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La sélection SA à l’origine de différences de fréquences alléliques

1.3 Détection de sélection sexuellement antagoniste

2.1.4 La sélection SA à l’origine de différences de fréquences alléliques

Développement du modèle de Rice

La sélection SA est une forme de sélection balancée. En effet, la sélection balancée peut agir si des environnements contrastés créent des conditions de sélection différentes entre des groupes au sein d’une même population, menant à la sélection d’allèles différents. Dans le cas de la sélection SA, on peut considérer que les hommes et les femmes sont deux groupes, et que les forces de sélection agissant sur ces groupes sont antagonistes. Les signatures génétiques de la sélection balancée incluent une forte diversité dans la région où la sélection agit, ainsi qu’un excès d’allèle à des fréquences intermédiaires et des temps de coalescence plus longs que sous neutralité. Dans le cas d’un locus sous sélection SA présentant un polymorphisme sexuellement antagoniste, on s’attend également à observer des différences de fréquences alléliques entre les sexes au sein d’une population si la sélection SA agit sur la viabilité. Nous nous sommes particulièrement intéressée à cette signature.

Balaresque et al. (2004) ont modélisé les différences de fréquences alléliques attendues entre hommes et femmes sur le chromosome X pour un locus sous sélection SA, en utilisant le modèle de Rice. A1 est désavantageux pour les mâles et avantageux pour les femelles, et

X, avec les notations de Kidwell et al. (1977), les équations 2.7 et 2.8 sont modifiées de la façon suivante :

Fréquence de A1 à l’équilibre chez les mâles :

ˆ pf =

sf(2 − hf(2 − sm)) − sm

2sf(1 − hf(2 − sm))

(2.12)

Fréquence de A1 à l’équilibre chez les femelles :

ˆ pm =

(1 − sm)(sm− sf(2 − hf(2 − sm)))

sf(hf(2 − sm)2− 2(1 − sm)) − s2m

(2.13)

La différence en fréquence de A1 à l’équilibre entre les femmes et les hommes peut

donc être exprimée par :

∆ = ˆpf − ˆpm =

sm(sm− sf(2 − hf(2 − sm)))(sm− hfsf(2 − sm))

2sf(1 − hf(2 − sm))(sf(hf(2 − sm)2− 2(1 − sm)) − s2m)

(2.14)

Les paramètres pour lesquels un polymorphisme est en équilibre stable sont représentés en figure 2.4.

hf= 1 sf sm instable A2fixé 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 hf= 0 sf sm stable A2fixé 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0 < hf< 1 2 sf sm stable A2fixé A1fixé 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1 2< hf< 1 sf sm stable instable A2fixé A1fixé 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

Figure 2.4 – Régions d’équilibre pour un locus lié au chromosome X sous sélec- tion sexuellement antagoniste, A1étant avantageux chez les femelles et désavantageux

chez les mâles et A2 étant avantageux chez les mâles et désavantageux chez les femelles.

Les régions en blanc correspondent aux équilibres monomorphes ( A1 ou A2 est fixé ), les

régions en gris clair correspondent aux polymorphismes en équilibre stable, les régions en gris foncé correspondent aux polymorphismes en équilibre instable. Un équilibre stable est possible quand (1 − hfsf)(2 − sm) > 2(1 − sm) et (1 − hfsf)(2 − sf) > 2(1 − sf) (a)

Quand A2 est récessif / A1 est dominant chez les femelles (hf = 0), deux équilibres sont

possibles : un polymorphisme stable et une fixation de A2. (b) Quand A2est partiellement

récessif / A1 est partiellement dominant chez les femelles (0 < hf < 0.5), trois équilibres

sont possibles : deux fixations, une où A1 est fixé et l’autre où A2 est fixé, et un polymor-

phisme stable. (c) Quand A2 est partiellement dominant / A1 est partiellement récessif

chez les femelles (0.5 < hf < 1.0), une région de polymorphisme en équilibre instable

apparaît. (d) Quand A2 est complètement dominant / A1 est complètement récessif chez

les femelles (hf = 1), aucune région de polymorphisme en équilibre stable n’est présente,

et on prédit une région de polymorphisme instable, donc A2 est toujours fixé. Adapté de

∆ correspond à la différence entre la fréquence de A1 chez les femmes et la fréquence

de A1 chez les hommes, et nous indique l’intensité des différences de fréquences alléliques

entre les sexes pour le locus considéré. Les valeurs de ∆ ont été modélisées en utilisant l’équation 2.14 pour hf = 0, c’est-à-dire le cas le plus favorable au maintien d’un poly-

morphisme stable, et sont représentées figure 2.5. On remarque que, pour les gammes de paramètres où A2 n’est pas fixé, les différences de fréquences alléliques entre hommes et

femmes (dont l’intensité est modélisée par ∆), augmentent lorsque les taux de sélection sf et sm augmentent. Cette figure montre qu’après sélection SA suffisamment forte, un

locus présentera des différences de fréquences alléliques entre les hommes et les femmes, bien que leur détection nécessite des taux de sélection élevés.

0.01 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 0.45 0.01 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35 0.40 0.45 Valeur de ∆ à l'équilibre sf sm A2 fixé 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

Figure 2.5 – Valeur à l’équilibre de ∆ = ˆpf − ˆpm pour les paramètres de sélection

sm et sf et dans le cas où A1 complètement dominant (hf = 0). Les valeurs de ∆ sont

indiquées sur la droite, et sont comprises entre 0.0 et 0.45. Adapté de Balaresque et al. (2004).

Utilisation de données génomiques pour la détection de locus sous sélection SA

Nous avons vu que des différences de fréquences alléliques entre les sexes peuvent émerger à un locus si celui-ci est sous sélection sexuellement antagoniste et si cette sélec- tion implique une survie différentielle entre les mâles et les femelles.

Une étude de la diversité génétique d’un microsatellite lié à l’X dans 10 populations humaines a permis de mettre en évidence une signature d’IASC chez l’Homme pour ce locus, c’est-à-dire une différence significative de fréquences alléliques entre les hommes et les femmes (Balaresque et al. 2004). Ce locus est lié génétiquement au gène VCX10r, membre de la famille des VCX, qui s’expriment uniquement dans les testicules.

Nous avons adapté cette méthode afin de détecter des signaux d’IASC dans le cadre d’un balayage du génome, en utilisant des données de génotypage de génomes complets de 11 populations humaines (Altshuler et al. 2010). Le but de cette étude était de mettre en évidence une liste de SNP (Single Nucleotide Polymorphism) enrichie en locus sous sélection sexuellement antagoniste, afin d’évaluer si le chromosome X présente une accu- mulation de ce type de locus, et ainsi de tester l’hypothèse de Rice chez l’Homme. Nous avons ensuite étudié les locus se trouvant dans des gènes, afin d’effectuer des analyses d’enrichissement fonctionnel pour déterminer les fonctions biologiques potentiellement sous sélection sexuellement antagoniste chez l’Homme.

2.2

Détection d’une signature de sélection sexuelle-