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Les dénominations du genre a.

Définir le roman-photo comme un roman, un récit, une histoire, présenté(e), sous forme de photographies et de légendes, semble simple et ne pas contrevenir à e ue l o sait, ou ue l o oit sa oi , de l objet. À cette définition, qui synthétise les propositions de plusieurs dictionnaires42, correspondent toutefois plusieurs entrées : photo-roman, photoroman43, roman-photo44. Ces déclinaisons terminologiques parlent toutes d u même objet articulant photographie et texte, dans le but de produire un récit ; elles indiquent toutefois, la volonté des spécialistes de hiérarchiser les pratiques. Dans Le roman-photo45 par exemple, Saint-Michel différencie photo-roman et roman-photo : le premier consiste selon lui, en un objet où la photographie est prépondérante, et quasiment autonome vis-à-vis du texte ; il serait en tant que tel, de nature présumée supérieure au roman-photo ui el gue ait, ua t à lui, la roman-photog aphie au a g d illust ation46. De même, Chirollet47 o ue la pa ti ula it de l o jet « photoroman », face au plus populaire roman-photo défini par le Larousse « comme une intrigue romanesque ou

42 Jean Baptiste FAGES & Christian PAGANO, Dictionnaire des média, Tours, Mame, 1971. Pierre GILBERT, Dictionnaire des mots nouveaux, Paris, Hachette-Tchou, "Les Usuels", 1971.

Le Dictionnaire des média définit le photo-roman comme un « roman, récit, présenté sous forme de photographies qui s e haî e t et ui so t o e t es pa des te tes efs ».

Le Dictionnaire des mots nouveaux propose une définition sensiblement identique « PHOTO-ROMAN ou photo o a : histoi e a o t e sous fo e de photog aphies a o pag es d u e l ge de ». Il précise e e a he l e iste e de deu itu es du ot.

43T adu tio litt ale de l italie fotoromanza.

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Précisons également un point qui en dit long sur la reconnaissance du genre, à savoir son absence, sous quelque occurrence que ce soit, des dictionnaires comme le Littré, et le fait u il doi e se o te te d u e seule o atio e a e e de la d fi itio du o a da s le Trésor de la langue

française.

45 Serge SAINT-MICHEL, Le Roman-photo, op. cit.

46 Idem., p.11 : « Nous réserverons le mot photo-roman aux créations où les photos contiennent assez d i fo atio s pou o stitue à elles seules u ita le it, le te te a a t, da s elui-ci, u u e fo tio d a age et/ou de elais.[…] Nous e ploie o s au o t ai e le ot roman-photo pour les réalisations où la photo reste encore énormément tributaire du texte. ».

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policière racontée sous forme de photos accompagnées de textes, intégrés aux images48 » ; il insiste sur la nécessité d u e appellation « photoroman » plutôt que « roman-photo », « afi d ite auta t ue possi le de le o fo d e a e u ge e romanesque, et, par-là, de symboliser la prééminence de la photographie49 ».

Le photoroman apparaît donc comme un objet à caractère profondément photographique, et se trouve valorisé par ce parti pris. Cette valeur reste néanmoins très dépendante du jugement personnel, et surtout suffisamment large pour concerner des objets très distincts : u il s agisse de photog aphie a ati e – Chirollet s i t esse pa e e ple au t a ail de Dua e Mi hals–, ou de pratiques plus triviales – Blanchard50 évoque notamment le singulier Satanik51(Fig. 8) –, ces objets, aussi différents soient-ils, sont tous appelés photoromans.

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Chirollet ne donne pas plus de précision sur cette définition empruntée au Larousse. Idem, p.9.

49 Ibidem.

50 Gérard BLANCHARD, « Du Roman-photo au photo-roman », in Les langages de notre temps, numéro spécial Communication et Langages, Paris, septembre 1971, p.191-205.

51 Publié sous le titre Killing à partir de 1965 par les éditions Ponzoni (Italie), cette série photo o a es ue d histoi es i i elles, est t aduite et pu li e e F a e la e a e ais, jugée violente et trop explicitement érotique, elle sera interdite après dix-neuf numéros (1967).

Fig. 8 Satanik « Le spectre de la mort »

n°8, décembre 1966, Couverture, p.8 et p.140 coll. part.

49 La d sig atio d objets photographiques hétéroclites, sous un seul et même vocable, pose pourtant uestio . “i l o o pa e les réflexions qui mènent à cette désignation de photoroman, il apparaît u elles o t toutes e o u de alo ise la forme photographique, ais gale e t u elles s atta hent toutes à en analyser un trait particulier : l o igi e du photoroman pour Blanchard, l i flue ce du cinéma dans le photoroman pour Chirollet, le photoroman comme objet sociologique pour Sullerot52, ou encore la dimension pédagogique du photoroman pour Saint-Michel53. Ces approches analytiques ne se contredisent pas foncièrement ; mises bout à bout, elles semblent même générer, logiquement, une histoire. Elles sont pourtant trop circonscrites, et trop dépendantes d u f e t e t ieu , pou ue leur combinaison mène à une histoire globale. E sui a t l a al se de Bla ha d, on admettra par exemple, que « le prétexte romanesque à nous montrer des filles nues a permis au roman-photo, t i utai e e o e de l it, de alo ise le ôle de la photo » et que « est à pa ti de e o e t-là seule e t ue l o peut pa le de photo-roman54 ». Par conséquent, tout objet présenté comme photoroman, s i s i ait da s la filiatio d u e p odu tio à a a t e oti ue… O , de Satanik à Duane Michals, il e s agit pas des es o jets.

Enjeu terminologique b.

Les analyses de Saint-Michel, de Chirollet et de Blanchard, sont, sur un plan méthodologique et théorique, très différentes ; elles se fondent toutefois sur le e o stat d u e duplicité de tout objet articulant photographie et texte : le roman-photo d u ôt , et une pratique alternative de ce dernier, le photoroman. Si Baetens55, ne dément pas littéralement ce fait, il parvient, en égrenant pour cela quelques questions, à le relativiser :

52 Évelyne SULLEROT, « Les Photoromans », in Noël ARNAUD, Francis LACASSIN, Jean TORTEL, (sous la direction de), Entretiens sur la paralittérature, colloque du centre culturel de Cerisy-la-Salle, 1-10 septembre 1967, Paris, Plon, 1970, p.121-141.

53 Serge SAINT-MICHEL, Le Roman-photo, op. cit.

54 Gérard BLANCHARD, « Du Roman-photo au photo-roman », op. cit., p.203.

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Comment décider par exemple à partir de quel moment les contenus verbaux deviennent redondants ? Que faire des plages de « photo-roman » incluses dans la majorité des romans-photos, o p is da s eu ui a o de t à l it u e pla e d ho eu ? Et o e t ou lie ue e l ou age entièrement privé de légendes ou phylactère ne peut jamais être amputé des éléments écrits logés dans son pourtour ou

isi les au sei de l u i e s photog aphi 56

?

Baetens et i i e ide e ue l tude du o a -photo e se satisfait pas d u e répartition aussi stricte des pratiques (roman-photo et photoroman). Le dispositif exploite, avec une certaine flexibilité, toutes les ressources combinatoires du texte et de l i age.

L op atio de diff e iatio e t e les p ati ues du o a -photo et du photo o a , esso ti ait à u e a œu e s a ti ue. U e a ipulation nominale qui serait susceptible d a te du ha p, les pratiques combinatoires (texte-image) les plus critiquées/critiquables. Alors ue la pei tu e s appuie su des ualifi atifs pou se d te i e g a de ou petite, de ge e ou d Histoi e , le oman-photo - qui ne bénéficie quant à lui ni de références littéraires et picturales prestigieuses, ni e d u postulat a ifeste e t positif - devrait être extirpé de sa propre terminologie pour exister sérieusement ou esthétiquement, et devenir ainsi digne d i t t. U e diffusio e suelle d au oi s uat e illio s e e plai es57 et vingt millions de lecteurs ne suffisent de fait pas à sa reconnaissance. Suspectée de contraindre commercialement le genre, en le soumettant à une obligation de vente, cette diffusion à succès constitue plutôt un frein à la reconnaissance statutaire du roman-photo. Dans une définition de la culture de masse, Georges Friedmann souligne bien la di e sio i dust ielle d u ph o e

caractérisé par une poussée vers le conformisme et le produit sta da d […]. Da s le ad e des o o ies apitalistes où de puissa ts ou a ts te de t a tuelle e t à l ho og isatio des couches sociales et à une consommation maxima des biens

56 Jan BAETENS, Du Roman-photo, op. cit., p.10.

57 Sylvette GIET, Nous Deux... Pa a go de la p esse de œu , op. cit.

Voir « Presse féminine et diffusion comparée de six titres » (voir Schéma 1/ Tableau 1).

Voi gale e t les hiff es fou is pa le C.E.“.P. Ce t e d Études des “upports Publicitaires) et l O.J.D. Offi e de Justifi atio de Diffusio .

51 produits, le conformisme et la sta da disatio so t […] les

courants dominants58.

Le genre est de toute évidence normalisé59, mais dans le cas particulier du roman-photo, le problème est pas tant elui d u e standardisation, que celui de la destination de celle-ci, à savoir un lectorat populaire, issu du milieu ouvrier et de i eau d du atio p i ai e60. Le ge e se ait d auta t plus d o sid u il s ad esse à une catégorie de personnes à faible coefficient culturel, et suspectées de ne pas pouvoir accéder à des objets culturels élabo s. Il e s agit pas i i d alue e ui el e d u e fo e de s g gatio so iale et e ui tie t d u e vérité sociologique, mais de constater que cette suspicion induit autant les préjugés de dio it à l ga d du o a -photo, u elle pilote les o ientations du roman-photo. Le basculement du roman-photo au photoroman est une tentative de valoriser une pratique narrative plus photographique et moins illustrative, plus artistique et moins commerciale, plus inspirée et moins systémique. Cette opération doit permettre au roman-photo de passe à u aut e i eau d a al se et de o aissa e, u i eau au uel so ge e, jug t op udi e tai e, e l auto ise d o di ai e pas à a de .

58 Georges FRIEDMANN, « Enseignement et Culture de masse », in Communications, n°1, Paris, Seuil, 1961, p.7.

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Cf. Theodor W. ADORNO & Max HORKHEIMER, « L I dust ie ultu elle », in La Dialectique de la

raison : fragments philosophiques, Paris, Gallimard, 1974 (traduction de Dialektik der Aufklärung,

1947).

60 Sylvette GIET, Nous Deux... Pa a go de la p esse de œu , op. cit., voir « Les données chiffrées

relatives au lectorat de Nous Deux » ( Schéma 2 et Tableau 2).

Serge SAINT-MICHEL, Le Roman-photo, op. cit., p.152. Voir les moyennes annuelles de diffusion de l he do adai e Nous Deux.

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Schéma 1 Presse féminine: diffusion comparée de six titres

1947 1957 1967 1977 1987 Nous Deux 326 000 1 607 000 991 000 1 000 500 666 500 Intimité 536 500 617 000 659 500 349 000 Confidences 419 500 486 500 291 500 Femmes d'aujourd'hui 688 000 1 288 000 461 500 400 000 Elle 303 000 661 500 531 000 282 000 346 000 Marie-Claire 723 000 487 500 429 500 608 000

Tableau 1 Presse féminine : diffusion comparée de six titres

(données hiff es e o e d e e plai es

Les moyennes, par année, correspondent aux ventes mensuelles des titres. Les chiffres sont arrondis.

Les magazines Elle et Marie-Claire ne contiennent pas de romans-photos ; ils sont mentionnés à titre comparatif, permettant ainsi de relativiser la diffusion des revues proposant des romans-photos.

Do es hiff es issues de l OJD, p se t es et o e t es pa Giet en annexe de sa thèse de doctorat Nous Deux. Parangon de la p esse de œu . T a sfo atio des fo es, ta o phoses de l'amour et évolution sociale. Université de Strasbourg, Sciences de l'information et de la

communication, 1997. 0 500 000 1 000 000 1 500 000 2 000 000 1947 1957 1967 1977 1987 exemplaires Nous Deux Intimité Confidences Femmes d'aujourd'hui Elle Marie-Claire

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Données chiffrées extraites des tudes d audie e du C.E.S.P. Ce t e d Étude des Supports de Publicités), présentées et commentées par Giet, en annexe de sa thèse de doctorat Nous Deux.

Parangon de la p esse de œu . Transformation des formes, métamorphoses de l'amour et évolution sociale. Université de

Strasbourg, Sciences de l'information et de la communication, 1997.

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: suiva t l olutio des s st es de classement du CESP, les

catégories: « - de 10 000 hbts », « 10 à 50 000 hbts », et « 50 00 hbts et + », deviennent à partir de 1977: « - de 20 000 hbts », « de 20 000 à 100 000 hbts » et « 100 000 hbts et + »

Giet précise que les résultats de Fe es d’aujou d’hui sont à manier avec précaution compte tenu

du fait ue, jus u e , les hiff es o u i u s o e e t la diffusio du tit e e F a e et e Belgique.

Schéma 2 Caractéristiques du lectorat de Nous Deux

Tableau 2

Caractéristiques du lectorat de Nous

Deux 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 po ur ce nt ag e de le ct eur s Titre de l'axe

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