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1. Mise en évidence de la bactérie segmentée filamenteuse

En 1849, le paléontologue américain Joseph Leidy découvrait à l’aide d’observations microscopique de nombreuses bactéries filiformes chez les myriapodes puis plus tard, chez les termites et les cafards. Le terme « Candidatus arthromitus » fut alors choisi pour nommer ces bactéries à la morphologie filamenteuse (Figure 25).

Figure 25: Lithographie de Joseph Leidy représentant les microorganismes observés dans le contenu intestinal des termites. La SFB est représentée en bas à gauche.

Depuis les années 1970s, de nombreux microorganismes possédant cette morphologie si particulière ont été observés chez un grand nombre de mammifères et d’invertébrés (Fuller et

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Turvey, 1971) (Sanford, 1991) (Klaasen et al., 1993) (Tableau 2).

Tableau 2: Récapitulatif de la présence de SFB chez diverses espèces de vertébrés (Klaasen et al., 1993)

Notamment, elles ont été observées à la surface épithéliale des microvillosités de l’intestin grêle de souris et rats de laboratoire (Davis et Savage, 1974) (Tannock et al., 1984). En 1974, Davis et Savage furent les premiers à publier une étude détaillant la structure précise de ces bactéries filamenteuses et leur écologie. A l’aide d’études par microscopie de sections iléales de souris, ils trouvèrent fréquemment des bactéries segmentées, filamenteuses à Gram variable. Elles étaient concentrées près de l’épithélium, et certaines étaient même attachées à la membrane des cellules épithéliales. Structurellement, chaque filament est constitué de segments séparés par des septa, et l’attachement de la bactérie à l’épithélium est réalisé via un appendice en forme d’hameçon (Chase et Erlansen, 1976) (Angert, 2005) (Figure 26).

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Figure 26: Différentes formes morphologiques de la SFB observées au microscope électronique (Chase et Erlandsen, 1976) (Angert, 2005)

Ces bactéries segmentées filamenteuses sont Gram-positives et présentent aussi la capacité de former des spores, forme de vie particulièrement résistante lorsque les conditions environnementales ne sont pas adéquates au développement de la bactérie. Par exemple, une des causes supposées de sporulation est l’exposition à un fort taux d’oxygène, ce qui ne correspond pas aux conditions de vie d’un microbe tolérant de faibles concentrations d’oxygène. Mais la présence continue de spores au sein de l’iléon suggère que la sporulation pourrait faire partie intégrante du cycle de vie de la SFB et est aussi soupçonnée d’être à l’origine de la colonisation interindividuelle.

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2. L’attachement de la SFB à l’épithélium de l’hôte

La SFB est une bactérie étonnante parmi les autres commensaux car elle seule présente la capacité d’adhérer à l’épithélium intestinal, après avoir traversé la couche protectrice de mucus. Dans le génome de la SFB, il est retrouvé de nombreux gènes dédiés à l’interaction entre elle et son hôte. La SFB exprime une capsule extracellulaire polysaccharidique qui (chez d’autres organismes), sert de bouclier protecteur contre les attaques antimicrobiennes, promeut l’adhésion à la membrane épithéliale et facilite la reconnaissance par l’hôte. Le génome de la SFB comprend aussi des gènes codant pour des protéines de flagelles (Sczesnak et al., 2011) (Prakash et al., 2011). Bien que la présence d’un flagelle n’ait jamais été observée in vivo par microscopie électronique, la présence de gènes codant un flagelle au sein du génome pourrait être le reflet d’une motilité à un certain moment de son cycle de vie. Ce flagelle ne promouvrait pas directement l'adhésion à la muqueuse mais pourrait plutôt faciliter le processus d’adhésion en permettant à la SFB de traverser la couche de mucus pour parvenir aux cellules épithéliales (Guerry, 2007) (Cella et al., 2009). Il semblerait que les gènes codant pour le flagelle pourraient ensuite être régulés négativement, lorsque la SFB est à proximité de l'épithélium, afin de permettre l’adhésion de la SFB à la muqueuse intestinale (Sczesnak et al., 2011). Notamment, la mise en culture de cæcums murins lavés puis broyés a permis de déterminer que la majorité des bactéries adhérentes retrouvées dans ces homogénats était des Clostridium possédant un flagelle, comparativement à des souches de Clostridium non flagellées retrouvées en plus petite quantité (Tasteyre et al., 2001), suggérant l'importance du flagelle dans le processus d'accès et d'adhésion de la SFB à l'épithélium.

La SFB adhère à l’épithélium intestinal et plus particulièrement à celui des plaques de Peyer et son attachement présente quelques caractéristiques. Notamment, l’adhésion de la SFB à la muqueuse épithéliale n’entraîne pas de phénomènes délétères, comme une altération de l’intégrité de la barrière intestinale, ou une mort des cellules épithéliales mais entraîne plutôt un remaniement de la membrane plasmique des cellules épithéliales. En effet, l’attachement de la SFB provoque l’invagination de la membrane plasmique de la cellule épithéliale cible, un déplacement des microvillosités du site d’attachement et promeut la formation d’une zone d’accumulation de filaments d’actine (Davis and Savage, 1974).

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Ce processus d'adhésion semble être un processus spécifique. En effet, lorsque des rats axéniques sont gavés par des homogénats d’iléon de souris (et inversement), aucune SFB n'est retrouvée adhérente à l'épithélium de l'hôte. La SFB est uniquement retrouvée chez l’hôte d’où elle provient, suggérant une forte spécificité d’hôte (Tannock et al., 1984) (Atarashi et al., 2016). Des études menées chez la souris et le poulet ont abouti aux mêmes observations (Allen et al., 1992). Cette adhésion hôte-spécifique est un phénomène important pour la maturation des réponses immunes adaptatives comme la réponse Th17 (Atarashi et al., 2016). Il semblerait donc que les bactéries commensales, et plus particulièrement celles colonisant les surfaces épithéliales comme SFB, soient très adaptées à l'habitat retrouvé chez leur hôte d'origine, qu'elles colonisent alors préférentiellement (Savage, 1980). L’attachement de la SFB à son hôte pourrait constituer un moyen développé pour pallier au caractère hautement auxotrophe de la SFB. En effet, la croissance de la SFB requiert des nutriments qu'elle n'est pas capable de synthétiser.