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Introduction

À la suite de l’enquête principale qui s’est achevée à la mi-avril 2017, nous nous rendons pour trois mois à Montréal dans le cadre d’un séjour d’études à l’INRS62. Ensuite, nous prolongeons

d’un mois notre séjour pour nous rendre aux États-Unis et visiter quelques quartiers à dominante commerciale de Miami (Little Cuba), de New York (Greenwich village étudié par Jane Jacobs et Harlem). L’année suivante, nous revenons à deux reprises au Canada pour présenter nos travaux de recherche et les discuter, d’abord en octobre 2017, dans le cadre des entretiens Jacques Cartier qui avaient pour thème : « La ville mosaïque. Regards croisés Montréal/Lyon ». Nous avons alors intitulé notre présentation : « Le développement des commerces ethniques, problème ou solution en matière d’intégration ? » Quelques mois après, nous avons présenté nos travaux au Congrès mondial de sociologie63 de 2018 à Toronto. Nous profitons alors de

l’occasion pour observer durant six semaines la ville et ses quartiers multi-ethniques (Little Italy, Koreatown, Chinatown, Greektown, Little Portugal, etc.). Outre les échanges informels que nous avons réalisés avec les commerçants et les habitants de ces quartiers, notre passage en Amérique du Nord (six mois au total) nous a permis de comprendre dans quels contextes urbains, sociaux et politiques s’expriment les chercheurs que nous avons mobilisés dans notre travail de doctorat. L’essentiel de notre immersion nord-américaine intervient à un moment particulier de notre parcours de thèse : elle intervient après l’enquête principale et avant la rédaction. Nous l’avons ainsi vécu comme une parenthèse nécessaire à une prise de hauteur vis- à-vis de sujets qui suscitent en France de nombreux débats.

Dans cette partie, sera abordé plus particulièrement l’apport des trois mois passés à l’INRS. Le séjour d’étude nous a en effet permis de comprendre dans quelles conditions les notions scientifiques « d’ethnicité commerciale » et « d’entrepreneuriat ethnique » s’inscrivent. Nous avons donc pris connaissance du modèle d’accueil des immigrés, des modes de gouvernance et d’organisation de la société d’accueil vis-à-vis de l’immigration. Ces éléments de contextes

62 Institut national de la recherche scientifique.

63 Titre de notre présentation réalisée en juillet 2017 : « When ethnicity is a problem. French commercial polarities within deprived suburbs ».

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sont apparus essentiels dans l’observation de deux centres commerciaux : le Petit Maghreb et Montréal Nord.

Nous avons, en effet, observé ces deux espaces commerciaux : le premier, pour son identité de centre commercial maghrébin, et le second, pour son caractère populaire et son affiliation au groupe minoritaire haïtien, ainsi que pour sa situation géographique en périphérie de l’île de Montréal. Enfin, ces deux centres commerciaux présentent de fortes similitudes avec le Mas du Taureau, comme le caractère vétuste de l’appareil commercial, la présence d’activités de coiffures, de boulangeries, d’épiceries, de restauration rapide et de cafés. Par ailleurs, le succès économique de quelques « locomotives » commerciales qui participent à faire rayonner ces deux centres commerciaux de proximité rappelle notre objet d’étude français.

Nous avons donc investi le terrain montréalais en réalisant une série de 21 entretiens (voir annexe 2.1 : Les enquêtés canadiens et leurs activités). Nous avons interrogé trois catégories d’acteurs : les décideurs et acteurs institutionnels, les commerçants et les membres actifs d’organismes communautaires64. Nous avons mené ces entretiens dans une logique

d’exploration. Pour cela, nous avons utilisé les outils et l’expérience emmagasinés lors de l’enquête française. Les analyses qui proviennent de cette enquête comportent une forme de subjectivité puisque nous avons réalisé des points d’arrêt sur les sujets qui contraste avec notre cas d’étude français. En effet, cette enquête exploratoire et les analyses qui en découlent font partie des coulisses de la fabrique de la thèse et avaient pour but de nous faire réfléchir sur le cas de Vaulx-en-Velin.

3.1. Le Canada et l’intégration des

groupes minoritaires

Le Canada dispose de trois grandes échelles de gouvernance : le niveau étatique dit fédéral, le niveau provincial et enfin le niveau municipal découpé en plusieurs mairies d’arrondissement. Montréal fait partie de la province québécoise, et à ce titre son organisation politique se trouve sous une triple influence. Celle du niveau national avec un gouvernement fédéral canadien qui apparaît multi-culturel et favorable à une politique d’accommodements raisonnables65octroyés

64 Nous définirons le terme d’organisme communautaire dans la section 3.2 de ce chapitre.

65 Exemple d’accommodements raisonnables : étant donné que certains membres de la communauté juive

d’Outremont ne peuvent pas conduire et déplacer leurs voitures pendant “Chabbat”, la mairie d’arrondissement décline cette politique d’accommodements en autorisant temporairement un stationnement gratuit le samedi.

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par différentes institutions au nom de la diversité ethnoculturelle et religieuse (Germain, Leloup et Radice 2014, p. 7). Ensuite apparaît un modèle d’intégration assimilationniste « à la française », plutôt porté ces dernières années par l’échelon provincial dont le parti français québécois est l’un des représentants. Ce parti a proposé une “charte des valeurs” qui envisageait de restreindre le port de signes religieux et culturels pour les agents publics. Le parti politique désormais au pouvoir envisage de réactiver le projet. Une troisième vision politique s’exprime à l’échelle de la ville. En effet, Montréal bien que faisant partie de la province du Québec présente quelques particularités. Ainsi, une frange de la population ne se reconnaît pas dans le débat qui oppose « souverainistes » et « fédéralistes ». Une élue affirme : « Beaucoup ne se reconnaissent pas dans le débat qui oppose les identités canadienne ou québécoise. Les jeunes sont montréalais. Moi je suis montréalaise, je ne choisis pas et les immigrants font partie de ma vie de tous les jours ».

Le Canada est un pays doté d’une politique d’immigration sélective : « On prend la crème de la crème, mais on a des difficultés aussi », indique un cadre de la ville de Montréal. Un membre du gouvernement fédéral explique qu’une de ces difficultés réside dans les relations entre les groupes minoritaires : « C’est plus facile de s’approcher d’un Québécois que d’un Italien, d’un Pakistanais, la réalité de l’immigration c’est ça. Les Québécois sont intelligents et positifs, ils ont compris que sans immigration, ils sont en difficulté. L’enjeu pour le pays ce sont les échanges interethniques ».

Chaque année, les immigrés en provenance d’Haïti, de Chine et du Maghreb font partie des principaux flux entrants. L’échelon provincial participe activement aux politiques d’immigration. L’accueil des immigrés répond, pour le gouvernement québécois, à deux objectifs, le premier de dynamisation économique et le second d’affirmation de la langue française66. Les immigrés ne sont donc pas uniquement choisis en fonction des besoins des

entreprises et le Québec puise dans des bassins francophones dont fait partie le Maghreb (Belkaïd, 2017). Ce double objectif contient son lot de difficultés comme l’explique un cadre d’une jeune chambre de commerce : « Alors c’est un peu paradoxal pour les immigrants, car on choisit dans les bassins francophones, mais l’anglais est très important. Alors les Maghrébins nous disent : “on nous choisit, car on est français, mais on nous demande de parler anglais pour intégrer un travail” ».

66 Le recensement de 2016 montre qu’au Québec, comme dans tout le Canada, le français perd du terrain comme

langue d’usage à la maison. En 2016, 23,3 % de la population canadienne (environ 8,1 millions) affirme parler le français au foyer.

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À aucun moment, les dimensions ethniques et religieuses sont apparues des critères de sélection de premier plan pour les acteurs publics ou privés rencontrés : « L’inconfort vis-à-vis de l’immigré peut exister, mais on ne fait pas des politiques sur des malaises liés à l’ethnie. On ne va pas donner raison à ma grand-mère qui n’a jamais vu d’immigrants », indique un cadre de la Mairie de Montréal.

Même si dans l’ensemble le contexte politique reste favorable à l’accueil d’immigrants, ces derniers, malgré leurs diplômes universitaires et professionnels et leur expérience de travail, rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi (Germain, Leloup et Radice 2014). Le taux de chômage des immigrés « est très fort, le sous-emploi l’est aussi, il est très fort chez les immigrés », nous dit un cadre de la ville de Montréal. Les immigrés accèdent plus difficilement au marché du travail. L’écart entre le taux de chômage des populations immigrées et les natifs demeure plus important à Montréal qu’à Vancouver ou Toronto. À Vancouver, l’immigration, majoritairement asiatique, provient de Chine et les immigrés travaillent en mandarin dans leur propre communauté. Au Québec, le passage dans les réseaux de la société d’accueil reste la norme et cela prend plus de temps, alors qu’à Toronto et Vancouver, les immigrants peuvent s’insérer et évoluer dans un réseau d’immigrants. La population active maghrébine présente un taux de chômage trois fois plus élevé que la moyenne québécoise (Allali 2010). Ainsi, des secteurs d’activité apparaissent très fermés, le plus souvent ce sont des secteurs réglementés et organisés autour d’organisations professionnelles et syndicales. Les secteurs les plus ouverts à l’immigration restent les plus déréglementés et les plus marqués par une pénurie de main- d’œuvre. Le BINAM67 donne l’exemple des banques, qui sélectionnent des profils plutôt de

commerciaux polyglottes, à minima bilingues : « Par exemple, le secteur de la gestion du risque embauche des immigrés, en revanche, ils travaillent plus rarement dans le backoffice où il y a moins de besoins donc c’est plus dur » indique la directrice générale du BINAM. Dans l’ensemble, le parcours migratoire, notamment pour les immigrés qualifiés, apparaît difficile : « Le Canada est une terre d’accueil, mais ce n’est pas facile, au début les immigrés ne trouvent pas ce qu’ils recherchent, ils doivent se former et ça on ne leur dit pas forcément », dit un agent fédéral. Le conseil intercommunautaire confirme le constat et explique que le secteur de l’innovation et du développement technologique embauche peu d’immigrés. Malgré une immigration de sélection, les postes à responsabilité restent peu accessibles aux nouveaux arrivants ou personnes issues de minorités ethniques.

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En revanche, le secteur du commerce apparaît ouvert à l’immigration : « Les dépanneurs de Montréal sont rachetés par les Chinois » et « les petites patries caractérisent la ville de Montréal ». Dans ce contexte d’un marché du travail difficile d’accès, semble s’opérer un report vers les activités commerciales. Brahim Allali explique que, dans le cas des Maghrébins de Montréal, ce report s’assimile à un « parcours forcé » résultant de la difficulté d’accès à un emploi satisfaisant (Allali 2010). Ainsi, le commerce apparaît comme un puissant levier d’intégration économique des immigrants. Par ailleurs, l’intégration politique des commerçants semble acquise dans les espaces centraux et périphériques, l’existence de petites patries commerciales aux quatre coins de la ville l’illustre. En effet, il ressort de nos entretiens que l’entrepreneuriat commercial ne fait pas l’objet de politiques coercitives qui se focalisent sur le caractère ethnique du commerce ou du commerçant, et cela même dans les espaces périphériques populaires comme Montréal-Nord. Néanmoins, l’analyse des relations entre commerçants et décideurs publics révèle quelques tensions, par exemple lorsque les décideurs publics souhaitent orienter les commerçants vers des zones commercialement sinistrées dans l’optique de revitaliser, voire de gentrifier une rue (Maltais 2016).

3.2. Dialogue entre les gouvernants et la

société civile : le rôle des organismes

communautaires

Le rapport qu’entretiennent les décideurs publics locaux avec leurs quartiers ne peut se comprendre sans l’analyse des organismes communautaires. Ces derniers apparaissent en effet comme des acteurs incontournables d’un rapprochement entre les gouvernants et la société civile (Jetté 2008). Les organismes communautaires se créent et s’organisent pour mener des missions ou des projets particuliers en lien avec un enjeu de société (lutte contre la pauvreté, sécurité alimentaire, accueil de nouveaux arrivants, etc.) qui se manifeste localement (Fontaine 2013). Ces enjeux peuvent disposer d’une composante ethnique, culturelle ou sociale. À chaque niveau de la gouvernance, des subventions sont attribuées à de ces organismes communautaires qui s’affirment comme des structures intermédiaires entre le citoyen et les gouvernants. Le label « communautaire » désigne avant tout un enracinement dans un milieu local (Germain et Estebe 2004). Par exemple, l’organisme communautaire « La maisonnette des parents » de la Petite Italie propose des activités partagées entre les parents et les enfants. Ici, la communauté concernée ne présente pas de coloration ethnique même si leur local est situé dans un quartier

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doté d’un marketing ethnique. L’organisme regroupe des personnes s’identifiant à une « communauté » d’intérêts qui s’organisent pour rendre des services adaptés à leurs situations (Gagné 2008).

Du territoire local peut émerger des actions qui touchent des personnes immigrantes ou non. Par exemple, pour l’échelon municipal et sur la thématique des relations interculturelles et interethniques (Germain, Leloup et Radice 2016), le Programme Montréal Interculturels (PMI) a distribué près d’un million de dollars sous la forme d’appels à projets. À titre d'exemple, l’un de ces projets traite de la difficulté des nouveaux arrivants à intégrer des entreprises canadiennes. La jeune Chambre de commerce tunisienne constitue un autre exemple d'organisme communautaire. Ce dernier contient dans son appellation une référence à un pays étranger. Toutefois, la question centrale traitée par les dirigeants est l’accès à l’emploi de l'ensemble des jeunes issus de l’immigration.

E. : Pourquoi avez-vous choisi ce nom ?

Au début, je ne voulais pas mettre “tunisien”. Mais quand tu passes par ce nom tu cibles le jeune d’origine tunisienne et c’est mieux de se définir dans la communauté tunisienne pour après attirer plus largement.

E. : Pourtant j’ai lu vos statuts, une minorité d’actions cible en particulier la jeunesse tunisienne ?

C’est une visibilité pour se lancer, pour obtenir des opportunités de développement. C’est pour aider des Tunisiens à s’intégrer, mais c’est vrai que pas que...

Dans l’ensemble, plus que l’identité culturelle de départ de l’organisme communautaire, la mission ou le projet reste l’élément principal. Les éléments de visibilité culturelle et ethnique apparaissent des leviers pour lever des fonds et attirer une base d’adhérents (Dufresne 2013). Nos interlocuteurs nous indiquent que les organismes uniquement ethnocentrés68 sont des cas

particuliers qui restent en dehors de la gouvernance locale. En effet, dans tous les cas étudiés, une action à but social apparaît nécessaire à la pérennité de l’organisme communautaire.

Les gens sont mal à l’aise à créer un organisme fondé seulement sur le sentiment d’appartenance. Les gens se donnent toujours une mission. Ce qui m’intéresse ce n’est pas si l’organisme est iranien, turc, mais c’est le projet. Si on me demande de financer l’Ifftar [la rupture du jeûne musulman], c’est

68 Parmi les organismes communautaires, nous retrouvons le cas particulier des associations ethnoculturelles ou

religieuses ; elles ne reçoivent pas ou très peu de fonds publics, mais fonctionnent plutôt à partir de fonds privés. Les banques, par exemple, peuvent financer ce type de structures pour accroitre leur visibilité auprès de la communauté ciblée.

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non, ce sont ceux qui y participent qui financent. À la suite des financements que nous distribuons, vous devez rendre un rapport.

[Conseil interculturel]

Quelques exemples d’organismes qui sont à la fois dotés d’une composante ethnoculturelle et répondent à un besoin social illustrent le précédent verbatim. Ces organismes communautaires se sont chacun positionnés sur des programmes respectivement municipaux, provinciaux et fédéraux. Le premier exemple porte sur les conflits interculturels. L’organisme communautaire s’est associé à un sociologue pour expérimenter, sur une durée de six mois, une médiation de voisinage pour des conflits qui pourraient provenir d’une incompréhension d’ordre culturel. Ce programme a abouti à l’embauche de trois médiateurs formés à la résolution de conflits de voisinage. Le second exemple concerne un organisme communautaire implanté à Côte-des- Neiges au sud-ouest de la ville qui accueille une communauté locale marocaine. L’organisme propose un service d’aide aux devoirs destiné à un public de résidents. La province finance le projet même si l’organisme revendique une appartenance à une communauté locale marocaine. Sur la base d’une étude PELO69 qui a montré que, dans la communauté haïtienne,

l’apprentissage du français apparaissait plus facile si les individus maîtrisaient le créole, le programme en question propose des cours bilingues en arabe (dialecte marocain) et en français. Le marqueur identitaire se présente donc au départ un levier pour attirer du public. Toutefois, l’enjeu de l’ouverture de ces organismes apparaît vital pour continuer à exister. Un troisième et quatrième exemples illustrent ce constat. La maison haïtienne initialement créée pour accueillir les réfugiés climatiques à la suite du séisme dévastateur de 2010, met dorénavant à contribution son expertise dans l’accueil d’un grand nombre de réfugiés syriens touchés par la guerre civile. De la même manière, l’organisme communautaire « La famille chinoise » qui s’occupe de l’accompagnement médicalisé des personnes âgées chinoises met à disposition son expertise pour faire face au vieillissement de la population montréalaise. Ces organismes communautaires qui au départ ont pour objectif de répondre à un besoin organisationnel de la société civile (Houle 2005) sont évalués et financés en fonction de leurs contributions à la société.

C’est le stade ultime de ce type d’organisation, à savoir les solidarités intercommunautaires qu’ils vont générer et leur contribution à la société. Les maisons d’Haïti et de Leonardo da Vinci savent que pour rester un organisme durable, ils doivent s’adapter et s’ouvrir. Les communautés les plus matures restent les plus anciennes, italienne, grecque et juive, qui apparaissent les

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mieux organisées. Elles n’ont pas forcément besoin d’aide des décideurs publics et pourtant elles participent à la vie publique.

[Conseil interculturel]

Ainsi, les organismes communautaires que nous avons observés émanent toujours d’une initiative locale en vue de répondre aux besoins de la population (Panet-Raymond et Lavoie 2014). Les administrations et les entreprises interrogées ne se considèrent pas en capacité, notamment compte tenu de leur échelle d’action, de mettre en œuvre des actions locales.

Il y a des questions sur lesquelles l’État sait qu’il ne peut pas gérer, il est conscient qu’il n’arrivera pas à les traiter surtout sur les questions liées au bien-être des citoyens, alors il délègue. Typiquement, l’immigration et le développement économique sont des domaines que l’État ne sait pas gérer localement.

[Fonctionnaire provincial]

Ainsi, les organismes communautaires vont familiariser les nouveaux arrivants aux codes de la société d’accueil. Ces organismes constituent parfois le premier réseau du nouvel arrivant. Ces structures peuvent lui faciliter l’accès à l’administration ou l’orienter vers une reprise d’études : « Ici le réseau est très important, on dit : “entre toi et le maire il y a juste une personne”. Et c’est vrai. Le réseau fait défaut aux nouveaux arrivants ». Par ailleurs, plus qu’un rôle d’intermédiaire, les organismes communautaires, en phase avec leur milieu (Fontaine 2013) peuvent constituer un premier espace de solidarité entre les mieux intégrés et les nouveaux : « Regarder l’organisme “Pour 3 points” de Fabrice Vil, avocat, brillante carrière, il s’est dit je vais faire une action pour ma communauté ». Ensuite, les organismes communautaires s’avèrent des espaces de « traduction » pour les décideurs publics et leur permettent de décrypter certains schémas de pensées et modes de vie. Un membre du conseil intercommunautaire nous explique : « Les organismes communautaires vont nous permettre de prendre en compte “le confort culturel”. Est-ce que ma mère, si elle veut ouvrir un salon de couture, vous la voyez dans le bureau de PME demander un financement de 5 000 $ ? Non. Par contre, ira-t-elle au réseau des entrepreneurs africains ? Oui, donc on demande au financeur public de financer cet organisme-là, qui est le plus capable de comprendre ma mère ».

Il existe toutefois certaines dérives dans les milieux communautaires. La première tient à