• Aucun résultat trouvé

Sénat

Dans le document Décision n° 2016-744 DC (Page 22-27)

A. Première lecture

2. Sénat

a. Rapport général n° 140 de M. Albéric de Montgolfier fait au nom de la commission des finances du Sénat déposé le 24 novembre 2016

- Article 4

(Art. 885 V bis du code général des impôts) - Mécanisme anti-abus visant à lutter contre certains détournements du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF)

Commentaire : le présent article prévoit d'introduire une clause anti-abus spécifique visant à lutter contre certains détournements du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN MÉCANISME DE PLAFONNEMENT DE L'IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

L'article 885 V bis du code général des impôts prévoit un mécanisme de plafonnement de l'ISF, dont le coût s'élève à 1,077 milliard d'euros pour l'année 2015.

L'existence d'un tel mécanisme est désormais une exigence constitutionnelle, compte tenu du barème actuel de l'ISF. Saisi d'une disposition établissant une contribution exceptionnelle s'ajoutant à l'ISF dû pour l'année 2012, le juge constitutionnel a en effet considéré que « le législateur ne saurait établir un barème de l'impôt sur la fortune tel que celui qui était en vigueur avant l'année 2012 sans l'assortir d'un dispositif de plafonnement ou produisant des effets équivalents destinés à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques »53(*). Aussi, concomitamment à la mise en place d'un barème de l'ISF « quasiment identique »54(*) à celui antérieur à la réforme de 2011, la loi de finances pour 2013 a rétabli un mécanisme de plafonnement de l'ISF55(*).

En application de l'article 885 V bis du CGI, le cumul de l'ISF et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente est ainsi plafonné à 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels, tout excédent éventuel venant en diminution de l'ISF.

Comme le rappelle la doctrine administrative56(*), les principaux impôts pris en compte sont : - l'ISF, après imputation des réductions d'impôts ;

- l'impôt sur le revenu, après application du plafonnement des effets du quotient familial, de la décote et des réductions et crédits d'impôt « non représentatifs d'une imposition acquittée à l'étranger » ;

- la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ;

- les prélèvements libératoires de l'impôt sur le revenu et assimilés ; - les prélèvements sociaux.

Contrairement à ce qui était prévu dans le cadre du « bouclier fiscal », la taxe d'habitation et les taxes foncières afférentes à l'habitation principale sont exclues du mécanisme de plafonnement.

S'agissant des revenus, sont retenus :

- les revenus nets de frais professionnels de l'année précédente « après déduction des seuls déficits catégoriels imputables en application de l'article 156 du CGI » ;

- les plus-values de l'année précédente déterminées « sans considération des seuils, exonérations, réductions et abattements » ;

- les revenus exonérés d'impôt sur le revenu réalisés au cours de la même année en France ou hors de France ; - les produits de l'année précédant celle de l'imposition à l'ISF soumis à un prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu.

B. UNE PROCÉDURE D'ABUS DE DROIT D'APPLICATION GÉNÉRALE PERMET DÉJÀ DE LUTTER CONTRE CERTAINS MONTAGES VISANT À RÉDUIRE INDÛMENT L'IMPÔT SUR LA FORTUNE

Afin de faire obstacle à certains montages visant à réduire indûment l'ISF, l'administration fiscale peut mettre en oeuvre la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF) et applicable à tous les impôts lorsque la situation constitutive de l'abus porte sur son assiette.

Deux critères alternatifs existent pour caractériser un abus de droit.

Premièrement, le caractère fictif de l'acte, constitué « par la différence objective existant entre l'apparence juridique créée par l'acte en cause et la réalité, en particulier économique, sous-jacente à cet acte »57(*).

21

Deuxièmement, la motivation exclusivement fiscale de l'acte, par application littérale de textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs. Dans ce cas, le Conseil d'État « compare l'avantage économique et l'avantage fiscal retirés respectivement par le contribuable de l'opération critiquée » : si l'avantage fiscal est « prépondérant » par rapport à l'avantage économique, il considère que le contribuable « a été inspiré par un motif exclusivement fiscal »58(*). Dans la célèbre affaire relative au schéma d'optimisation dit « coquillard », le Conseil d'État a ainsi jugé que l'opération litigieuse avait été inspirée par un but exclusivement fiscal tout en admettant qu'elle avait procuré à l'entreprise un avantage de trésorerie

« minime »59(*).

Tout acte répondant à l'un de ces deux critères peut donc être écarté par l'administration fiscale dans le cadre d'une procédure d'abus de droit. En application des articles 1727 et 1729 du CGI, le contribuable est alors passible, en sus du rétablissement de l'impôt normalement dû, d'une majoration de 80 %60(*) et du paiement d'intérêts de retard61(*).

Toutefois, le Gouvernement indique dans l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de finances que la procédure d'abus de droit « est très complexe à mettre en oeuvre et n'a jamais été utilisée à ce jour » pour remettre en cause les schémas contre lesquels le dispositif proposé au présent article entend lutter.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA MISE EN PLACE D'UNE CLAUSE ANTI-ABUS SPÉCIFIQUE

Le présent article vise à introduire au I de l'article 885 V bis du CGI une clause d'abus de droit spécifique.

Aux termes du deuxième alinéa du présent article, pourraient désormais être réintégrés dans le calcul du plafonnement les « revenus distribués à une société passible de l'impôt sur les sociétés contrôlée par le redevable » lorsque « l'existence de cette société et le choix d'y recourir ont pour objet principal d'éluder tout ou partie de l'impôt de solidarité sur la fortune, en bénéficiant d'un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité » du mécanisme de plafonnement.

La deuxième phrase du deuxième alinéa précise que seule serait réintégrée la part des revenus distribués

« correspondant à une diminution artificielle des revenus ».

B. UN TRAITEMENT DES LITIGES ALIGNÉ SUR LA PROCÉDURE D'ABUS DE DROIT CLASSIQUE En cas de désaccord sur les rectifications notifiées, le dernier alinéa du présent article propose que le litige soit soumis à la procédure prévue pour l'abus de droit aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L.

64 du LPF.

Dans ce cadre, le contribuable et l'administration pourraient ainsi soumettre le litige à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. La charge de la preuve incomberait alors au contribuable en cas d'avis favorable du comité.

C. UN RENDEMENT ESPÉRÉ DE 50 MILLIONS D'EUROS

D'après l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi, l'impact budgétaire du dispositif est estimé à 50 millions d'euros dès 2017.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'initiative de notre collègue Gilles Carrez, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement de la commission des finances en application duquel le Gouvernement serait tenu de remettre chaque année, avant le dépôt du projet de loi de finances, un rapport détaillant, en fonction de leur répartition par tranche de patrimoine imposable et par décile de revenu fiscal de référence :

« - le nombre de contribuables ayant bénéficié du calcul prévu au I de l'article 885 V bis du code général des impôts ; »

« - le montant du plafonnement correspondant ; »

« - la cotisation moyenne d'impôt de solidarité sur la fortune des foyers plafonnés ; »

« - le montant moyen restitué au titre du plafonnement. »

IV. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR GÉNÉRAL

A. UN DISPOSITIF VISANT À CONTOURNER LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

1. Un dispositif visant à contourner l'exclusion des bénéfices distribuables du plafonnement de l'ISF

Introduit pour la première fois dans notre droit par la loi de finances pour 198962(*) afin de « protéger les personnes âgées propriétaires d'une résidence principale dont la valeur vénale s'est fortement valorisée mais ne disposant pas, pour autant, de revenus importants »63(*), le plafonnement de l'ISF a dès l'origine conduit à des stratégies d'optimisation visant à limiter les revenus pris en compte.

22

Partant du constat que « le fait que les redevables les plus fortunés soient aussi ceux qui bénéficient le plus du mécanisme du plafonnement constitue une sorte d'anomalie fiscale »64(*), un mécanisme de

« plafonnement du plafonnement » a alors été institué par la loi de finances pour 199665(*) afin de limiter l'allègement qui résulte du plafonnement à 50 % de l'ISF normalement dû pour les patrimoines les plus importants66(*).

Dans le cadre de la refonte de l'ISF prévue par l'article 13 de la loi de finances pour 2013, le mécanisme de

« plafonnement du plafonnement », supprimé en 2011, n'a pas été rétabli.

En effet, afin de limiter les détournements du plafonnement, l'article 13 précité proposait une autre solution consistant à assimiler à des revenus :

- le bénéfice distribuable pour les porteurs de parts ou d'actions d'une société passible de l'impôt sur les sociétés lorsque la société a été contrôlée par le redevable à un moment quelconque au cours des cinq dernières années ; - les produits capitalisés dans les trusts à l'étranger ;

- les plus-values ou les gains ayant donné lieu à sursis ou à un report d'imposition ; - les intérêts des plans d'épargne logement ;

- la variation de la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation, des contrats d'assurance-vie, ainsi que des instruments financiers de toute nature visant à capitaliser des revenus.

Toutefois, dans sa décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a estimé que cette extension des revenus pris en compte au titre du calcul du plafonnement de l'ISF méconnaissait l'exigence de prise en compte des facultés contributives en intégrant des « sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année »67(*).

Aussi, les sommes en attente au sein de sociétés holdings contrôlées par le redevable demeurent à ce jour exclues des revenus pris en compte dans le calcul du plafonnement.

En l'absence de rétablissement du « plafonnement du plafonnement », la technique dite de

« l'encapsulage » des dividendes68(*), qui repose sur l'interposition de sociétés au niveau desquelles les revenus sont capitalisés, peut ainsi permettre d'alléger sans limite l'ISF.

Dans le cadre de cette stratégie, le train de vie du contribuable est alors le plus souvent assuré par :

- le recours à l'emprunt - comme le relève l'exposé des motifs du présent article, les banques acceptent d'ouvrir des lignes de crédit garanties sur les actifs imposables à l'ISF ;

- le versement par la holding d'un montant limité de dividendes ; - l'épargne accumulée.

En proposant de réintégrer les « revenus distribués à une société passible de l'impôt sur les sociétés contrôlée par le redevable » lorsque le montage présente un objectif principalement fiscal, le présent article vise donc à contourner la décision du Conseil constitutionnel de 2012, qui avait censuré la prise en compte du bénéfice distribuable des sociétés contrôlées par le redevable.

La publication le 8 juin dernier par le Canard enchaîné du « palmarès secret des artistes du bouclier fiscal »69(*) n'est sans doute pas étrangère à cette proposition.

2. Un dispositif visant à contourner la censure de l'extension de la définition des actes constitutifs d'un abus de droit

Outre la décision de 2012 précitée, le dispositif proposé au présent article vise également à contourner la décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, par laquelle le juge constitutionnel a censuré l'extension de la définition de l'abus de droit aux actes ayant pour « motif principal » d'éluder ou d'atténuer l'impôt sur trois fondements :

- le principe de légalité des délits et des peines, qui impose au législateur de fixer le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;

- l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire ;

- l'article 34 de la Constitution, qui impose au législateur d'exercer pleinement sa compétence.

En l'espèce, le juge constitutionnel a considéré que la modification de la définition de l'acte constitutif d'un abus de droit avait pour effet de conférer une importante marge d'appréciation à l'administration fiscale, alors même que la procédure de l'abus de droit, d'application générale, est assortie du paiement d'intérêts de retard et d'une majoration importante. Ainsi, « c'est tout à la fois les insuffisances de la rédaction qui aboutissent à donner une importante marge d'appréciation à l'administration et les conséquences sur le plan pécuniaire d'une insuffisante définition de l'acte constitutif de l'abus de droit » que le juge constitutionnel a censurées70(*).

23

En proposant d'introduire une clause anti-abus spécifique visant les montages ayant « pour objet principal » d'éluder l'ISF, tout en l'assortissant des garanties propres à la procédure d'abus de droit classique - y compris la saisine du comité de l'abus de droit fiscal -, le présent article vise donc clairement à contourner cette décision.

Il est vrai que le Gouvernement peut s'appuyer pour justifier sa tentative sur la décision n° 2015-726 DC du 29 décembre 2015, par laquelle le juge constitutionnel a validé la transposition quasi-littérale, en droit interne, de la clause anti-abus prévue par la nouvelle directive mères-filles, adoptée en 201571(*).

La rédaction proposée au présent article n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle de la clause précitée, en application de laquelle l'exonération de retenue à la source ne saurait désormais s'appliquer « aux dividendes distribués dans le cadre d'un montage ou d'une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d'objectif principal ou au titre d'un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité de ces mêmes dispositions, n'est pas authentique compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents ».

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a tout d'abord refusé de contrôler la conformité des dispositions contestées au principe de légalité des délits et des peines, dans la mesure où il s'agit d'une simple règle d'assiette n'emportant aucune sanction.

Il peut être noté que cet aspect de la décision a été critiqué par plusieurs commentateurs, dans la mesure où l'existence d'un montage « non authentique » semble induire une manoeuvre créant les apparences destinées à égarer l'administration, ce qui devrait donc systématiquement conduire à l'application de la pénalité de 80 % pour

« manoeuvres frauduleuses » prévue à l'article 1729 du CGI72(*).

Interrogé sur ce point par votre rapporteur général, le Gouvernement a d'ailleurs admis à propos du dispositif proposé au présent article qu'il « serait logique que les rappels d'impôt effectués sur cette base se voient appliquer une majoration de 40 % pour manquement délibéré, voire de 80 % pour manoeuvre frauduleuse »73(*).

Si le dispositif proposé au présent article constitue également une règle d'assiette et ne devrait donc vraisemblablement pas être contrôlé au regard du principe de légalité des délits et des peines, votre rapporteur général estime néanmoins que sa constitutionnalité est loin d'être assurée.

Dans sa décision rendue en 2015, le Conseil constitutionnel a certes estimé que les dispositions contestées étaient suffisamment précises pour ne pas porter atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et à l'article 34 de la Constitution.

Toutefois, cette décision s'inscrivait dans un contexte très particulier : alors même que la clause anti-abus de la directive mères-filles ne s'applique, en droit de l'Union européenne, qu'aux seules situations transfrontalières, l'article 29 de la loi de finances rectificative pour 2015 transposant ladite clause proposait de la rendre également applicable aux situations purement nationales. Dès lors, le Conseil constitutionnel était confronté à une question inédite : « comment appliquer sa jurisprudence relative aux directives lorsque le législateur décide, de lui-même, d'appliquer le même traitement aux situations internes et à celles régies par le droit communautaire ? »74(*).

Comme l'ont relevé certains commentateurs, l'analyse compréhensive développée par le juge constitutionnel pourrait ainsi en partie être expliquée par « le souci d'éviter une situation délicate, voire inextricable : celle où une disposition qui, en tant qu'elle transpose une directive, serait conforme aux exigences de l'article 88-1 de la Constitution, mais inconstitutionnelle en tant qu'elle s'applique à une situation nationale »75(*).

Surtout, le dispositif proposé au présent article propose que le seul critère du motif « principalement fiscal » permette de caractériser un abus, alors que la clause issue de la nouvelle directive mères-filles validée par le juge constitutionnel imposait également l'existence d'un « montage non authentique » ne reflétant pas la réalité économique.

Ce point est décisif dans la mesure où ce deuxième critère présente un caractère objectif qui vient contrebalancer le caractère subjectif du premier, limitant ainsi la marge d'appréciation de l'administration.

En son absence, l'administration serait alors amenée à « sonder les reins et les coeurs »76(*) pour déterminer les motivations du contribuable - organisation de la succession, préparation d'une opération de rachat avec effet de levier, volonté d'éviter une situation d'indivision, etc. - et soupeser leurs poids respectifs.

L'absence de ce deuxième critère est d'autant plus problématique qu'il « ne fait aucun doute que le terme

`principal' relève de l'appréciation souveraine des juges de fond » : si le présent article était adopté, le juge de cassation ne devrait donc pas contrôler « l'appréciation des faits à laquelle les juges de fond se sont souverainement livrés », laissant ainsi craindre de « graves atteintes aux principes de sécurité juridique et d'égalité devant l'impôt », comme le relevait déjà en 2013 Olivier Fouquet, président de section honoraire au Conseil d'État, à propos des projets d'extension de la définition de l'abus de droit77(*).

Si la constitutionnalité de ce dispositif n'est donc pas assurée, son efficacité ne l'est pas davantage.

24

B. UN DISPOSITIF À L'EFFICACITÉ DOUTEUSE

Le recours à l'interposition de sociétés contrôlées par le redevable ne constitue que l'un des nombreux moyens permettant « d'encapsuler » des revenus afin de les « sortir » du calcul du plafonnement de l'ISF.

À cet égard, rappelons que tant le Conseil d'État78(*) que le Conseil constitutionnel considèrent que les produits des contrats d'assurance-vie multi-supports « ne peuvent, pris dans leurs deux compartiments, être regardés comme définitivement acquis même s'ils sont inscrits en compte, dans la mesure où ils peuvent être réinvestis à tout moment vers des supports en unités de compte dont la valeur fluctue »79(*).

De ce fait, le Conseil constitutionnel a censuré la prise en compte dans le calcul du plafonnement de l'ISF des produits des contrats d'assurance-vie multi-supports, adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 201480(*). L'absence de prise en compte de ces revenus latents permet dès lors la mise en place de stratégies d'optimisation particulièrement efficaces qui, dans la mesure où elles ne nécessitent pas le recours à des sociétés interposées, n'entrent pas dans le périmètre de la clause anti-abus proposée au présent article.

Exemple simplifié de stratégie d'optimisation reposant sur l'assurance-vie

Un contribuable dispose d'un patrimoine de 100 millions d'euros, dont 20 % est investi en immobilier d'usage. Le train de vie annuel à financer s'élève à un million d'euros.

Pour minimiser les revenus pris en compte au titre du plafonnement de l'ISF, le reste du patrimoine (80 millions d'euros) est investi en assurance-vie, sous la forme de 80 contrats multi-supports. Chaque année, le train de vie est financé par le rachat du contrat présentant la moins bonne performance financière.

Les revenus pris en compte dans le calcul du plafonnement de l'ISF sont alors nuls si le contrat racheté est en perte ou limités à la fraction du rachat correspondant à des bénéfices dans le cas contraire. Le mécanisme du plafonnement peut ainsi permettre de ramener l'ISF à un montant proche de zéro, quand bien même le patrimoine global du contribuable aurait fortement augmenté, compte tenu de la performance des autres contrats (non prise en compte dans le calcul du plafonnement en l'absence de rachat).

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : Philippe Baillot et Philippe Rochmann,

Source : commission des finances du Sénat (à partir de : Philippe Baillot et Philippe Rochmann,

Dans le document Décision n° 2016-744 DC (Page 22-27)

Documents relatifs