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De la séparation d’États

Section I Le régime de la Convention de 1978

3. De la séparation d’États

Enfin, dans les cas de séparation d’États (articles 34-37 de la Convention de 1978) les traités conclus à l’égard de l’ensemble du territoire restent en vigueur à vis-à- vis de chacun des États successeurs ainsi formés et aussi de l’État prédécesseur s’il continue d’exister. En outre, les traités relatifs à une partie du territoire de l’État originaire (traités localisés) ne restent en vigueur qu’à l’égard de celle-ci93.

L’article 34 réglemente la situation d’un nouvel État, issu d’une désintégration partielle ou totale d’un État préexistant, par rapport aux traités bilatéraux ou multilatéraux auxquels l’État prédécesseur était partie à la date de la succession d’États. Les nouveaux États visés dans ce cas précis sont ceux s’établissant sur une ou plusieurs parties du territoire de l’État prédécesseur et ne concerne donc pas les nouveaux États issus d’un processus de décolonisation, auxquels s’appliquent les dispositions de la partie II de la Convention. Ainsi, la notion de « séparation de parties du territoire d’un État » englobe toutes sortes de situations que l’on désigne dans la littérature, selon les circonstances, comme sécession, dissolution, division ou démembrement d’État94.

Le fondement de la disposition de l’article 34 est le principe de continuité de plein droit des traités, c’est-à-dire de leur maintien en vigueur dans les relations entre l’État successeur et le ou les autres États parties à ces traités. La substitution de l’État successeur à l’État prédécesseur dans la relation conventionnelle n’a donc lieu qu’à l’égard du territoire de l’État successeur et dans les limites de l’application territoriale de chacun de ces traités. Cependant, le principe de continuité des traités fait l’objet d’exceptions, dont l’énumération exhaustive figure au paragraphe 295.

Il s’agit premièrement de l’alinéa a qui traite des situations où les États intéressés, c’est-à-dire l’État successeur et le ou les autres États parties au traité, conviennent autrement que ce qui est prévu dans les dispositions du paragraphe 1er de cet

93 Pazartzis, supra note 30 aux pp 26-28.

94 Vaclav Mikulka, « Commentaire article 34 de la Convention de 1978 », dans Giovanni Distefano,

Gloria Gaggioli et Aymeric Hêche (dir), La Convention de Vienne de 1978 sur la succession d’États

en matière de traités. Commentaire article par article et études thématiques, vol 2, Bruxelles,

Bruylant, 2016, 1153 à la p 1155 [Mikulka].

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article et décident d’exclure le maintien en vigueur du traité dans les relations entre eux. Cette exception se lit comme une ouverture à la liberté contractuelle des États concernés qui peuvent, par accord, déroger à la règle de base96.

Deuxièmement, l’alinéa b traite d’une exception répandue en droit des traités. Il s’agit de la soustraction de la continuité automatique des traités aux situations où l’application du traité à l’égard de l’État successeur serait incompatible avec l’objet et le but du traité ou changerait radicalement les conditions d’exécution du traité. Il exclut le maintien en vigueur des traités qui, dans la nouvelle situation créée par l’évènement successoral, ont perdu leur raison d’être ou se trouveraient dans les conditions radicalement différentes concernant leur application97.

Globalement, l’article 34 est favorable à la stabilité des relations conventionnelles entre les États face aux perturbations résultant des désintégrations d’États98.

Son champ d’application couvre aussi bien les traités multilatéraux que bilatéraux, sans égard à leurs objets ou à la nature du traité (politique, réel, dispositif, traité- contrat, etc.). Il concerne les traités qui, à la date de la succession d’États, étaient en vigueur pour l’État prédécesseur, indépendamment du fait que ces traités s’étendaient sur l’ensemble de son territoire ou sur une partie dudit territoire seulement. Aussi, il s’étend aux traités qui, à la date de la succession d’États, étaient pleinement appliqués ainsi que ceux dont l’application entre l’État prédécesseur et le ou les États parties était éventuellement suspendue à cette date99.

Quant à la nature coutumière de cette règle, elle est encore discutée. Le caractère coutumier du principe de la succession universelle en cas de démembrement ou de séparation est à nuancer selon le type de succession d’États. En effet, la tendance manifeste à l’époque des États à une application continue des traités de l’État prédécesseur pouvait laisser croire à une pratique coutumière en matière de démembrement. Cependant, le caractère plutôt sporadique de la pratique étatique ne permettait pas de conclure avec certitude que la structure des règles codifiées

96Ibid aux pp 1179-1180. 97 Ibid à la p 1180. 98 Ibid à la p 1154. 99 Ibid à la p 1179.

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reflète le droit international coutumier préexistant même si elle s’en approche100.

La pratique étatique oscillait entre application de la table rase et la continuité ipso jure101 qui semblait prendre le pas à l’époque.

En tout état de cause, la CDI a conclu que « bien que l’on puisse relever quelques divergences dans la pratique des États, cette pratique était assez uniforme pour justifier la formulation d’une règle qui disposerait, avec les réserves nécessaires, que les traités en vigueur à la date de la dissolution devraient rester en vigueur

ipso jure à l’égard de chacun des États issus de la dissolution »102.

A contrario, l’article 34 de la Convention de 1978 relevait clairement d’une tentative de développement du droit international de la succession d’États en matière de traités car il symbolisait une rupture claire et nette d’avec le droit international coutumier préexistant en ce qui concerne la séparation103. Cet article confirmait

une règle bien ancrée pour les cas de démembrement contrairement à ce qui prévalait dans les cas de séparation104.

L’article 35 retient le principe de continuité des traités en cas de séparation d’une partie du territoire d’un État. Cette disposition codifie une règle de droit international coutumier en vigueur105.

La continuité ipso jure ici a pour effet de stabiliser les relations conventionnelles et se justifie par le principe pacta sunt servanda. La division ne saurait donc justifier une quelconque volonté des États de se libérer des traités106.

En outre,

il apparaît […] dans l’ensemble, que la pratique étatique s’oriente vers l’application du modèle de la succession automatique lorsqu’il y a séparation, application qui semble particulièrement solide et cohérente en cas de dissolution complète d’un État. Compte tenu, cependant, de la pratique analysée, il semble encore trop ambitieux de prétendre que

100 Zimmermann, supra note 77 à la p 1558. 101 Yasseen, supra note 75 à la p 101.

102 CDI, « Rapport de la Commission à l’Assemblée Générale », Doc A/9610/Rev.1, Annuaire de la

commission du droit international 1974, vol 2, partie 1, New York, NU, 1974 à la p 276. Voir aussi,

Yasseen supra note 75 à la p 101.

103 Zimmermann, supra note 77 à la p 1559. 104 Ibid.

105 Affaire relative à Application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les

formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie), Ordonnance du 15 octobre

2008, [2008] CIJ Rec 2008, aux §§ 87 et ss.

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cette manière de procéder ait d’ores et déjà évolué en une règle stable de droit international coutumier107.

Après ce tour d’horizon du régime promu par le droit conventionnel sur la succession d’États en matière de traités, il s’avère nécessaire d’avoir une vision critique de ce droit à la lumière de la pratique étatique.

Section II Les leçons de la pratique ultérieure à la Convention de