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Les études microscopiques ont permis à la communauté scientifique de mieux caractériser SFB d'un point de vue morphologique mais aussi d'en apprendre plus sur son cycle de vie. Cependant, de telles études ne permettaient pas d'appréhender les caractéristiques physiologiques de la SFB ni de comprendre les mécanismes et les caractéristiques des interactions mises en place entre SFB et son hôte.

Jusqu'en 2015, la SFB était considérée comme non cultivable, obligeant les chercheurs à trouver un autre moyen pour "isoler" la SFB et l'obtenir dans des quantités suffisantes pour permettre l'étude de son génome, permettant ainsi d'approfondir les connaissances que les chercheurs avaient à propos de cette bactérie. Ainsi, l'exploitation de sa faculté d’adhésion à la muqueuse iléale et à sporuler a rendu possible l’obtention de souris colonisées par cette seule bactérie par passage successifs chez des souris axéniques (Klaasen et al., 1991). Des souris axéniques « receveurs » reçoivent, soit en intra-iléal soit par voie orogastrique, un homogénat intestinal traité au chloroforme provenant de souris « donneurs » ayant un microbiote contenant de la SFB. Cette technique permit dans un premier temps de déterminer la classification phylogénétique de la SFB, grâce à l’étude des ARNr 16s réalisée sur le contenu intestinal de souris monoassociées (Snel et al., 1995). En effet, initialement basée sur sa morphologie, la définition de l’appartenance de la bactérie a été sujette à de nombreuses modifications.

« Candidatus arthromitus » dénommait l’ensemble des bactéries filamenteuses observées par Joseph Leidy chez les myriapodes. Des bactéries ayant la même morphologie ont été observées dans le tractus digestif de plus de 25 espèces d’arthropodes. Ces bactéries, une fois isolées de leurs intestins, ont d’abord été identifiées comme appartenant au genre Bacillus. Les auteurs ont conclu que la forme filamentaire serait une étape dans le développement de ces bactéries, plutôt retrouvées sous la forme de bacilles (Margulis et al., 1997). Durant les années 1990, l’étude de l’ARNr 16s de SFB issues de différents mammifères permit d’établir que ces SFB formaient un groupe distinct des Arthromitus. Ces derniers appartiennent au groupe des Lachnospiracea tandis que les SFB partageant des caractéristiques communes au genre Clostridium (Sczesnak et al., 2011) (Kuwahara et al., 2011) (Prakash et al., 2011) (Thompson et al., 2012) (Figure 28).

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Figure 28: Arbre phylogénétique rattachant la SFB au genre Clostridium

Réalisé d’après la comparaison entre les séquences de l’ARNr 16s issues de SFB provenant du rat, de la souris et celles de différents hôtes ainsi que celles d’autres espèces de Clostridium, déjà publiées (Prakash et al., 2011).

L’étude du génome de la SFB constitue aussi une première étape dans la compréhension de sa biologie. Un caractère notable du génome de la SFB est l’abondance de gènes impliqués dans l’interaction avec son hôte, et dans l’adaptation à l’environnement rencontré, pouvant parfois défavoriser son implantation au sein de la muqueuse (Sczesnak et al., 2011). La SFB, afin de supporter l’environnement microaérophile à proximité de la muqueuse intestinale, possède dans son génome deux gènes de catalases et un codant une peroxydase. De plus, le métabolisme de sucres simples de la bordure en brosse par la SFB génère des gaz améliorant l’atmosphère anaérobe de la niche où s’implante SFB. Enfin, pour son développement propre et afin d’améliorer sa survie en conditions défavorables, le génome de la SFB possède 77 gènes reliés à la germination et la sporulation (Prakash et al., 2011).

Une des découvertes la plus fascinante dans le génome de la SFB des rongeurs est la présence de gènes encodant des protéines d’assemblage de flagelles, suggérant une éventuelle mobilité de la

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bactérie (Sczesnak et al., 2011) (Prakash et al., 2011). Ce flagelle pourrait permettre un accès plus facile à la muqueuse de l’hôte et ainsi favoriser son attachement. Cependant, en comparaison avec le génome de bactéries Gram-positives, il n’a été retrouvé que peu de protéines dites « associées à la surface » afin de permettre l’ancrage de la SFB à la cellule-hôte. Notamment, la plupart des principaux facteurs de virulence, promouvant l’attachement et l’invasion des cellules- hôtes sont manquants au sein du génome de SFB. Cependant, le génome de la SFB en contient quelques-uns comme l’hémolysine A ou la protéine de liaison à la fibronectine, cette dernière pouvant permettre l’interaction avec l’épithélium de l’hôte, qui contient notamment de la fibronectine.

Il semblerait que la SFB ait évolué vers un système spécifique d’ancrage à l’épithélium, non associé à un caractère pathogène d’invasion. L’attachement ferme des bactéries est médié par un panel de protéines d’adhésion. Il a été mis en évidence un gène codant une protéine contenant un domaine de liaison à la fibronectine (Sczesnak et al., 2011) (Prakash et al., 2011). Ce gène comprend de nombreuses homologies avec celui retrouvé chez divers Clostridium et encodant une protéine capable de se lier à la fibronectine soluble et non soluble (Barketi-Klai et al., 2011). La protéine encodée par ce gène pourrait faciliter les interactions entre la SFB et son hôte. D’autres protéines sont connues pour être impliquée dans l’ancrage des adhésines dans la membrane cellulaire, comme une protéine exprimée par les Gram positives et se liant à la choline (Yother et White, 1994). Cependant, dans le protéome de la SFB n’est pas retrouvé ce type de protéines (Prakash et al., 2011).

La SFB possède très peu de facteurs de virulence. Notamment, les gènes codant les protéines d’adhésion dans le génome de SFB ne sont pas celles retrouvées chez les souches pathogènes. Ces protéines permettent l’interaction entre la SFB et beaucoup de composants de la matrice extracellulaire de l’hôte, sans avoir pour conséquence une pénétration complète et délétère dans la cellule hôte. Ceci reflète probablement une longue co-évolution vers un ensemble de mécanismes spécialisés dans l’association avec l’épithélium intestinal, et la mise en place d’interactions mutualistes, plutôt que son invasion pouvant s’avérer délétère pour l’hôte.

L’IL-17, cytokine signature de la présence de SFB, pourrait être reliée aux flagellines encodées par le génome de la SFB. C’est une nouvelle fois la comparaison de génomes de Clostridiale non inducteurs d’IL17 à celui de la SFB, qui a permis de mettre en évidence l’existence de protéines d’assemblage de flagelles uniques chez la SFB, non présentes chez les autres Clostridiale. Un

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récepteur connu de la flagelline est le TLR5, et les comparaisons des génomes suggèrent que la réponse IL-17 induite par SFB pourrait dépendre du TLR5. De plus, l’administration de flagelline à des souris ayant un microbiote complexe entraîne l’induction de la transcription de gènes codant pour l’IL-17A, l’IL-17F et l’IL-22 dans les tissus lymphoïdes de ces souris (Uematsu et

al., 2008) (Van Maele et al., 2010). Ce résultat appuie le rôle de la flagelline dans l’induction de

la réponse IL-17. Il semblerait alors que le flagelle de la SFB, plutôt que d’être à l’origine de phénomènes d’invasions délétères, ferait plutôt partie intégrante du caractère immunostimulant bénéfique de la SFB. Finalement, chacun des systèmes d'adhésion est dédié à un contact très intime avec l’hôte sans présenter de caractères invasif ou pathologique. Ceci est très bien illustré par l’attachement de SFB, qui est corrélé à un remaniement de la membrane plasmique des cellules épithéliales sans que l’hôte ne déclenche de réponse inflammatoire pathologique. Au contraire, cet attachement engendre la maturation bénéfique du système immunitaire à travers l’induction d’un panel large de réponses immunes. Il semble donc que la SFB ait évolué de manière à apporter un bénéfice non négligeable au niveau immun via une caractéristique pathogène, l’adhésion à la muqueuse, sans en avoir conservé les conséquences délétères.

Le génome du SFB contient également de nombreux gènes dédiés au métabolisme de la bactérie, aspect que j'aborderai dans la partie suivante.

IV. Les caractéristiques métaboliques de la SFB et interactions avec le métabolisme de