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II. Le rôle de la réponse adaptative dans le contrôle des communautés bactériennes

1. La réponse Th17 et le contrôle de la colonisation bactérienne

Actuellement, des données de la littérature suggèrent un rôle de la voie de signalisation dépendante de l'IL-17 dans le contrôle de l'homéostasie du microbiote commensal. Cependant, ce rôle semble assez contradictoire. En effet, il existe plusieurs modèles n’indiquant pas de rôle de l’IL-17 dans l’établissement de populations microbiennes stables. Par exemple, l’étude de la réponse Th17 chez des souris Il22-/- met en évidence une plus grande quantité de SFB dans l’iléon et les fèces des souris mutantes, et met également en évidence une augmentation de la réponse IL-17 dans l’iléon. Un traitement avec une IL-22-Ig diminuant la quantité de SFB et restaurant une réponse IL-17 normale, il est suggéré que la réponse IL-17 soit augmentée en réponse à une plus forte colonisation par SFB mais ne participerait pas à restreindre la colonisation par SFB dans ce modèle (Qiu et al., 2012). L’étude des ADN bactériens totaux par qPCR chez des souris déficientes pour l’IL-17 ou pour son récepteur ne montrent pas d’augmentation de la quantité de bactéries dans les fèces, encore moins une augmentation de la quantité de SFB (Shih et al., 2014). De plus, un modèle murin où les lymphocytes T régulateurs n’expriment plus MyD88 présentent une plus grande colonisation par SFB corrélée à une plus grande expansion de Th17, comparativement aux souris sauvages (Wang et al., 2015). Des souris déficientes pour la voie de signalisation de la lymphotoxine présentent une augmentation du niveau de SFB dans les fèces, comparativement aux souris contrôles. L’injection hydrodynamique d’IL-17A chez les souris Ltbr-/- ne rétablit pas une quantité de SFB dans les

fèces comparable à celle des souris contrôles (Upadhyay et al., 2012). Ce premier ensemble de données indique que l’IL-17 ne serait pas primordiale dans le contrôle de la colonisation par SFB, mais serait plutôt une conséquence de la colonisation par SFB, commensale connue pour sa forte capacité à stimuler la réponse Th17.

Néanmoins, plusieurs études viennent étayer un rôle de cette interleukine dans le contrôle de certaines communautés bactériennes au sein de l’intestin, contredisant les conclusions des études évoquées ci-dessus. L’analyse des ARNr 16s des différentes communautés microbiennes au sein du contenu iléal et des fèces de souris ayant une voie de signalisation IL-17 altérée ne montrent

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pas de modifications flagrantes au sein des diverses communautés. Cependant, l’analyse suggère une prédominance de la SFB chez ces souris (Kumar et al., 2016). De même, l’injection d’un anticorps bloquant le récepteur à l’IL-17A ou l’IL-17A elle-même entraîne une augmentation de la colonisation par SFB (Kumar et al., 2016) (Flanningan et al., 2016). Ces résultats impliquent l’IL-17 et son récepteur comme des éléments clés dans le contrôle de la colonisation par SFB. Notamment, bien que l’Il-17 soit produite par plusieurs types cellulaires (Takatori et al., 2009) (Harrington et al., 2005), il semblerait que ce soit l’IL-17 provenant des lymphocytes T qui soit prépondérante dans le contrôle de la colonisation par SFB. En effet, l’étude de la quantité de SFB dans l’iléon terminal de souris Tcrb-/- dépourvues de lymphocytes a permis de mettre en évidence

un plus fort niveau de SFB chez ces souris Tcrb-/- comparativement aux souris contrôles. Il est aussi suggéré que la présence du récepteur à l’IL-17 soit essentiellement requis au niveau de l’épithélium, puisque des souris ayant une délétion spécifique de ce récepteur dans l’épithélium présentent une surabondance de SFB dans les fèces, comparativement aux contrôles (Kumar et

al., 2016) (Figure 35).

Figure 35: Analyse par microscopie électronique à balayage de l'abondance de SFB dans l'iléon de souris déficientes pour la voie de signalisation dépendante de l'IL-17 dans l'épithélium (à droite) ou non (à gauche) (Kumar et al., 2016)

Il existe, à ce jour, plusieurs mécanismes décrit pour expliquer le rôle de l’IL-17 dans le contrôle de la colonisation par SFB. D’une part, il semblerait que la voie de signalisation médiée par l’IL- 17 participe à l’induction des α-défensines, de Nox1, enzyme engendrant la formation d'espèces

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réactives de l’oxygène et impliquée dans la défense de l’hôte et de pIgR (Kumar et al., 2016). Plus spécifiquement, il semblerait que la défensine soit un élément important dans le contrôle de la SFB chez ces souris, puisque l’administration dans la lumière intestinale de la défensine Defcr25 entraîne une diminution du niveau de SFB corrélée à une diminution de la réponse IL- 17.

Plus récemment, il a été suggéré un autre mécanisme impliquant l'IL-17 de manière indirecte dans le contrôle de la colonisation par SFB. En effet, l'étude de Flannigan et al. suggère que l’IL- 17 exercerait un effet chimiotactique sur les neutrophiles qui pourraient alors contrôler la colonisation par SFB. En effet, les auteurs observent que la colonisation de souris dépourvues de SFB par un microbiote contenant de la SFB induit un recrutement des neutrophiles au niveau de l'iléon, et que ce recrutement est corrélé à l'augmentation de l'ARNm codant pour l'IL-17. Confirmant l'implication de l'IL-17 dans le recrutement des neutrophiles, l'administration d'un anticorps anti-IL17A abolit complètement l'influx des neutrophiles au niveau de l'intestin grêle. Dans la même étude, l'utilisation d'un anticorps déplétant les neutrophiles induit une surcolonisation par SFB, corrélé à une diminution de l'expression d'IL-22 suggérant alors que les neutrophiles, une fois recrutés au niveau de l'intestin grâce à l'IL-17A, pourraient permettre de contrôler le niveau de colonisation par SFB via leur sécrétion d'IL-22.

L'hypothèse proposée pour expliquer ce phénomène d'attraction au niveau de l'intestin serait l'induction de chimiokines promouvant le recrutement des neutrophiles, en parallèle de l'IL-17A. En effet, en parallèle de l'augmentation de l'expression de l'ARNm codant pour l'IL17, les auteurs ont aussi observé une augmentation de l'expression des ARNm codant pour CXCL1 et CXCL2, dont l'expression est prévenue par l'injection de l'anticorps bloquant l'IL-17A. Ce défaut d'expression de Cxcl1et Cxcl2 chez les souris injectées par l'anticorps pourrait alors expliquer le défaut de recrutement des neutrophiles (Flanningan et al., 2016).

Un troisième mécanisme d’action de l’IL-17 a été mis en évidence, cette fois-ci en périphérie de l’intestin. En effet, en l'absence d’IL-22 provoquant alors la rupture de la ségrégation hôte- microbiote, les souris présentent une splénomégalie associée à une plus forte réponse IL-17. L’administration d’antibiotiques supprime la splénomégalie et l’amplitude de la réponse IL-17 observée chez les souris Il22-/- devient alors comparable à celle des souris contrôles. Dans cette étude, l’IL-17 induite en périphérie aurait pour rôle de contrer l’évasion de commensaux depuis le compartiment intestinal (Shih et al., 2014).

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