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Nouvelle lecture

Dans le document Décision n° 2016-744 DC (Page 28-32)

1.

Assemblée nationale

a. Rapport n° 4314 de Mme Rabault, fait au nom de la commission des finances TOME I, déposé le 14 décembre 2016

Le présent article prévoit un ajustement du dispositif de plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) à hauteur de 75 % des revenus du contribuable afin d’éviter certaines stratégies d’optimisation fiscale abusives.

Ces stratégies consistent à minorer artificiellement les revenus du redevable afin de limiter, par le biais du mécanisme de plafonnement, le montant d’ISF à acquitter.

Cette minoration consiste en particulier à capitaliser les revenus mobiliers du contribuable dans une société à visée principalement patrimoniale ; dans certains cas, le train de vie courant du contribuable est alors financé par un emprunt bancaire adossé à certains actifs comme l’assurance vie.

Afin d’éviter de telles stratégies, le présent article prévoit que les revenus distribués à une société contrôlée par le redevable sont réintégrés dans le calcul du plafonnement dès lors que cette société a pour objet principal d’éluder tout ou partie de l’ISF.

I. LE DROIT EN VIGUEUR

A. LES PLAFONNEMENTS DITS « ROCARD » ET « BÉRÉGOVOY »

Alors que la création d’un impôt sur les grandes fortunes date de la loi de finances pour 1982 (13), le premier dispositif de plafonnement, à l’origine destiné à atténuer les effets du barème, a été mis en œuvre par la loi de finances pour 1989 (14).

Celui-ci limitait le montant de l’ISF lorsque le montant cumulé de l’ISF et de l’impôt sur le revenu dépassait 70 % de l’ensemble des revenus (plafonnement dit « Rocard »).

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1989, le Gouvernement avait initialement proposé de fixer à 80 % la proportion de l’ensemble des revenus servant de référence pour le calcul du plafonnement, mais ce taux a été réduit à 70 % par l’adoption d’un amendement de la commission des finances – ce qui, en pratique, conduisait à augmenter l’avantage offert par ce plafonnement.

Concrètement, le dispositif prévoyait que le montant théorique de l’ISF à acquitter était réduit de la différence entre :

– le total de l’ISF de l’année en cours et des impôts dus en France et à l’étranger au titre des revenus et des produits de l’année précédente, calculés avant imputation de l’avoir fiscal, des crédits d’impôt (CI) et des retenues non libératoires ;

– et 70 % du total des revenus nets de frais professionnels soumis en France et à l’étranger à l’impôt sur le revenu (IR) au titre de l’année précédente et des produits à un prélèvement libératoire de cet impôt (PFL).

La loi de finances pour 1991 (15) a porté à 85 % le montant du plafonnement des impositions dues par rapport au revenu (plafonnement dit « Bérégovoy »), sans modifier aucun des autres termes du calcul.

Les impositions à prendre en compte au titre de ce plafonnement ont toutefois été étendues aux prélèvements sociaux. Cette doctrine a été officialisée par une instruction fiscale du 10 mai 1999.

B. LE PLAFONNEMENT DU PLAFONNEMENT DIT « JUPPÉ »

La loi de finances pour 1996 (16) a instauré un mécanisme de limitation du plafonnement (« plafonnement du plafonnement ») dit « Juppé », limitant pour les assujettis la réduction d’ISF résultant du plafonnement

« Bérégovoy ».

Ce plafonnement pouvait être calculé de deux manières différentes ; la réduction ne devait pas excéder : – 50 % du montant théorique d’ISF à acquitter ;

– ou, s’il était supérieur, le montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à 14,9 millions de francs.

Le mécanisme particulièrement complexe alors en vigueur comportait donc : – un plafonnement de l’ISF ;

– un plafonnement du plafonnement ;

– un mécanisme spécifique de plafonnement du plafonnement pour les très hauts patrimoines.

C. LA RÉFORME DE L’ISF MENÉE EN 2011

L’article 1er de la première loi de finances rectificative pour 2011 (17) a procédé à une réforme d’ensemble de l’ISF qui s’est traduite par la suppression complète du mécanisme du plafonnement et, corrélativement, du plafonnement du plafonnement.

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S’agissant du plafonnement, le Conseil constitutionnel a validé sa suppression uniquement dans le cadre plus global d’une réforme comprenant l’allégement du barème.

Dans sa décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, celui-ci indique en effet que « le législateur, en modifiant le barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, a entendu éviter que la suppression concomitante du plafonnement prévu par l’article 885 V bis du code général des impôts et du droit à restitution des impositions directes en fonction du revenu prévu par les articles 1er et 1649-0 A du même code aboutisse à faire peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ».

D. LA RÉFORME DE L’ISF MENÉE EN 2012

Conformément aux engagements du Président de la République, la nouvelle majorité parlementaire a souhaité que la réforme opérée en 2011 ne soit pas mise en œuvre, l’ISF payé en 2012 devant être équivalent à celui payé en 2011.

Pour atteindre cet objectif, la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (18) a instauré une contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012, calculée selon le barème de l’ISF 2011, sur laquelle s’imputent les montants déjà payés au titre de l’ISF 2012.

Dans le cadre de cette réforme, ni l’ISF perçu au titre de 2012 ni la contribution exceptionnelle mentionnée précédemment n’ont été plafonnés.

Dans sa décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a jugé cette absence de plafonnement conforme à la Constitution uniquement dans la mesure où elle présentait un caractère exceptionnel.

L’article 13 de la loi de finances pour 2013 (19) a ensuite rétabli un dispositif de l’ISF pérenne proche de celui en vigueur avant 2012, en substituant toutefois un barème à six tranches alors que celui en vigueur jusqu’en 2011 en comptait sept.

Conformément à la décision du Conseil constitutionnel, le plafonnement de l’ISF a également été rétabli :

– pour le calcul du premier terme du plafonnement, seuls les crédits d’impôt représentatifs d’une imposition acquittée à l’étranger sont désormais pris en compte, les autres crédits d’impôts n’étant plus pris en compte ; – pour le calcul du second terme du plafonnement, les revenus à prendre en compte sont plafonnés à 75 % des revenus de l’année précédente et non à 85 % comme dans le dispositif précédent.

Le projet de loi tel que soumis au Conseil constitutionnel prévoyait par ailleurs d’inclure dans le montant des revenus à prendre en compte plusieurs catégories de revenus de placements :

– les intérêts des plans d’épargne logement ;

– la variation de la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation, des contrats d’assurance vie, ainsi que des instruments financiers de toute nature visant à capitaliser des revenus ;

– les produits capitalisés dans les trusts à l’étranger ;

– le bénéfice distribuable pour les porteurs de parts ou d’actions d’une société passible de l’impôt sur les sociétés (IS) si le contribuable a contrôlé cette société à un moment quelconque au cours des cinq dernières années ; – les plus-values ayant donné lieu à sursis d’imposition et les gains ayant donné lieu à report d’imposition.

Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré l’ensemble de ces références au motif qu’il s’agit « de sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année », et que pour cette raison, « le législateur a fondé son appréciation sur des critères qui méconnaissent l’exigence de prise en compte des facultés contributives » (20).

Par instruction fiscale, prise trois jours avant la clôture des déclarations d’ISF pour 2013, le Gouvernement a toutefois entendu ajouter aux revenus à prendre en compte pour le plafonnement les produits des plans d’épargne logement et les revenus des contrats d’assurance vie placés en euros.

Cette instruction a été annulée par le Conseil d’État dans une décision du 20 décembre 2013 (21).

L’article 13 de la loi de finances pour 2014 (22), tel que soumis au Conseil constitutionnel, prévoyait à nouveau d’intégrer dans le calcul du plafonnement la partie en euros des bons de capitalisation et autres produits d’assurance vie, au motif que ces revenus sont déjà soumis aux prélèvements sociaux sur les produits de placement, conformément à l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale.

Dans sa décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a de nouveau censuré cette initiative, pour les mêmes raisons.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ À L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE A. LE DISPOSITIF INITIAL

Le présent dispositif vise à limiter l’effet d’aubaine qui peut être retiré du dispositif de plafonnement, en minorant artificiellement les revenus pris en compte dans le calcul de ce plafonnement.

Ce dispositif, très court dans sa formulation, s’articule en quatre éléments juridiques distincts :

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– un élément objectif : la distribution de revenus à une société passible de l’impôt sur les sociétés contrôlée par le redevable ;

– un élément d’intentionnalité : l’existence de la société et le choix d’y recourir ont pour objet principal d’éluder tout ou partie de l’ISF ;

– un résultat effectif : l’existence de la société permet effectivement de bénéficier d’un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du plafonnement de l’ISF ;

– des conséquences pratiques : la part des revenus correspondant à une diminution artificielle est réintégrée dans le calcul du plafonnement. En cas de désaccord, le litige est soumis à l’abus de droit fiscal.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Avec un avis favorable du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission des finances, initialement déposé par son président Gilles Carrez, prévoyant que le Gouvernement remet au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances de l’année, un rapport détaillant, en fonction de leur répartition par tranche de patrimoine imposable et par décile de revenu fiscal de référence :

– le nombre de contribuables ayant bénéficié du calcul prévu au I de l’article 885 V bis du code général des impôts ;

– le montant du plafonnement correspondant ;

– la cotisation moyenne d’impôt de solidarité sur la fortune des foyers plafonnés ; – le montant moyen restitué au titre du plafonnement.

III. LA POSITION DE LA RAPPORTEURE GÉNÉRALE

La Rapporteure générale propose d’adopter cet article sans modification.

13() Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982.

14() Loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989.

15() Loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991.

16() Loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996.

17() Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

18() Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

19() Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

20() Décision n° 2012-622 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013.

21() Conseil d’État, 20 décembre 2013, n° 371157/372625/372675.

22() Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

b. Amendements adoptés en commission RAS

c. Deuxième séance publique du jeudi 15 décembre 2016

- Article 4

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 343, 409 et 525, qui visent à supprimer l’article 4.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 343.

M. Marc Le Fur. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement no 409.

M. Michel Piron. Indépendamment des questions techniques soulevées par le juge constitutionnel, il convient de se pencher sur la cause, à savoir l’impôt sur la fortune, l’ISF. Qu’on me permette simplement de rappeler qu’il s’agit d’un impôt original en Europe et même dans le monde. Malheureusement, cette originalité, dont la France est capable, est inefficace, voire contre-productive. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet

amendement de suppression.

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M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l’amendement no 525.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je n’évoquerai pas la question générale de l’ISF, mais le fait que nous devons veiller à respecter les décisions du Conseil constitutionnel. Nous en avons eu l’illustration contraire avec la loi Sapin 2 , dont le Conseil constitutionnel a été conduit à annuler deux articles importants. Je mets en garde le Gouvernement sur le fait que l’article 4 revient sur deux décisions très claires du Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel a tour d’abord jugé fin 2012 et en 2013 que, dans le calcul du plafonnement de l’ISF, il n’y a pas lieu d’inclure au dénominateur les revenus qui ne sont pas distribués. Je ne comprends pas l’entêtement du Gouvernement sur ce point. Le Conseil s’est également penché sur la définition de l’excès d’optimisation fiscale : il a jugé que le motif doit être « exclusivement » fiscal, et non, comme le prévoit de nouveau le Gouvernement, avoir « pour objet principal » d’éluder tout ou partie de l’ISF. En ouvrant hier la séance de la commission des finances, j’ai rappelé à mes collègues que nous ne pouvons pas, dans le cadre de notre travail de législateur, nier les décisions du Conseil constitutionnel. Ce n’est pas de bonne législation. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé cet amendement de suppression, estimant que le Gouvernement, à l’article 4, revient sur des décisions du Conseil.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques de suppression ? Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ? M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Même avis.

Monsieur le président de la commission, le Gouvernement ne revient pas sur une décision du Conseil

constitutionnel. Vous connaissez bien ces questions et je crois les avoir, moi aussi, pratiquées quelques années.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est vrai.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet article a été écrit en collaboration avec le Conseil d’État, dont le Gouvernement a voulu avoir l’avis clair et précis – je ne vous le lirai pas car nous manquons de temps. Je maintiens que l’article 4 ne méconnaît pas la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Pour une fois, nous assumons le fait de changer d’adverbe : « principalement » remplacera « exclusivement ».

(Les amendements identiques nos 343, 409 et 525 ne sont pas adoptés.) (L’article 4 est adopté.)

- Amendement N°525 présenté par

M. Carrez ---

ARTICLE 4

Supprimer cet article.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Il est ici proposé de supprimer cette disposition dans la mesure où celle-ci vise à contourner deux décisions récentes du Conseil constitutionnel.

Premièrement, en proposant de réintégrer les « revenus distribués à une société passible de l’impôt sur les sociétés contrôlée par le redevable » lorsque le montage présente un objectif principalement fiscal, cet article vise à contourner la décision du Conseil constitutionnel de 2012 qui avait censuré la prise en compte du bénéfice distribuable des sociétés contrôlées par le redevable.

Deuxièmement, le dispositif vise également à contourner la décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, par laquelle le juge constitutionnel a censuré l’extension de la définition de l’abus de droit aux actes ayant pour

« motif principal » d’éluder ou d’atténuer l’impôt sur trois fondements (principe de légalité des délits et des peines, objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et article 34 de la Constitution).

En l’espèce, le juge constitutionnel a considéré que la modification de la définition de l’acte constitutif d’un abus de droit avait pour effet de conférer une importante marge d’appréciation à l’administration fiscale, alors même que la procédure de l’abus de droit, d’application générale, est assortie du paiement d’intérêts de retard et d’une majoration importante.

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En proposant d’introduire une clause anti-abus spécifique visant les montages ayant « pour objet principal » d’éluder l’ISF, tout en l’assortissant des garanties propres à la procédure d’abus de droit classique - y compris la saisine du comité de l’abus de droit fiscal -, cet article vise donc clairement à contourner cette décision.

1.

Sénat

a. Rapport n° 242 de M. Albéric de MONTGOLFIER, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 décembre 2016

RAS

b. Compte rendu intégral des débats en séance publique (19 décembre 2016) M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances

(...)

Toutefois, l’Assemblée nationale a conservé un très grand nombre de dispositions dont nous ne voulons pas, comme le mécanisme dit « anti-abus » concernant le plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, l’aménagement du régime d’imposition des indemnités de fonction des élus locaux, ou encore l’élargissement ou la création de plusieurs régimes d’acomptes pour les entreprises.

Dans le document Décision n° 2016-744 DC (Page 28-32)

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