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Propriétés interfaciales des polymères en brosse

I.6.1 Méthode de la goutte pendante

Dispositif expérimental et principe de la mesure

Nous mesurons la tension interfaciale des solutions de polymères sur un tensiomètre Krüss DSA30, qui permet de mettre en œuvre la technique de la goutte pendante. Une goutte de solution de polymère est formée au bout d’une aiguille non-bisautée. Nous plaçons la goutte au sein d’une enceinte, composée d’une cuve en verre fermée sur le dessus par du parafilm troué pour laisser passer l’aiguille. Au fond de la cuve, nous disposons quelques gouttes de la solution de polymère étudiée : ceci permet de saturer l’atmosphère de l’enceinte et donc de limiter l’évaporation de la goutte. Une caméra filme la goutte, puis le logiciel Drop Shape Analysis fournit un ajustement du profil de la goutte. Ce profil résulte de l’équilibre hydrodynamique obtenu par la compétition entre la gravité - qui tend à déformer la goutte - et les forces capillaires, qui tendent à la maintenir sphérique. À partir de l’expression numérique de ce profil, le programme peut extraire la tension de surface γ à l’interface solution-air. La théorie de la goutte pendante est détaillée dans l’Annexe B.

(a)Tensiomètre Krüss DSA30. (b)Goutte de solution de polymère à la sortie de l’aiguille.

Figure I.18

Nous avons vérifié la reproductibilité des mesures de tension de surface dynamiques, c’est-à-dire de l’allure des variations de γ en fonction du temps. Le volume initial de la goutte V0

une variation de 5 % sur la tension de surface γ et la hauteur du plateau ne varie pas de façon monotone avec V0. Nous travaillons avec des gouttes d’un volume initial d’environ 20 µL. Le paramètre V0 ne modifie pas non plus la forme des courbes γptq : la dynamique est inchangée quand le volume initial varie. L’erreur maximale systématique commise sur la détermination de γ est de 5 % et il n’y a pas d’incertitude supplémentaire due au volume initial de la goutte. Préparation des échantillons

Les solutions de polymère P0-6 et P1-7 sont préparées par dilution des solutions mères fournies par Coatex, sur une balance de précision Sartorius Secura précise à 0,1 mg. Des échantillons à cP i´j “ 1 ; 10´3 ; 10´4 ; 10´5 et 10´6 g/g de polymère en brosse sont préparés.

Pour les solutions de chaînes pendantes (PEM) et de squelette du P1-7 (possédant le même degré de polymérisation que le P1-7 mais sans chaînes latérales), nous considérons des concentrations « équivalentes » par rapport aux solutions de P1-7 - le squelette représentant 89.2% en masse d’un polymère P1-7 et les chaînes pendantes 10,8%.

I.6.2 Cinétiques d’adsorption - désorption

Dans un premier temps, nous nous intéressons à la cinétique d’adsorption-désorption des polymères P1-7 à l’interface eau-air. A cet effet, par la technique de la goutte pendante, nous enregistrons les valeurs de la tension de surface de la solution de polymère étudiée toutes les 5 s pendant 5000 s au total. La FigureI.19 présente les résultats obtenus pour une solution de polymère P1-7 dans l’eau à cP 1´7 “ 10´5 g/g, et pour une solution équivalente de chaînes latérales (PEM). Nous remarquons que la tension de surface de la solution décroît au cours de

Figure I.19 – Variation de la tension de surface avec le temps pour une solution de P1-7 dans l’eau à cP 1´7“ 10´5 g/g, et la solution équivalente de macromonomère PEM.

temps. Trois phases de décroissance sont distinguées, conformément avec les résultats de la littérature [53]. La première phase (lag phase) est un quasi-plateau de tension de surface aux temps courts, à des concentrations de polymère faibles. Elle n’est presque pas observée ici. La deuxième phase (postlag phase) est caractérisée par une décroissance rapide de la tension de surface avec le temps, associée à l’augmentation du nombre de polymères adsorbés à l’interface

et aux changements de conformation des chaînes de polymère adsorbées. Durant cette phase, les interactions latérales entre les macromolécules adsorbées stabilisent la monocouche formée et l’adsorption des polymères est toujours contrôlée par la diffusion de ceux-ci ; la désorption est négligeable. Enfin, la phase finale d’adsorption se distingue par un ralentissement de la décroissance de la tension de surface : la pente diminue. A ce stade, les polymères adsorbés sur l’interface forment une couche dense qui exerce une répulsion électrostatique et stérique sur les polymères se rapprochant de l’interface, gênant ainsi leur adsorption. Un plateau de tension de surface est ensuite atteint, traduisant l’établissement d’un équilibre de concentration en polymère dans le volume, dans la couche proche de l’interface et à l’interface [53].

L’atteinte du plateau d’équilibre est très long pour le polymère P1-7 : le temps d’équi-libration est de 5000 s environ. Le macromonomère PEM présente une cinétique beaucoup plus rapide : le temps caractéristique est de l’ordre de 100 s. Pour un tensioactif classique, comme le Triton X-100, il est de 25 s environ. Cette valeur a été mesurée expérimentalement et concorde avec les données de la littérature [54]. Cela signifie donc que la cinétique d’adsorption des polymères en brosse à l’interface est très lente.

Les valeurs de γ présentées par la suite sont les valeurs des tensions de surface à l’équilibre, mesurées au plateau, ou à défaut à t “ 5000 s si le plateau n’est pas atteint.

I.6.3 Évolution de la tension interfaciale avec la concentration

A présent, nous nous penchons sur l’étude de la tension de surface (à l’équilibre) des solutions de polymère P1-7 en fonction de leur concentration. Au regard des résultats présentés

Figure I.20 – Tension de surface de solutions de P1-7 et de Triton X-100 dans l’eau à différentes concentrations. La droite en pointillés représente la valeur mesurée pour de l’eau pure.

sur la FigureI.20, le polymère P1-7 présente un comportement tensioactif. La tension de surface diminue à mesure que l’on augmente la concentration en P1-7 dans la solution, jusqu’à un plateau à environ 53 mN/m. Nous pouvons ainsi définir une concentration critique, qui est l’équivalent d’une concentration micellaire critique dans le cas d’un tensioactif classique : ccrit « 3 ¨ 10´4 g/g. Notons qu’à très faible concentration en polymère nous retrouvons la

valeur de la tension de surface de l’eau, mesurée à γeau “ 71, 4 mN/m.

Nous confrontons sur la Figure I.20les mesures de tension de surface des solutions de P1-7 dans l’eau et celles obtenues expérimentalement pour le Triton X-100, un tensioactif classique. Nous avons choisi ce tensioactif à des fins de comparaison car il est non-ionique, le polymère P1-7 se comportant comme une macromolécule non-chargée (d’après les résultats de DLS et de rhéologie présentés précédemment, aux paragraphes I.4.5 et I.5.3). Nous constatons que le pouvoir surfactant du P1-7 est moindre par rapport à celui du Triton X-100 : l’amplitude de la chute de tension interfaciale est plus faible dans le cas du P1-7. Le polymère P1-7 se comporte donc comme un tensioactif « faible ».

I.6.4 Rôle de l’architecture

Pour aller plus loin dans l’étude des propriétés interfaciales du polymère P1-7, nous avons réalisé la même étude pour des solutions de squelette du P1-7 seul dans l’eau, de chaînes pendantes du P1-7 dans l’eau (PEM) et de solutions aqueuses contenant les deux composants (mélange PEM + squelette). Nous présentons les résultats obtenus sur la Figure I.21. En

FigureI.21 – Tension de surface de solutions de P1-7, de PEM, du squelette du P1-7 et de leur mélange dans l’eau à différentes concentrations. La droite en pointillés représente la valeur mesurée pour de l’eau pure.

premier lieu, nous pouvons noter que les solutions de chaînes pendantes PEM et les mélanges PEM + squelette ont le même comportement. Les tensions de surface sont égales quelle que soit la concentration : leur différence est inférieure aux barres d’erreur expérimentales. En outre, les mesures en dynamique γptq sont également comparables. Les solutions de PEM induisent la même chute de tension interfaciale avec la concentration que les solutions de P1-7, de 72 à 52 mN/m. Nous en concluons que dans le mélange « chaînes pendantes + squelette », ce sont les chaînes pendantes (PEM) qui dominent les propriétés interfaciales. Le squelette a

un effet négligeable sur la tension de surface. Ceci est confirmé par les points des solutions de squelette seul dans l’eau, qui montrent une tension interfaciale quasi-constante avec la concentration γsquelette« 72 mN/m.

I.6.5 Influence de la masse molaire et de la nature des chaînes latérales

Nous souhaitons étudier l’influence de la masse molaire sur les propriétés interfaciales des polymères en brosse. Pour cela, nous avons réalisé les expériences de tensiométrie en goutte pendante sur des polymères P1 de masses molaires significativement plus faibles que celle du P1-7. Nous avons préparé des solutions aqueuses de P1-0.3 et de P1-0.1. Les mesures de tension de surface dynamiques γptq (non-montrées ici) sont tout à fait comparables à celles enregistrées pour les solutions de P1-7. Les courbes du P1-0.3 se superposent à celles du P1-7, quelle que soit la concentration . Les courbes du P1-0.1 ont une cinétique comparable à celles du P1-7, quelle que soit la concentration. Les temps caractéristiques d’équilibration sont très voisins. Ainsi, la masse molaire ne semble pas affecter la cinétique d’adsorption-désorption des polymères en brosse.

À présent, représentons les valeurs de tension de surface à l’équilibre en fonction de la concentration des solutions γpcq (Figure I.22). Les valeurs obtenues pour les deux polymères

Figure I.22 – Tension de surface de solutions de P1-7, P1-0.3 et P1-0.1 dans l’eau à différentes concentrations. La droite en pointillés représente la valeur mesurée pour de l’eau pure.

de plus faibles masses molaires suivent globalement celles du P1-7. Les propriétés tensioactives sont donc comparables à celles du polymère P1-7. Ainsi, la masse molaire semble jouer un rôle négligeable sur les propriétés interfaciales. Cela est cohérent avec le fait que ce sont les chaînes pendantes de cette structure en brosse qui confèrent le caractère tensioactif aux polymères P1.

Enfin, nous avons étudié l’influence de la nature de ces chaînes pendantes sur les propriétés interfaciales de ces polymères en brosse. Le polymère P0-6 est un candidat idéal pour les expériences, étant de masse molaire comparable à celle du P1-7 mais possédant des chaînes latérales MAMPEG. Nous voyons sur la Figure I.23que le P0-6 montre lui aussi un comporte-ment de type tensioactif, mais la décroissance de la tension de surface avec l’augcomporte-mentation de la concentration en polymère est un peu moins prononcée que dans le cas du P1-7. Ceci est probablement dû à la différence d’hydrophobicité des chaînes pendantes : pour le P0-6, il s’agit de MAMPEG, qui sont des chaînes de polymère plus hydrophiles que les PEM. Nous comprenons donc que le polymère P0-6 aura plus tendance à rester dans le volume que le

P1-7, ce qui aura pour conséquence une concentration en polymère à l’interface eau-air moins importante et donc une diminution moindre de la tension de surface.

FigureI.23 –Tension de surface de solutions de P1-7 et P0-6 dans l’eau à différentes concentrations. La droite en pointillés représente la valeur mesurée pour de l’eau pure.