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Le fait internationalement illicite postérieur à la succession d’États

Section III L’interface succession d’États en matière de traités d’investissement et succession d’États en

2. Le fait internationalement illicite postérieur à la succession d’États

La commission d’un fait internationalement illicite après la date de succession d’États implique la violation par l’État successeur d’une obligation internationale émanant d’un traité d’investissement en vigueur.

L’architecture des traités d’investissement fait intervenir un autre type de protection pour les investisseurs en prévoyant le règlement d’un litige entre les États eux- mêmes, lequel litige pourrait survenir du non-respect par l’un d’eux des engagements qu'il a pris vis-à-vis des investisseurs340. Il s’agirait par exemple du

refus d'arbitrage ou d’exécution d’une sentence arbitrale. Ces types de différends sont soumis selon la plupart des traités à un tribunal d'arbitrage et ce à la demande de l'une des parties.

L'article 27 (1)341 de la convention CIRDI dispose en principe qu'un État

contractant ne peut exercer sa protection diplomatique à l'égard d'un de ses nationaux ou formuler aucune revendication internationale au sujet d'un différend entre celui-ci et un autre État contractant. L’activation des procédures classiques de règlement des différends entre États n’interviendrait que lorsque l’État ne se conforme pas à la sentence rendue à l'occasion du différend avec l'investisseur. Cette hypothèse sera donc un retour au mécanisme traditionnel de la mise en jeu de la responsabilité internationale tel que déclinée dans les articles de la CDI sur la responsabilité de l'État.

340 Leben, responsabilité, supra note 307 à la p 688.

341 «Aucun État contractant n’accorde la protection diplomatique ou ne formule de revendication

internationale au sujet d’un différend que l’un de ses ressortissants et un autre Etat contractant ont consenti à soumettre ou ont soumis à l’arbitrage dans le cadre de la présente Convention, sauf si l’autre Etat contractant ne se conforme pas à la sentence rendue à l’occasion du différend »

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L’articulation entre responsabilité sur le fondement d'un traité d’investissement et responsabilité découlant de l'exercice de la protection diplomatique s’opère ainsi qu’il suit. S'agissant de la mise en œuvre de la protection diplomatique, c’est l'État qui prend fait et cause pour son national342. Seulement, cette défense n’est pas

pour le national mais son propre droit car la protection diplomatique lui est reconnu afin qu’il puisse assurer le respect des règles internationales s’appliquant au traitement des étrangers que l'État d'accueil aurait violé vis-à-vis d'un de ses nationaux. Il va s’en suivre une mise en jeu de la responsabilité de ce dernier par l'État national de l'investisseur343.

Quant aux règles applicables à l’action qui sera portée devant le tribunal arbitral, puisque c’est une action de l'État au regard des règles établies dans le traité de protection qui est mise en cause, c’est alors des règles de droit international qui gouverneront la procédure. Autrement dit, c'est bien de la responsabilité internationale de l'État d'accueil dont il sera question devant le tribunal arbitral, responsabilité du fait des traités d’investissement et également responsabilité sur le fondement des règles coutumières de la responsabilité en droit international public344.

Au vu de ce qui précède, on peut affirmer qu'un traité international puisse créer un système spécifique de responsabilité internationale, aussi bien concernant les règles primaires telles que les obligations substantielles souscrites par les parties dont la violation entraîne la responsabilité des États, que concernant les règles secondaires de la mise en jeu de la responsabilité de État345. Ceci est valable pour

les traités qui ont cette particularité de prévoir des modes de résolution des conflits mais aussi des conséquences spécifiques à tirer de la violation reconnue de leurs obligations par les parties. Cette description correspond parfaitement aux traités d’investissement qui sont particuliers par leur caractère hybride ; hybride en ce sens qu’ils sont conclus entre États avec le droit de saisine d’une juridiction

342 Leben, responsabilité, supra note 307 à la p 689.

343 Affaires des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grèce c Grande-Bretagne) (1924), CPJI

(sér A) n°2 à la p 12 [Concessions Mavrommatis]; Leben, responsabilité, supra note 307 à la 689; Verhoeven, supra note 26 à la p 634.

344 Leben, responsabilité, supra note 307 à la p 691. 345 Ibid à la p 694.

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arbitrale qui est reconnu aux individus. Une telle hypothèse est l’objet de l'article 33 § 2 des articles de la CDI sur la responsabilité de l'État qui prévoit que « la présente partie [la deuxième] est sans préjudice de tout droit que la responsabilité internationale de l'État peut faire naître directement au profit d'une personne ou d'une entité autre qu'un État ».

En outre, on parvient tant bien que mal à accorder une place au droit de la responsabilité internationale dans le droit international des investissements. Cette responsabilité se fonde sur les traités d’investissement en tant que source du droit international et pourrait intéresser l’État successeur dans certaines circonstances. En effet, lorsque le fait internationalement illicite intervient après la date de succession, la responsabilité internationale de l’État successeur pourrait être engagée au cas où il y a identité entre États successeur et continuateur c’est-à- dire que l’État successeur est celui en qui a été reconnu comme celui qui continue d’assumer la responsabilité internationale des relations internationales de l’État prédécesseur. L’exemple type ici concerne la Russie qui a été l’État continuateur de l’URSS. Ensuite, s’interroger sur les règles applicables à la clause de survie qu’on verra dans le chapitre suivant, permet de faire une projection sur l’importance que pourrait avoir la responsabilité de l’État dans la présente problématique. En effet, la clause de survie ratisse plus large et englobe en plus de la clause d’arbitrage une protection matérielle dont la violation serait la porte d’entrée du droit de la responsabilité dans la succession d’États en matière de traités d’investissement. L’enjeu sera dans l’applicabilité du traité d’investissement comme on l’a vu au début de ce chapitre. Un angle qui pourrait permettre de conclure à l’applicabilité du traité d’investissement et d’engager la responsabilité internationale de l’État successeur serait de savoir s’il bénéficiait d’une certaine autonomie lui permettant de conclure des traités dans sa situation antérieure comme l’Ukraine et la Biélorussie autrefois au sein de l’URSS. On pourrait rechercher dans l’existence d’accords de dévolution ou le comportement de l’État à travers les actes qu’il a posé ou ses intentions vis-à-vis des traités sa volonté d’assumer les obligations résultantes de la situation.

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En outre, contrairement au fait internationalement illicite intervenant avant la succession qui a peu d’intérêt dans la problématique traitée par ce mémoire, le fait qui intervient après est intéressant mais la question capitale serait encore celle de l’applicabilité du traité.

Conclusion partielle

Un rapide coup d’œil sur ce qui précède permet de saisir toute la complexité qui peut entourer le régime des traités d’investissement en cas de succession d’États et cette complexité va des solutions jusqu’à embrasser la question de la responsabilité internationale de l’État notamment dans l’appréciation des règles applicables à la clause de survie. Cette analyse laborieuse permet d’une part de définir les règles applicables aux différentes clauses et d’autre de mieux comprendre les différentes approches devant les tribunaux arbitraux mais aussi et surtout de les analyser sous plusieurs angles.

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Chapitre 4 : Règles applicables aux clauses