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Roger Guesnerie

Dans le document CONSEIL D ANALYSE ECONOMIQUE (Page 83-86)

concurrence. Ceci existe déjà ailleurs dans les banques : afin de protéger les intérêts des épargnants,  une directive européenne impose à toutes les banques une muraille de Chine entre les activités de  marché et les activités de gestion d’actifs. La partie gestion d’actifs de la Banque X, quand elle achète  ou vend des actifs, est obligée de considérer la partie ‘marchés’ de la Banque X comme un  fournisseur comme les autres et de mettre plusieurs contreparties en concurrence. Aujourd'hui, tout  le monde considère cette réforme comme saine : elle évite une collusion à l’intérieur de la Banque X  qui se ferait, via les prix d’achat et de vente, sur le dos des épargnants.  

Ma suggestion est analogue. Établir une Muraille de Chine entre la banque de détail et la gestion  d’actifs : celle‐là serait obligée de mettre en concurrence les produits d’épargne vendus au guichet à  l’épargnant final. Même s’il est difficile de repérer les bons produits d’épargne de l’avenir, un tel  mécanisme mettrait un peu plus de concurrence, d’efficacité et de transparence dans la gestion et la  distribution  de  l’épargne.  Cette  diversification  de  l’offre  des  produits  de  gestion  s’appelle  l’architecture ouverte. En particulier, ceci permettrait de faire baisser, par transparence, les marges  de gestion (que GARNIER et THESMAR identifient comme un élément important du choix des  produits d’épargne).  

Les critiques de l’architecture ouverte avancent deux arguments :  

• La ‘confusion des clients’ devant les marges affichées qui les feraient hésiter à épargner. 

C’est  un  argument  classique des lobbies  de producteurs  contre  la concurrence qu’ils  récusent : « il ne faut pas de concurrence, la multiplicité des prix va déstabiliser les clients ! ». 

Nous avons déjà entendu cet argument lors de l’ouverture du secteur des télécoms à la  concurrence dans les années 1990…  

• Le risque ‘MADOFF’ : les banques pourraient vendre à leurs clients des produits d’épargne  frauduleux. Ici aussi la réponse est simple : il suffit que l’AMF et la Banque de France  n’autorisent les banques à commercialiser que des fonds dûment audités et contrôlés par  l’AMF –ce que n’étaient pas les fonds MADOFF.  

 

4) Une désaccord avec le rapport. GARNIER et THESMAR proposent (dernier chapitre, 2) a) que 

« l’État verse une prime (dégressive avec l’âge et tombant à zéro à 40 ans) qui viendrait abonder les  versements en PERCO et PERP ». J’en comprends la logique : inciter les jeunes ménages à épargner  tôt. Mais à une époque de large déficits publics et de chômage de masse, je ne suis pas du tout sûr  qu’il soit socialement optimal (au sens de l’efficacité économique et au sens de la justice sociale, par  ex. au sens de RAWLS) d’élargir les déficits publics pour cette cause.  

   

Roger Guesnerie   

Le rapport présenté par O. Garnier et D. Thesmar est un texte de qualité. Il faut tout d’abord  souligner qu’il fournit une mine d’informations sur les phénomènes à l’étude, qu’il s’agisse de  l’épargne longue et des risques financiers. 

On ne peut manquer d’être particulièrement sensible à l’effort de comparaison internationale, fait  par les auteurs. Cet effort porte par exemple, je cite un peu dans le désordre, sur les grandes masses  des patrimoines, sur l’effet des système de retraites   dans l’explication des détentions des divers  actifs financiers, sur l’effet petit pays dans les échanges de capitaux, et sur la variation des parts  intérieures et étranger de la détention d’actions…Le rapport a aussi le mérite de présenter des  informations importantes, pour lesquelles je ne connais pas de source synthétique accessible à ceux 

qui sont quelque peu éloignés du sujet, sur tout ce qui concerne les rentabilités sur les marchés  financiers. Il passe en revue les rentabilités comparées à long terme des actions, obligations, et  rappelle les questions lancinantes sur l’explication de ces évolutions, qui vont de l’énigme de la prime  de risque, à la réversion à   la moyenne dans le cours des actions et la pertinence prédictive du 

« price‐earnings » ratio.  

 

Voilà donc un rapport extrêmement riche en informations, et comme il se doit pour un travail du CAE,  c’est un rapport qui s’efforce de bien faire le départ entre les enseignements de théorie économique  et de l’analyse empirique, et les axiomes de la philosophie économique libérale. Cela va sans dire,  mais sans doute vaut il mieux le dire, à un moment où l’on peut se demander     si ce n’est pas la  substitution aux enseignements du savoir économique d’une philosophie économique libérale à tout 

Ma première remarque conséquente rebondit sur la référence qui vient d’être faite à la  philosophie économique libérale : le principe 1, selon la dénomination adoptée, qui est mis en  exergue affirme que « l’objectif premier de la politique de l’épargne doit être non le financement de  la politique mais le bien‐être des ménages dans une perspective de cycle de vie ». Ce principe a un  certain air de parenté ressemblance avec un axiome de la philosophie libérale. Il faut répèter que  vous vous efforcez de le justifier en économistes, mais on peut  trouver en l’occurrence les  justifications, de l’ordre d’une demie‐page dans la version initiale, un peu courtes, et ce pour trois  raisons.  

La première est simplement que, comme il est souligné dans le rapport,  une grande partie  de la politique antérieure de ce pays relève d’une autre analyse : la réfutation d’aussi longs  errements mérite sans doute plus pour être convaincante.  

La seconde est que la description que vous faîtes des marchés financiers suggère de  nombreuses et profondes imperfections, au sens que l’on donne à ce terme lorsqu’on parle de  marché. Nous ne sommes pas dans le « first best » mais dans le « second best ». Et dans ce monde  de second best, il y a sans doute toute une série de raisons pour lesquelles un pays isolé, et plus  encore une entité régionale comme l’Europe,  voudrait se prémunir contre des dysfonctionnements,  ou au contraire en tirer profit. J’entends bien qu’il y a des arguments de « third best », plus ou moins  convaincants selon le cas, pour rejeter l’activisme : la difficulté de comprendre les mécanismes, la  capture par des intérêts particuliers, etc.. Mais, il y aurait sans doute   beaucoup à dire, à la porte  d’un champ de réflexion difficile mais passionnant.   

La troisième raison est que l’argumentaire que vous suggérez n’évoque, même pas pour les  réfuter, certains des craintes qui sous tendent des décisions récentes : je pense à la question de la  nationalité de l’entreprise qui est sous‐jacente à toute une série de mesures prises ici ou là, je veux  dire ici ou en Amérique.  

Résumons :  sans  être  nécessairement  tout  à  fait  en  désaccord  avec  ce  principe  1,  l’argumentaire qui l’introduit paraît, à première lecture, pour le moins rapide. Il devrait, semble t’il,  pour être établi de façon convaincante, réfuter beaucoup plus d’objections que celles qui sont  évoquées.   Dois‐je ajouter que ce commentaire ne m’empêche pas d’adhérer pour l’essentiel aux  suggestions de simplification de la fiscalité de l’épargne qui sont faîtes. 

   

Après cette remarque portant sur un des principes que le rapport s’efforce de dégager, il faut  évoquer deux points plus spécifiques, et dont le premier touche à la théorie.  

Le  rapport  renvoie  parfois  aux  modèles  de  cycle  de  vie  qui  prennent  en  compte  l’endettement, mais les auteurs auxquels il se réfère le souvent plus, mettent plutôt au centre de  leurs explications de l’épargne, les arguments d’aversion au risque. On peut pourtant penser que 

l’existence  d’une  contrainte  d’endettement  est  une  variable  essentielle  d’explication  des  comportements d’épargne sur le cycle de vie, et même, comme le montre l’analyse, pour les  ménages dont la probabilité d’être un jour touché par cette contrainte est assez faible. La remarque  n’est  pas  simplement  académique :  dans  beaucoup  de  pays,  c’est à  cause de  la  contrainte  d’endettement, que les ménages doivent faire état d’un apport personnel significatif voire assez  lourd pour l’acquisition d’un logement60. Là, l’épargne pour constitution d’apport personnel est   importante dans cette phase du cycle de vie. Le recours aux actions, dans cette logique, conduit à  prendre un risque qui paraît particulièrement inapproprié61. Accepter l’analyse suggérée conduit à  relativiser beaucoup l’argumentaire du rapport sur la logique de détentions d’actions à ce stade du  cycle de vie (même si la  recommandation en la matière pour l’épargne retraite à cotisations définies,  reste convaincante).  

On peut ajouter, mais c’est une préférence en matière de théorie qui est sans doute  minoritaire, que la contrainte d’endettement explique de façon beaucoup plus robuste la précaution  au sens banal du terme, puisqu’elle ne requiert pas, comme la précaution au sens savant, des  hypothèses  sur le signe  des dérivées  (au moins)  troisièmes de l’utilité. Qu’il n’y  ait pas  de  malentendu, cette remarque ne préconise pas d’exclure de l’analyse les considérations, fussent elles  subtiles, de l’aversion au risque mais de faire plus de place à la contrainte d’endettement. 

Le dernier point de ces remarques concerne l’analyse de la complémentarité répartition‐

capitalisation. A nouveau, elle est convaincante, non seulement parce qu’est invoqué le sentiment de  de Mènil et Sheshinsky sur les mérites du système Français, mais parce que toutes les considérations  présentées sur le partage du risque entre salariés et retraités semblent très pertinentes. Donc en  incompétence partielle, j’approuve vos suggestions sur les bonnes directions d’infléchissement du  système, un thème qui pourrait être plus systématiquement mis en exergue, et ce, dés le début du  rapport.   

     

                       

60 Cette remarque s’est toujours moins appliquée aux USA qu’ailleurs et était devenue caduque à la grande époque des « subprimes » euphoriques, mais …

61 même si je ne connais pas de modélisation de ce phénomène, mais ceci traduit sans doute une connaissance lacunaire de cette littérature..

Compléments au rapport   

 

                       

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