu, il faut libéraliser les flux d’IDE sortant et les flux de court terme entrants (Investissement de portefeuille) tout
en renforçant les mesures de contrôle, de réglementation prudentielle et de
supervision bancaire. L’étape ultime, qui correspond à l’ouverture complète du
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compte de capital ne doit intervenir qu’après la restructuration complète du secteur
financier et le développement du marché de capitaux
Graphique 13: Schéma de la libéralisation séquentielle du mouvement de capitaux,
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Conclusion
La politique de libéralisation financière trouve ses fondements théoriques chez les analystes de la répression financière dans les pays en développement. Les
travaux de Mckinnon (1973), Sahw (1973) et leurs successeurs prônent,
essentiellement, une supériorité de la libéralisation via la flexibilité des taux d’intérêt et son impact positif sur l’épargne et l’investissement.
Cette École de pensée libérale présente la libéralisation du secteur financier comme un moyen efficace pour accélérer le développement financier et la croissance économique des pays en voie de développement. Cette nouvelle stratégie financière a trouvé un champ national et international propice pour son développement basé sur deux critères : la transformation de l’environnement économique à travers la
naissance et le développement de nouveaux marchés financiers et de nouveaux territoires de la finance mondiale (Bourse et Zone financières extraterritoriales),
ainsi, que la mutation technologique et l’évolution du comportement des différents
acteurs économiques.
Ainsi, plusieurs pays en voie de développement ont mis en place et appliqué des politiques différentes de libéralisation financière mais toutes centrées sur la libre circulation des capitaux qui ont pris plusieurs formes (Flux de dette, IDE et Investissement de portefeuille).
Cependant, face à l’apparition des crises financières et leur enchainement, les
économistes commencent à montrer plus de réserves envers les effets de la
globalisation financière et on assiste à l’émergence de nouveaux courants de pensée
qui se sont focalisés sur les limites de la libéralisation des mouvements de capitaux.
Ces auteurs ont montré, qu’une hausse consécutive des taux d’intérêt peut
décourager l’investissement à travers la baisse de la demande globale
(Postkeynésien), la fragilisation des marchés informels (Néo-structuralistes) ou
80 Par ailleurs, la nouvelle génération de travaux a cherché à analyser et étudier les effets de la libéralisation financière. Ainsi, elle démontre qu’outre le canal classique du taux d’intérêt il existe d’autres canaux à travers lesquels la libre
circulation des capitaux influence la croissance.
Ces canaux peuvent êtres directs comme l’allocation optimale des ressources à
travers une meilleure gestion des risques et le transfert du savoir-faire technologique et managérial (Spill over) par les IDE. La libéralisation financière peut également influencer directement la croissance à travers la stimulation du secteur financier
grâce à l’effet d’apprentissage résultant de l’ouverture du secteur bancaire
domestique à la concurrence étrangère.
Les carnaux de transmission peuvent, aussi, être indirects. Ainsi, la libéralisation financière stimule la croissance à travers la promotion de la
spécialisation conformément à la thèse ricardienne. Elle augmente, aussi, l’afflux de
capitaux productifs grâce à une discipline macroéconomique favorable à
l’investissement et la transmission d’un signal positif qui attire les capitaux
étrangers.
Malgré ces arguments en faveur de la libéralisation financière et leurs justifications théoriques, le débat n’a pas cessé d’attirer des opposants qui ont dénoncé les effets controversés de la libéralisation des mouvements de capitaux sur
la stabilité économique et l’ont désignée comme l’une des origines des crises
financières violentes aux lourds coûts économiques et sociaux.
Ce débat théorique nuancé a été enrichi par un nouveau courant plus modéré
qui associe le succès d’une politique de libéralisation à la réunion de certaines pré conditions politiques et économiques et l’adoption d’une stratégie ordonnée et
progressive d’ouverture des comptes financiers.
Le riche débat théorique concernant la libéralisation financière a contribué à
l’émergence de travaux empiriques qui ont cherché à déceler les différents effets de
81 de plusieurs pays et leurs impacts sur leurs développements et leurs stabilités économiques.
Une revue de la littérature empirique ainsi que l’analyse de l’expérience de
certains pays en matière de libéralisation financière feront l’objet de traitement dans
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