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d. Rugosité et instabilité de méandrage : Description continue phénoménologique

Dynamique de la croissance, étude de rugosité et invariance d’échelle en épitaxie

4. Simulations numériques par Monte Carlo cinétique

4.1. d. Rugosité et instabilité de méandrage : Description continue phénoménologique

Nous allons ici nous essayer à une modélisation continue phénoménologique de la rugosité cinétique d’une surface instable. La discussion précédente des équations continues proposées dans la littérature, nous montre que seulement une équation pourrait être candidate à fournir cette modélisation : l’équation de Pang et al. (III-38).

En effet, toutes les équations qui contiennent de termes non linéaires, comme KPZ ou LDV, conduisent à des relations d’échelles du type : α+z=const , ce qui implique que α ne peut varier indépendamment de z . Or, l’on constate dans nos simulations avec effet ES que ce dernier exposant est sensiblement constant en fonction du flux, tandis que α varie appréciablement. L’équation de Pang et al. étant linéaire, elle implique que z=const , tandis qu’α est fonction des paramètres associés aux corrélations.

Ce dernier point est particulièrement intéressant. En effet, l’instabilité de méandrage, lorsqu’elle est provoquée par une barrière ES, est d’origine diffusive [Bales 91]. La rugosité cinétique est due aux fluctuations (bruit) dans le flux de dépôt, mais elle se couple à la

1 10 100 1 10 100 Y5=0,886 + 0,648*X5 Y3=0,686 + 0,773*X3 Y4=0,798 + 0,704*X4 Y2=0,536 + 0.859*X2 ML=1000 F=1 ML/s Gq (y ,t = 1 0 0 0 ) t (ML) q=1 q=2 q=3 q=4 q=5 Y1=0.287 + 0.994*X1 1 2 3 4 5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0 q

α

q

1 F=1ML/s F=5 F=20 F=40 (1/q)0.29 (1/q)1/4

morphologie instable grâce au transport diffusif. Ceci donne lieu aux corrélations spatiotemporelles dans le bruit(éq.III-39) que Pang et al. ont introduit dans l’équation (III-38). Nous sommes donc tenté de proposer l’équation suivante pour décrire la rugosité cinétique multi-affine anormale d’une surface vicinale instable :

th(x, t)= −ν 6

x6h(x, t)(x, t) (III-54) où <η(x,t)>=0 et:

<η(x,t)η(x',t')>=Dxx'2ρ1tt'2θ1 (III-55) avec 0≤ ρ,θ <1/2, et 0≤φ =ρ+6θ<5 /2. Un exposant de corrélation φ=0 correspond à un bruit sans corrélations (blanc), tandis que φ =5 /2 correspond au maximum de corrélations. Les exposants critiques, en fonction de φ, ont alors la forme suivante :

α=φ+5 /2, z=6, β =(φ+5 /2) /6 et κ=(φ+3/2) /6, avec φ =6θ+ρ, (III-56) À titre d’exemple, pour φ=2, nous avons les exposants :

α=9 /2=4.5, z=6, d’où β=α/ z=3/4=0.75 et κ=(α−1) / z=7 /12≅0.58 (III-57) Ces valeurs sont à comparer aux exposants déduits de nos simulations ((α,z,β,κ)=(4.23, 5.9, 0.72, 0.62) à la température T = 700K et avec un flux F=1ML/s. Plus en général, on peut facilement vérifier que les exposants β et κ doivent varier linéairement avec α. En effet, si l’on trace β et κ en fonction de α −5/2, on s’attend à ce que :

β=(α−5 /2) /6+5 /12, et κ =(α−5 /2) /6+3/12. (III-58) La figure (III-12) montre le résultat de ce tracé. Une interpolation linéaire donne :

β =0.18(α −5/2)+0.41, κ =0.166(α −5/2)+0.28, (III-59) en assez bon accord avec la prédiction.

Fig.III-12- Représentation graphique des équations des exposants d’échelles β et κ (éq.III-58) en fonction de φ =(α −5/2). 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6 1.8 2.0 0.35 0.40 0.45 0.50 0.55 0.60 0.65 0.70 0.75 κ=0.166φsim+0.28 φsim=(αsim−5/2) β=0.18φsim+0.41 κκκκ ββββ

Notre argument implique qu’une augmentation du flux fasse diminuer la diffusion de surface et entraîne par conséquent des moindres corrélations dans la morphologie, et donc dans le bruit. Nous nous attendons donc à ce qu’une augmentation du flux de dépôt provoque une diminution des exposants du bruit, ρ et θ , et donc φ.

En utilisant les valeurs de α que nous avons trouvées par simulation numérique pour différents flux de dépôt, nous pouvons déterminer la relation suivante entre l’exposant du bruit φ et le flux F :

φsim ≡(αsim−5 /2)≈2.1 F0.29±0.01. (III-60) On peut s’attendre à ce que le paramètre qui contrôle l’instabilité de méandrage soit le rapport :

(c D/F)γ

eq , (III-61) où ceq =exp(−2Ea/kBT). En utilisant Ed =1.0 eV et Ea =0.3 eV, on peut calculer qu’à T = 700K, ceqD=1013exp

[

−(Ed +2Ea)/kBT

]

=30.07 Si l’on prend γ =0.29, il vient :

(ceqD / F)0.29 =2.7 F0.29. (III-62)

Ainsi, le résultat (III-61) donne du crédit à notre hypothèse de départ : les corrélations dans le bruit sont induites par l’instabilité de méandrage, et régulées par la diffusion de surface.

Fig.III-13- Représentation graphique de φ=(α-5/2) (éq.III-60) en fonction du flux.

0.1 1 10 100 1 2 3 4 5 φsim

=(

αsim

-5/2)~2.1F

-0.29±0.01

φ

sim F (ML/s) Simulation Fit linéaire

4.2. Résumé

Nous pouvons résumer les résultats de cette étude dans les trois points suivants : i) La super-rugosité (α ≥1), est observée dans notre modèle pour T≤500 K.

ii) L’anomalie d’échelle (κ ≠0) est observée à moyenne et basse température (T≤600 K), et à plus haute température (T>=700 K) pour une surface instable vis-à-vis d’une barrière ES. iii) Le multiscaling (α =α(q)) est observé à des températures de T≥350 K et dans le cas des surfaces instables vis-à-vis d’une barrière ES.

En faisant varier la température, de 300 K à 700 K notre modèle de croissance montre différents régimes dynamiques : super-rugosité, anomalie d’échelle, et multiscaling. A partir des deux points (i) et (ii), nous pouvons conclure que la super-rugosité entraîne forcément une anomalie d’échelle, la réciproque n’est pas tout à fait vraie (car à 600 K, on a une anomalie d’échelle mais pas de super-rugosité) bien que si les deux comportement se produisent successivement et recouvrent touts les deux, pratiquement, l’intervalle des basses température (T≤450 K). Le point (iii), montre que le multiscaling est amplifié à mesure que la température augmente, contrairement aux deux autres comportements d’échelle cités en (i) et (ii) ; ce phénomène est donc activé plutôt à haute température.

En tenant compte des termes à dérivés d’ordre (n) supérieur dans l’équation LDV (que nous avons résolue analytiquement) nous avons montré que les exposants critiques suivent une variation continue en fonction de n conformément à la variation des exposants de nos simulations en fonction de la température. Dans le cas d’une surface instable vis à vis du méandrage (effet ES), une équation continue avec un bruit non corrélé a été proposée pour décrire la rugosité cinétique multi-affine anormale. Cette rugosité due aux fluctuations dans le flux de dépôt, se couple à la morphologie instable grâce au transport diffusif et donne naissance aux corrélations spatiotemporelle dans le bruit.

5. Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons passé en revue sur les principaux modèles proposés dans la littérature pour décrire la croissance cristalline. Nous avons vu qu’il est possible de répertorier certaines modèles de croissance dans des classes d’universalité suivant leurs exposants critiques dans le cas où les lois d’échelle décrivant ces modèles sont assez simples (définies par trois exposants critiques, α ,β , z ) comme dans le cas des surfaces auto-affines. Cependant, pour les surfaces multi-affines, de nouveaux phénomènes vont apparaître (tels que la super-rugosité, l’anomalie d’échelle et le multiscaling), le nombre des exposants critiques

devient supérieur à trois (un exposant κ ≠0 et un exposant de rugosité local, αloc), et le problème devient plus complexe. Dans ce cas, il existe des divergences entre les valeurs des exposants critiques trouvés par les différents groupes de recherches. En effet, cette divergence résulte de deux types de difficultés. La première provient d’une mauvaise compréhension de l’origine exacte de ces comportements. La deuxième est d’origine purement numérique, due à la difficulté de trouver des solutions exactes (des exposants critiques) pour les équations non linéaires décrivant un modèle quelconque. Malgré les nombreux efforts faits jusqu’ici, aussi bien sur le plan théorique que par des simulations numériques, les équations mathématiques décrivant la dynamique de ces modèles, sont souvent difficiles à résoudre numériquement et donc, il est souvent impossible de trouver les exposants critiques du modèle étudié sous forme analytique.

Cette difficulté provient principalement de deux points : d’un coté, de la non linéarité des équations de la croissance, c’est souvent le cas dès qu’il y a des instabilité qui apparaissent, et d’un autre coté, de la nature stochastique du bruit associé à l’événement de dépôt, auquel s’ajoute un bruit dû aux inhomogénéités spatiales (développement des instabilités morphologiques rencontrés dans le premier chapitre).

Afin d’extraire les exposants d’échelle, plusieurs méthodes ont été utilisées : méthodes théoriques (des groupes de renormalisation combinés avec une résolution intégrale des équations de la croissance), les méthodes numériques, et les données expérimentaux, mais les résultats issus de ces études révèlent parfois un désaccord important entre ces exposants. Enfin, nous pensons que, quelque soit la méthode de calcul utilisée, il est nécessaire de comprendre, en amont, l’origine exacte des instabilités qui se développent pendant la croissance pour pouvoir décrire la dynamique d’un modèle de croissance donné avec le plus de précision possible.

La démarche suivie dans la seconde partie de ce travail, étude de la TWD, constitue un autre moyen, qui se situe en réalité en aval, d’aborder le problème des instabilités. Elle se repose sur l’étude de la dynamique des marches.

Chapitre IV

Les interactions entre marches : Evolution