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VI.1 Introduction

VI.4.1 Séchage de gouttes de sang pur

Sang pur avec ajout d’anticoagulant

Nous présentons sur la Figure VI.10le motif sec obtenu après séchage d’une goutte de sang pur issu d’une femelle, avec anticoagulant ajouté, déposées sur des lames de verre. Différents volumes de gouttes ont été testés : 5, 10 et 20 µL. Les hématies - ou globules rouges - apparaissent en rouge. Les zones de couleur foncée correspondent aux régions les plus riches

en globules rouges.

FigureVI.10 – Gouttes séchées de sang de rat femelle avec anti-coagulant ajouté, observées en réflexion, de différents volumes.

Sur la goutte de 5 µL, nous observons une couronne très dense en globules rouges formée en périphérie, présentant des craquelures. La zone intérieure est composée de motifs plus fins, et au centre une zone de « lumière » est visible. Le centre de la goutte est en effet totalement déplété de globules rouges. Quel que soit le volume de sang déposé, ce motif de type anneau de café est retrouvé. La zone de déplétion centrale est moins marquée pour V “ 20 µL, mais des observations en vue de côté des gouttes (non-présentées ici) montrent que la couronne externe est très prononcée, formant une butte en périphérie. Ces observations nous permettent de conclure que ce sang pur avec anticoagulant ajouté conduit à un dépôt de type anneau de café.

En reprenant le raisonnement de l’analyse en lois d’échelle développée dans le Chapitre IV, il apparaît dans le cas du sang un nouveau phénomène qui peut influencer le séchage de la goutte : la coagulation, à laquelle est associé un temps caractéristique τcoag. La coagulation peut en effet conduire à la formation d’agrégats cellulaires impliquant des globules rouges, ou induire la gélification du sang durant le processus de séchage. En présence d’anticoagulant, ce temps caractéristique τcoagest infini. Ainsi les temps caractéristiques hydrodynamique et d’évaporation sont très petits devant le temps caractéristique de coagulation : τhydro, τevap ăă τcoag. Le motif anneau de café se forme donc de la même façon que pour une suspension colloïdale de particules inertes.

Le nombre de craquelures de la couronne externe diminue avec le diamètre de la goutte : 30, 28 et 19 craquelures sont dénombrées sur les gouttes ci-dessus (de gauche à droite). Cette évolution est contraire à celle reportée dans la référence [155] (voir Figure VI.3(b)), avec des nombres de craquelures plus élevés dans nos expériences. Cependant, nous travaillons ici avec du sang de rat, pas d’humain, ce qui peut expliquer le décalage observé. De plus nous ne

contrôlons pas précisément dans nos expériences des paramètres telle l’humidité relative, qui influe effectivement sur le séchage [158].

Sang pur sans ajout d’anti-coagulant

Les études sur du sang natif sans ajout d’anticoagulant sont relativement rares, ce qui fait des expériences ci-dessous un cas très particulier. La Figure VI.11 présente les motifs obtenus après séchage de ces gouttes de sang frais, non-adjuvanté et issu d’une jeune femelle, déposées sur des lames de verre. Différents volumes de gouttes ont été testés : 5 ; 10 et 20 µL.

Figure VI.11 – Gouttes séchées de sang de jeune femelle sans anti-coagulant ajouté, observées en réflexion, de différents volumes.

Sur la goutte de volume 5 µL, nous observons une couronne très foncée, donc très dense en globules rouges, formée en périphérie. Une zone claire est ensuite distinguée, puis le centre de la goutte présente une teinte plus foncée, toutefois moins foncée que celle de la couronne externe. Ce sang pur sans ajout d’anticoagulant conduit aussi à un dépôt de type anneau de café.

Cependant, nous n’observons pas de zone dépourvue de globules rouges au centre la goutte. Ces expériences étant effectuées sans ajout d’anticoagulant au sang, les phénomènes reliés à la coagulation sont susceptibles de s’additionner aux phénomènes purement liés à l’évaporation de la goutte. Le temps caractéristique de coagulation du sang de rat étant de l’ordre de la minute, nous avons dans cette situation τhydro „ 2 s ă τcoag „ 30 s ăă τevap „ 2 ¨ 103

s. Ceci peut expliquer la différence d’allure entre la zone centrale dans les gouttes de la FigureVI.11et celle des gouttes de sang contenant de l’anticoagulant (Figure VI.10). En l’absence d’anticoagulant ajouté, le séchage des gouttes de sang résulte d’une combinaison de phénomènes beaucoup plus complexes, véritablement liés à sa nature de fluide biologique.

Nous observons sur la Figure VI.11que le motif sec varie en fonction du diamètre de la goutte. La couronne externe est toujours présente, mais la zone claire disparaît et le centre de la goutte devient plus foncé lorsque le diamètre de la goutte augmente. Nous n’avons pas d’interprétation de cette variation du motif avec le diamètre de la goutte. Il est possible que la coagulation induise des différences plus prononcées à temps longs. Les temps de séchage des gouttes dépendant de leur volume (1h15 environ pour une goutte de 20 µL, 35 min pour V “ 5µL), des effets additionnels liés à la coagulation peuvent être subis à grand volume initial.

Pour ces gouttes de sang sans anticoagulant ajouté, nous vérifions expérimentalement que le nombre de craquelures de la couronne externe augmente avec le diamètre de la goutte : 16, 22 puis 25 craquelures sont dénombrées sur les gouttes ci-dessus (de gauche à droite). Ces valeurs sont à nouveau plus élevées que celles obtenues dans la littérature, mais l’évolution observée est similaire à celle de la référence [155] (FigureVI.3(b)).

Sensibilité aux caractéristiques de l’animal

De façon intéressante, nous remarquons sur la FigureVI.12 que les gouttes de sang (sans anticoagulant ajouté) provenant d’une femelle ayant eu des petits moins d’un mois avant l’expérience donnent des résultats assez différents. La couronne périphérique est toujours visible, et très prononcée sur ces trois gouttes. Cependant l’aspect du sang dans la zone centrale n’est pas le même : il semble plus épais et est particulièrement foncé sur la goutte de 20 µL. De plus, le nombre de craquelures ne varie pas de façon monotone avec le diamètre initial de la goutte (19, 14 et 18 craquelures dénombrées de guahce à droite). Les craquelures parallèles à la couronne sont très réduites, voire inexistantes pour la goutte de plus grand diamètre. Ces singularités peuvent être dues à une composition différente du sang du fait d’une récente grossesse. Ces mêmes observations ont été répétées avec le sang d’autres femelles. Ainsi, le

Figure VI.12 – Gouttes de sang (sans anti-coagulant ajouté) séchées de différents volumes, observées en réflexion, provenant d’une femelle ayant eu des petits au cours du mois précédant l’expérience.

test de séchage de goutte permet de discriminer des femelles jeunes ou ayant eu une récente grossesse.

Notons que le sexe des ratons ne semble pas influencer les résultats du test de séchage de goutte de façon significative. Le sang de jeunes ratons mâles ou femelles donne des motifs secs comparables.

Sensibilité au mode de prélèvement du sang

Nous avons expliqué dans le paragraphe VI.2.1 que le mode de prélèvement du sang choisi pour l’étude systématique est la ponction cardiaque. Cependant, il est intéressant de comparer les motifs secs présentés ci-dessus (FigureVI.11) à ceux obtenus dans des expériences préliminaires avec du sang de raton prélevé après décapitation, sans ajout d’anticoagulant. Ces résultats sont présentés sur la FigureVI.13.

Figure VI.13 – Gouttes de sang (sans anti-coagulant ajouté) séchées de différents volumes, observées en réflexion, provenant d’une femelle tuée par décapitation.

Le motif obtenu semble intermédiaire entre les cas d’un sang natif avec anticoagulant ajouté (FigureVI.10) et celui d’un sang natif sans anticoagulant ajouté (Figure VI.11), prélevés par ponction cardiaque. En effet, l’anneau de café est très prononcé sur ces gouttes séchées, et la mosaïque de craquelures dans la région intérieure des gouttes est très serrée, comme dans le cas du sang contenant un anticoagulant. Cependant, il n’y a pas de zone centrale dépourvue de particules. La région intérieure est homogène, comme dans le cas du sang sans anticoagulant ajouté. Ces observations concordent avec l’hypothèse que le sang prélevé après décapitation est dépourvu de certaines substances pro-coagulantes (paragraphe VI.2.1). En effet, nous prélevons le surnageant d’un caillot formé très rapidement, ce caillot ayant probablement absorbé une grande partie des facteurs de la coagulation. Nous sommes donc dans un cas intermédiaire de sang ne contenant pas d’anticoagulant ajouté mais duquel certains facteurs pro-coagulants ont été retirés, du fait de la décapitation de l’animal.