• Aucun résultat trouvé

Le consentement antérieur et la succession d’États en matière de traités

Section II analyse critique de la pratique arbitrale relative à la succession d’États en matière de traités

1. Le consentement antérieur et la succession d’États en matière de traités

C’est le consentement qui intervient avant l’introduction de l’instance. Il est basé sur un accord entre les parties au différend et se manifeste de plusieurs manières dont principalement le compromis d’arbitrage et la clause compromissoire.

Le compromis d’arbitrage est un accord qui exprime formellement le consentement des différentes parties au différend à la compétence d’un tribunal. Il intervient alors que le différend est déjà né. Le compromis doit contenir la définition de l'objet du différend, l'expression formelle du consentement, et les demandes posées au tribunal. Sur la base d’un compromis en principe, la juridiction définie peut être saisie de façon conjointe par notification du compromis, ou par le dépôt d'une requête unilatérale prise sur la base du compromis367. L’intérêt d’une telle option

c’est que les parties sont presque sûres d'arriver rapidement à une solution juridique, car il repose sur leur accord : aucune exception préliminaire ou presque ne sera soulevée. En plus les parties ne sont pas dans des positions totalement antagonistes (pas de défendeur ni de demandeur) et déposent simultanément les mémoires et contre-mémoires. Elles déterminent la mission qu'elles souhaitent confier à la juridiction, qui sera liée par la convention. Le compromis peut aussi nécessiter une interprétation s'il est trop laconique et c’est notamment ce qu’avait

366 Carélie Orientale, supra note 275 à la p 15.

367 Affaire du Plateau continental de la Mer du Nord (République fédérale d’Allemagne c Pays Bas),

107

fait la CIJ en demandant à la Libye et au Tchad de préciser leurs conclusions dans l'affaire du différend territorial qui les opposait368. On peut supposer que ces

considérations largement tenues dans le règlement judiciaire des différends internationaux puissent s’appliquer dans l’arbitrage d’investissement. Toutefois, cette possibilité semble être d’un faible intérêt pour la succession d’États en matière de traités d’investissement car jusqu’à ce stade les cas rencontrés ne font aucunement mention d’un compromis.

Ensuite, il y a la clause compromissoire qui est une disposition conventionnelle qui permet de soumettre de manière unilatérale certains différends à la connaissance de certains mécanismes de règlement juridictionnel comme l’arbitrage. Elle doit avoir une formulation claire car toute ambiguïté à ce niveau pourrait servir à contester la compétence d’un tribunal arbitral ou d’invalider la suite de la procédure arbitrale369. Elle est intimément liée au traité en question et sa vigueur va de pair

avec elle. L’application du principe de l’intransmissibilité des traités personnels la rend caduque. C’est ici que l’on peut bien apprécier l’interprétation dynamique qui a été faite par les arbitres dans l’affaire Saluka investments B.V précitée. En effet, c’est au fait de la situation que ceux-ci, malgré la non-contestation de la République tchèque, ont jugé bon de s’assurer que l’instrument en l’occurrence le TBI Pays Bas – Tchécoslovaquie était toujours en vigueur. Cette prudence du tribunal a très certainement été due à la succession d’États qu’il y a eu entre temps. Ayant constaté dans son examen sur l’applicabilité du TBI en question, le tribunal s’est rendu compte d’une manifestation non équivoque par la République tchèque de continuer ce traité d’une part et d’autre part, il a pu constater que le gouvernement du Royaume de Pays Bas n’avait manifesté en aucun moment quelques signes de désapprobation à la volonté du gouvernement tchèque. C’est alors qu’il a conclu à la vigueur du traité et donc admis sa compétence. Suivant la logique du tribunal, on peut a priori soutenir que s’il n’y avait pas de manifestation ferme de la part du gouvernement tchèque symbolisée par la lettre transmise au gouvernement des Pays-Bas ou qu’il contestait que le TBI visé soit en vigueur, le

368 Daillier, Forteau et Pellet, supra note 14 à la p 896. 369 Côté, OMC, supra note 308 à la p 246.

108

tribunal allait décliner sa compétence. Une telle décision reviendrait à dire que la nature du traité ne permettait pas qu’il puisse survivre à une succession d’États. On est plus confiant en cela que si ce n’était pas le cas il n’aurait pas à vérifier la validité du traité car une simple application de la Convention de 1978 en ses articles 31 et suivants le permettait de considérer que le traité est en vigueur puisqu’on est en présence d’une succession d’États par démembrement. Si preuve il en faut encore c’est ici un désaveu de plus vis-à-vis de la Convention de 1978. La compétence des arbitres pour connaître d’un différend lié aux investissements dépend en somme de la volonté manifeste des États dans les traités d’investissement. Cette volonté ne souffre pas d’exception en cas de succession d’États. Au contraire, elle devient complexe. On comprend mieux l’intérêt à la saisine d’un tribunal arbitral d’une base juridiquement valable et la validité de la convention d’arbitrage dépendra de l’applicabilité du traité d’investissement. Toutefois, il arrive dans la pratique que l’expression du consentement des États se fasse après le dépôt de la requête par l’autre partie. C’est ce qui justifie qu’en plus du consentement antérieur à l’instance arbitrale, il y a celui qui lui est postérieur et ce type de consentement pourrait jouer un rôle déterminant dans le traitement de la problématique abordée par ce mémoire.

2. Le consentement postérieur à l’instance arbitrale dans la