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On parle, à l'apogée du genre, d'une diffusion, tous titres confondus, de près de vingt millions d'exemplaires chaque mois21 répartis entre cent quarante titres e e s s et d u le to at alu à six millions de français. Cette audience doit être reconsidérée à la hausse si l'on tient compte de la circulation du titre : cercle de la famille, des amis, du travail. Saint-Michel propose une réévaluation de la réception à raison de trois lecteurs par titre22. Blanchard précise quant à lui que le roman-photo est « un des rares types de publications qui dépassent quatre lecteurs à l e e plai e23 ». Il est toujours possible de relativiser le succès du roman-photo, en particulier lorsque ce dernier est publié en supplément dans certaines revues à a a t e g aliste agazi e t l , fa iliau , d a ts age s et ue ie e pe et d affi e s il a t lu ; partant, o e t e pli ue , hiff es à l appui24, l aug e tatio auto ati ue des e tes, pou toute e ue o -spécialisée qui intègre un roman-photo dans ses pages ?

Le roman-photo est pas i pos au pu li , mais au contraire plébiscité par e de ie . À tel poi t ue des e ues, pou ta t loi d affi he de l i t t pou le genre, cèdent à la pression du public et finissent par intégrer des romans-photos dans leurs pages.

Le pu li e essa de a ifeste so goût aup s d aut es périodiques qui ne publiaient pas de photoromans. Confidences fut le premier à céder, en 1959, aux très nombreuses demandes de ses lecteurs et, malgré le coût très le du photo o a […] se sig a à e alise . Les lett es réclamant des photoromans affluèrent alors à Femmes

d’Aujou d’hui, à Bonnes Soirées, à l’É ho de la Mode25

.

Il y a un véritable engouement populaire pour le genre photoromanesque et Saint-Michel se demande:

21 Audience du roman-photo. Serge SAINT-MICHEL, Le Roman-photo, op. cit., p.25. Diffusion comparée de six titres de la presse féminine. Sylvette GIET, Nous Deux... Parangon de la presse de

œu , op. cit., annexe II (Tableau 1).

22 Serge SAINT-MICHEL, Le Roman-photo, op. cit., p.26-27.

23

Gérard BLANCHARD, « Du roman-photo au photo-roman », op. cit., p.194.

24 « Pour Bonnes Soirées, hebdomadaire qui tire à 800 000 exemplaires, les sondages régulièrement organisés sur des échantillons de trois cents personnes donnent un chiffre de deux cent quarante-cinq lectrices qui lisent le photoroman » ; Sullerot ne précise pas les dates de réalisation de ces sondages : ils sont à resituer au début des années soixante. Évelyne SULLEROT, « Photoromans et œu es litt ai es: ali i ou olution culturelle?», op. cit., p.79.

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Comment expliquer la permanence de la fascination exercée depuis t e te a s pa e o e d e p essio su le pu li e ressemblant en aucune manière aux populations traumatisées et assoiffées de bonheur des lendemains de la victoire26 ?

Le roman-photo est une distraction bon marché, qui trouve sa place dans le foyer, u o jet ue l o peut ais e t fai e i ule . C est aussi u e p opositio ui fa ilite l a s à la a atio , au histoi es : une alternative au roman à destination d u le to at a ide de fi tio ais d ou ag pa les pages des li es, ou encore une alte ati e au i a, o e l taie t d jà les i -romans-photos. “ appu a t su un communiqué de Nous Deux, qui annonce, le 9 août 1950, la parution de son nouveau numéro en ces termes : « la semaine prochaine, une grande nouveauté sensationnelle, la formule inédite la plus moderne : un grand film en couleurs pour ous seuls […] », Giet présente d ailleu s le roman-photo comme une sorte de « cinéma à domicile27», à desti atio ota e t d u pu li u al, souvent éloigné des salles28. Au-delà de ces raisons pragmatiques qui peuvent justifier son succès, le roman-photo est su tout et uoi u o e pense, u o jet ui sait s ad esse à so pu li et s e a i e da s le uotidie du le teu .

Les contraintes normatives c.

Le succès du roman-photo se o st uit su la ase d u e o o da e, savamment orchestrée, entre les attentes du lecteur et la production photo-romanesque. Cette concordance est souvent jugée comme une facilité ui s i pose au détriment de toute inventivité. Considéré comme un genre contraint par un code do t il est u u e it atio pe a e te, le o a -photo ne saurait être admis comme un objet de création. Ce qui fait le succès du roman-photo, nourrit donc aussi les reproches à son égard.

26 Serge SAINT-MICHEL, Le Roman-photo, op. cit., p.7.

27Sylvette Giet, « Le Roman-photo sentimental traditionnel lu en France », in Jan BAETENS & Ana GONZALES (dir.), Le Roman-photo, actes du colloque de Calaceite, du 21 au 28 août 1993, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1996, p.7.

28 Évelyne SULLEROT, « Photo o a s et œu es litt ai es: ali i ou olution culturelle?», op. cit., p.78.

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Un support astreignant 1)

La périodicité du roman-photo, pa e u elle et l histoi e e late e, est u e double contrainte dans la mesure où elle concerne autant le récepteur/lecteur, qui de eu e e suspe s d u u o à l aut e et a donc tout le temps de fantasmer u e suite, ue l etteu du roman-photo, qui doit faire en sorte que cette suite soit à la hauteur. Ce système de communication a ie d original, mais a une incidence systématique sur la structure du récit29 : la régularité hebdomadaire de l o jet roman-photo de ie t elle de l i t igue et i pose u e o ga isatio des e o disse e ts à te p a e ts. Le th e de l histoi e est travaillé de telle sorte que chaque épisode fournit un élément vers la résolution du mystère, une avancée dans la quête amoureuse, ou toute autre péripétie susceptible de relancer le récit. Il a pas de stag atio possi le, le le teu atte d uel ue hose et doit l o te i ha ue se ai e, sa s uoi il pou ait e pas a oi e ie de pou sui e l histoi e.

Le respect des règles 2)

Ce code qui va définir le genre peut se résumer pour Saint-Michel, à :

Une ordonnance rigide du récit construit selon un agencement de elatio s i ua les […] :

- bonheur à conquérir ou mystère à découvrir - menaces ou épreuves et/ou malentendus - combinaisons des fonctions précédentes30.

Le non-respect de ces normes ou la proposition de nouvelles, constituerait une transgression du genre en soi. Les règles sont strictes, et le roman-photo s appli ue à les suivre. Les reproches u o pou ait fai e à e sujet, ne sont pour autant pas légitimes car le roman-photo est i plus, ni moins, o t aig a t u u aut e genre : peut-on en effet envisager un roman ou un film policier sans la résolution de

29De e, le s st e de pa utio he do adai e d u o a -feuilleton, a eu une influence sur sa structure narrative ; le succès du genre au XIXème siècle, tient beaucoup à la structuration du récit en adéquation avec le fo at de diffusio . Les o a s taie t pas si ple e t d oup s, mais pensés pou ue ha ue pa utio p opose u e o disse e t ou u e i fo atio fo te. C est e ela ue l o peut o sid e le o a -feuilleton comme un genre en soi.

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l e u te ? U o a ou u fil d a e tu e sa s e o disse e ts ? Il faut alors d passe ette p e i e tape de st u tu atio et sig ale e ui fait u u o a -photo sentimental est un roman--photo sentimental.

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