• Aucun résultat trouvé

mise à l’équilibre thermodynamique

3. Les différentes types d’interactions entre marches

3.1. Introduction

Pendant longtemps, les marches sur les surfaces vicinales ont été étudiées dans l’approximation des marches isolées (sans interaction). Ceci est vrai si la distance entre marches est assez grande (au moins dix fois la distance inter-atomique). Cependant, plusieurs études expérimentales qui ont été réalisées sur des surfaces vicinales, révèlent que l’hypothèse de marches isolées reste valide jusqu’à une densité de marches assez faible. D’un point de vue cristallographique, en particulier les surfaces à faible indices de Miller, par exemple les surfaces vicinales des métaux cfc du plan (001) comme (113), (115) et (117), ou la surface (997) du plan vicinale (111), ont une distance inter-marche moyenne faible, de l’ordre de 1.5 à 8 distances atomiques uniquement. Dans ce cas, les marches voisines ont une influence considérable sur les fluctuations du bord des marches. D’autre part, du point de vue énergétique, il est bien connu que la morphologie d’une surface vicinale dépend de l’énergie de surface. En effet à température nulle (Fig.IV-2-a), les atomes minimisent leur énergie potentielle, en s’alignant sur des rangées régulières. Les marches sont parfaitement droites et la surface est stabilisée sur l’un de ces plans cristallins. A température non nulle les atomes

TW

x

sont thermiquement excités, ce qui se traduit par une fluctuation des marches qui ne sont plus droites : on observe alors la formation des crans en bord des marches. La figure (Fig.IV-3) montre l’évolution de la densité globale de crans sur plusieurs surfaces à marches, en fonction de l’inverse de la température, T, et de la distance entre marches, L.

Fig.IV-2- Surfaces vicinales à 2D. La surface est lisse à T=0 (a) et rugueuse pour T non nulle (b).

La densité de crans par marche, obtenue en multipliant par L - c’est-à-dire en divisant par le nombre de marches - la densité globale de crans de la Fig. IV-3, varie quasiment comme L3/4exp(−Ea/2kBT) où l’énergie de liaison E =0.3 eV et a 525KT ≤600K. La valeur de l’énergie d’activation se comprend sans difficulté. En effet, l’énergie de création d’un cran (kink) dans une marche [100] d’un cristal cubique simple s’obtient, en ne comptant que les liaisons brisées, par l’expérience idéale suivante : on extrait un atome du bord d’une marche droite en cassant trois liaisons, et on le recolle le long de la marche, en créant quatre crans et en recréant une liaison. L’énergie par kink est alors : Ek=(3EaEa) / 4=Ea/2.

Par contre, la dépendance de la densité de kinks en L3/4 n’est pas si simple à comprendre : c’est une manifestation évidente de l’action des autres marches sur l’amplitude des fluctuations.

Les fluctuations sont en fait limitées par les interactions répulsives entre marches (voir plus loin). Ces interactions peuvent être de nature très différente, mais selon leurs origines, on peut distinguer trois interactions essentielles : entropique, élastique et dipolaire. Les deux premières sont répulsives, tandis que la dernière peut être attractive ou répulsive selon la nature des dipôles présents en bord de marche.

Fig.IV-3- Evolution de la densité de crans en fonction de : (a) la température T pour L=10, (b) la

distance entre marches L, pour T=580 K. les autres paramètres sont fixes : LxxLy=400x400, Ea=0.3eV, Ed=1.eV. La rugosité des marches augmente linéairement (échelle log.) en fonction de T et diminue en fonction de la distance inter-marche. La densité de crans par marche se trouve en multipliant ces valeurs par L

3.2. Interaction entropique

L’interaction entropique résulte d’une caractéristique fondamentale des marches fluctuantes, qui est l’anti-croissement, car leur déplacement est limité par la position des marches voisines. En effet, la déformation du réseau cristallin engendre une contrainte géométrique forte qui empêche le croisement de deux marches. Dans l’approximation ‘fermionique’, l’anti-croisement des marches est l’équivalent du principe d’exclusion de Pauli

19 20 21 22 0,006 0,008 0,01 0,012 0,014

(-0.14±0.01) eV

1/k

B

T (eV

-1

)

Densité de kinks

d

k

d

k

~exp(E

a

/2k

B

T)

1 10 0,005 0,01 0,015 0,02 0,025 0,03 L Densité de kinks -0.74 ± 0.09

d

k (a) (b)

pour un système de fermions en interaction. Contraindre une marche dans une région limitée de l’espace restreint le désordre lié aux fluctuations de marches et réduit l’entropie, ce qui augmente l’énergie libre. Le coût énergétique associé à la condition de non croisement des marches a été estimé par Bartelt [Bartelt 92]. On montre, par analogie avec un système de fermions en interaction [Barreteau 02], que cette énergie d’interaction se comporte en 1/l2

pour une faible densité de marches: Eintentrop = Aentrop(T)/l2; Aentrop >0.

Fig.IV-4- Répulsions entropiques : fluctuation des marches et principe d’anti-croisement des marches.

3.3. Interaction élastique

L’interaction élastique entre deux atomes ou deux marches est un phénomène à longue portée. Un réseau cristallin non rigide a toujours tendance à se relaxer vers une configuration d’équilibre. La relaxation des plans atomiques au voisinage d’une marche conduit à un champ de déformation élastique dans le cristal. Si deux marches sont suffisamment proches l’une de l’autre, leurs champs de déformation interfèrent, donnant naissance à l’interaction élastique [Blakeley 71] (voir Fig.V-5).

Cette relaxation est d’autant plus forte que les atomes de surface ont perdu des voisins par rapport au volume. Les atomes du bord de marche notamment, ont une coordinance plus

répulsion entropique δ δ δ δS/l2 = (ππππ2 /6)(KBT/ββββl2)

croisement interdit fluctuation du bord des marches

faible que les atomes de la terrasse et vont en conséquence subir une relaxation plus importante. Ce terme d’interaction élastique a été calculé dans la limite du milieu élastique, c’est à dire pour des marches continues et suffisamment éloignées par Marchenko et al. [Marchenko 80]. Ils ont montré que cette interaction est inversement proportionnelle au carré de la distance séparant deux marches voisines. Elle est répulsive pour des marches de même signe, tandis qu’elle peut être attractive ou répulsive, suivant la nature des atomes, dans le cas des marches de signes opposés.

L’interaction élastique due au recouvrement des champs de déformation s’écrit sous la forme

suivante : Eintélast = Aélast(T)/l2, Aélast >0.

A ce titre, d’autres ajustements par des potentiels empiriques de l’énergie de marche en fonction de la distance entre marches ont été proposés et sont souvent bien meilleurs et le comportement asymptotique est préservé. Par exemple dans le cas du cuivre, Barreteau et al

[Barreteau 02] ont proposé la forme de potentiel : A/l2 +B/l2 (A>0,B<0).

Fig.IV-5- Répulsion élastique : relaxation du réseau et fluctuation du bord des marches.

3.4. Interaction dipolaire électrique (électrostatique)

Dans le cas des surfaces métalliques, la distorsion de la densité de charge électronique au voisinage d’une marche conduit à une augmentation du moment dipolaire électrique par rapport à la face dense. Cette ligne supplémentaire de dipôles a été mise en évidence théoriquement par simulation dans le cadre du formalisme de la densité fonctionnelle (DFT)

Relaxation du réseau

l

l

Fluctuation du bord des marches répulsion élastique δ δ δ δel/l2 ~ γγγγ2 /El2

<l>

[Peralta 79]. On observe, en effet, que le travail de sortie des électrons des faces vicinales varie linéairement avec la densité de marches, ce qui est la signature de la présence d'un moment dipolaire en bord de marche. Par cette méthode, L. Peralta a pu mesurer la composante perpendiculaire d du moment dipolaire sur un échantillon cylindrique de cuivre

41 . 0

=

d D/m (1D=3.336.10-30C.m). L'interaction dipolaire électrique varie donc, comme les interactions entropique et élastique, en 1 l/ 2. Elle peut être soit attractive soit répulsive suivant l'intensité relative des composantes parallèle et perpendiculaire du moment dipolaire à la surface. On exprime l'énergie d'interaction dipolaire par site sous la forme :

2 int A / l

Edip = dip ; Adip >0 ou Adip <0 selon l’orientation du dipôle, où l est la distance entre marches [Barbier 96].

En conclusion, il est important de noter que, malgré leurs origines différentes, ces trois

types d'interaction présentent la même dépendance en A/ l2, leur importance relative dépend du système étudié ; ainsi, dans le cas du cuivre, par exemple, les interactions répulsives entropique et élastique sont dominantes [Barbier 96].

3.5. Autres types d’interaction plus faibles

- Interaction électronique : Ces interactions ont été mises en évidence théoriquement par

S-Papadia et al. [S-Papadia 96] et calculées expérimentalement par F. Raouafi et al. [Raouafi 02] sur des métaux comme le Cu, Pd et Rh. Ces auteurs ont effectué un calcul de la structure électronique pour des surfaces vicinales de largeur de terrasse variable et montrent que l’énergie d’une marche varie de manière oscillante entre les deux marches qui la côtoient. Ces interactions sont dues aux interférences entre les oscillations de la densité de charge de type Friedel produite par chaque marche. Des oscillations de même nature ont été observées par STM dans le cas d’adatomes sur la surface (111) du cuivre [Knorr 02], mais également au voisinage des marches sur les métaux nobles (Argent, Cuivre) [Bürgi 00, Ortega 00]. Enfin, remarquons qu’il est difficile de dériver une forme analytique générale pour ces interactions car elles dépendent fortement des détails de la structure électronique (par exemple de présence ou non d’état de surface au niveau de Fermi), de la géométrie du système et du matériau considéré [Raouafi 02].

- Interaction phononiques : C. Barreteau et al. [Barreteau 02] ont mis en évidence une

des vibrations à l’énergie de la marche varie en fonction de la vicinalité et que cette variation s’amplifie avec la température. Aussi, la contribution vibrationnelle à l’énergie de marches,

vib marche

F , est une fonction croissante de la largeur des terrasses. En conséquence, cette interaction est attractive, mais ces auteurs n’ont pas prouvé formellement que cette interaction est attractive quel que soit l’élément ou le type de marches.

En conclusion : les interactions électroniques et phononiques restent encore mal interprétées et difficiles à mettre en équation quand il s’agit des interactions entre marches. Il faut noter aussi que ces énergies d’interaction, en particulier l’énergie phononique, sont très faibles et ne contribuent que très modestement à l’énergie de la marche [Barreteau 02]. Dans les modèles théoriques, que nous allons détailler par la suite, nous ne tenons pas compte de ces deux dernières interactions.