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Allocation  d’actifs  des  ménages :  l’influence  du  patrimoine  immobilier  et du risque d’inflation

Dans le document CONSEIL D ANALYSE ECONOMIQUE (Page 61-64)

S&P composite : P.E.R corrigé du cycle

III. Le portefeuille optimal : ce que les ménages devraient faire

4. Allocation  d’actifs  des  ménages :  l’influence  du  patrimoine  immobilier  et du risque d’inflation

Dans le cas français, ce deuxième type d’obstacle à l’investissement en actions joue probablement  moins : non pas par ce que les risques pesant sur l’emploi et les salaires sont moins élevés, mais  parce que l’assurance sociale (chômage notamment) y est plus développée et réduit donc la  nécessité d’avoir à constituer une épargne de précaution. Toutes choses égales par ailleurs, les  ménages français devraient donc,  davantage que  les ménages américains, se rapprocher des  recommandations normatives de cette section. Cela pourrait apparaître paradoxal puisque, comme  on l’a vu dans la première partie, la détention d’actions est moins répandue en France qu’aux Etats‐

Unis. Cependant, les différences de régime de retraite l’emportent sans doute sur les autres  différences en matière d’assurance sociale. 

 

4. Allocation  d’actifs  des  ménages :  l’influence  du  patrimoine  immobilier  et du risque d’inflation. 

a. L’éviction de l’investissement en actions par l’immobilier.  

Une part prépondérante de la richesse des ménages est constituée d’actifs immobiliers. Dans le cas  français (cf. la 1ère partie de ce rapport), ceux‐ci représentent environ les deux tiers du patrimoine  total de l’ensemble des manages. De plus, la diffusion de cet actif dans la population est beaucoup  plus importante que dans le cas des actions. Or, la présence d’actifs immobilier dans le patrimoine  total affecte la façon dont le portefeuille financier doit être allouée entre les différents placements  (monétaire, obligations, actions). Premièrement, l’immobilier est un actif risqué, et sa détention peut  donc conduire les ménages à détenir davantage d’actifs non risqués dans leur portefeuille financier. 

Deuxièmement, l’immobilier résidentiel génère un flux de services de consommation courante le plus  souvent indispensables (il faut bien habiter quelque part !), et aspire une grande partie de la capacité  d’épargne  de  beaucoup  de  ménages.  Ceci  réduit  le  montant  que  ces  derniers  pourraient  potentiellement placer en actions. Or, dans la mesure où investir en actions peut entraîner des coûts  fixes – explicites ou implicites ‐ importants (comme, par exemple, pour acquérir de l’information sur  les différents produits), bon nombre de ménages sont ainsi amenés à s’exclure totalement de  l’investissement en actions (Cocco, 2005). Ce n’est que lorsque qu’ils seront plus âgés, et disposeront  ainsi d’un patrimoine financier un peu plus important (surtout s’ils ont fini de rembourse leur  emprunt immobilier), que certains d’entre eux commenceront à investir sur les marchés d’actions. 

b. De l’utilité des obligations indexées sur l’inflation.  

Les ménages désireux ou contraints de limiter leur exposition au risque actions doivent choisir entre  investir  en titres monétaires ou en  obligations.  Ces  placements  de  taux  soulèvent  plusieurs  problèmes, qui dépendent de l’horizon d’investissement. Campbell et Viceira (2001, 2002) étudient  le cas d’un épargnant de long terme qui vise à s’assurer un certain niveau de consommation dans le  futur (cas de l’épargne retraite). Cet épargnant est exposé à un double risque : le risque de taux  d’intérêt et le risque d’inflation. S’il détient une obligation à long terme à taux fixe, il est assuré de  toucher un revenu  nominal  donné, mais il est  exposé  au  risque  d’inflation. S’il détient des  palcements monétaires, il est exposé au risque de taux d’intérêt (et de réinvestissement) : si les taux  d’intérêt s’effondrent pendant une longue période, le capital s’accumulera beaucoup moins vite et  pourra se révéler insuffisant au moment de la retraite. La meilleure solution pour l’investisseur à 

horizon long consiste donc à acheter des obligations à long terme et indexées sur l’inflation, qui se  rapprochent le plus de l’actif « sans risque » pour un investisseur à long terme. 

 

A partir de données historiques américaines, Campbell et Viceira simulent le comportement d’un  investisseur qui peut investir en actions, obligation, et monétaire. En l’absence de telles obligations  indexées, le portefeuille optimal (avec une aversion relative pour le risque de 5) comprend des  actions à hauteur des deux tiers, et le reste est principalement constitué de placements monétaires  plutôt que d’obligations nominales à long terme. L’intuition est que le monétaire protège mieux que  les obligations à long terme  contre le risque d’inflation (au prix d’une exposition accrue au risque de  taux d’intérêt). En revanche, lorsque les obligations indexées sont disponibles, l’investisseur de long  terme n’achète que des actions (60%) et des obligations de long terme indexées (40%), qui protègent  à la fois des risques d’inflation et de taux. 

   

Encadré 4 : 

Les décisions d’endettement des ménages. 

La dette des ménages impacte de façon très significative la richesse nette des ménages. Aux Etats‐

Unis, la dette totale des ménages américains représentait à la fin de 2007 l’équivalent de 140% de  leur revenu disponible et d’un peu moins de 20% de l’ensemble de leurs actifs (immobiliers et  financiers). Les trois quarts de cette dette correspondent à des emprunts hypothécaires, le reste  étant, pour l’essentiel, du crédit à la consommation. En France, l’endettement des ménages est  comparativement moins élevé, mais il est loin d’être négligeable : à fin 2007, il représentait  l’équivalent de près de 95% de leur revenu disponible et d’à peine plus de 10% de l’ensemble de  leurs actifs.  

 

Sans surprise, les décisions d’endettement sont tout aussi stratégiques et complexes que les  décisions d’investissement. Lorsqu’un ménage contracte un crédit immobilier, il doit choisir entre un  taux d’intérêt fixe ou variable. Cela implique de formuler une prédiction sur l’évolution future à long  terme des taux d’intérêt et de l’inflation. Le choix d’un emprunt à taux fixe soumet le ménage au  risque d’inflation (si celle‐ci baisse, le coût s’alourdit), à moins que le ménage ne demande à  bénéficier d’une option de remboursement anticipé (mais cette option n’est pas gratuite). Le choix  d’un emprunt à taux variable soumet quant à lui le ménage au risque de taux d’intérêt (si celui‐ci  augmente, le coût du prêt s’alourdit). Le ménage doit aussi prendre en compte les actifs qu’il détient  par ailleurs, afin d’appréhender son exposition globale aux risques de taux et d’inflation. Enfin, le  type de prêt peut aussi être influencé par le risque d’avoir à déménager à courte échéance : si tel est  le cas, un emprunt à taux variable est alors en général préférable (la situation peut toutefois se  compliquer encore si les déménagements pour raisons professionnelles sont corrélés à l’activité  économique, et donc aux taux d’intérêt et à l’inflation). 

 

Campbell et Cocco (2003) ont résolu un modèle qui prend en compte tous ces facteurs. Leur  conclusion est la suivante. Lorsqu’un ménage est soumis à un fort risque non assurable (comme le  risque de perdre son emploi), que le montant de la dette contractée est relativement important et  que les perspectives de déménagement sont éloignées, alors un emprunt à taux fixe est préférable :  il protège en effet contre les variations de taux, qui sont historiquement plus amples que celles  d’inflation.  Campbell et Cocco simulent  ensuite  l’introduction  d’un type  d’emprunt  fictif, qui  comporterait un taux d’intérêt réel fixe, c'est‐à‐dire qui protègerait l’emprunteur contre le risque de  désinflation. Ils font l’hypothèse que ce risque est correctement tarifié par les prêteurs, c'est‐à‐dire  qu’en moyenne, ceux‐ci ne font pas de perte sur l’assurance qu’ils apportent (dit autrement, la 

« prime » d’assurance qu’ils demandent sous la forme d’un taux plus élevé permet de couvrir 

exactement le risque). A partir de cet exercice, Campbell et Cocco estiment que les gains de bien‐être  (i.e. de consommation) obtenus par les ménages seraient de l’ordre de 7%. Ainsi, même si le risque  de taux est en général plus coûteux pour les ménages, le risque d’inflation leur impose néanmoins un  coût significatif.  

 

Par ailleurs, la complexité des décisions d’endettement conduit les ménages à commettre des  erreurs systématiques : par exemple, lorsque les taux d’intérêts de long terme baissent, les ménages  américains  se  tournent  massivement  vers  les  emprunts  à  taux  fixe  (Campbell,  2006).  Ce  comportement serait rationnel si les taux longs avaient tendance à remonter lorsqu’ils sont bas. Or,  les taux longs témoignent plutôt d’une aversion à la moyenne (partie II) : lorsqu’ils sont bas  aujourd’hui, ils seront probablement encore plus bas demain. Pour les ménages, lorsque les taux  sont bas, il vaudrait donc mieux emprunter aujourd’hui à taux variable, et attendre un peu avant de  s’endetter à taux fixe. Il existe d’autres manifestations empiriques des biais d’irrationalité des  ménages dans le contexte de l’endettement. Par exemple, les taux longs ont énormément diminué  pendant toutes les années 2000 ; pourtant, très peu de ménages endettés  à des taux fixes  déterminés dans les années 1990 ont choisi de réajuster leurs emprunts hypothécaires (Campbell  2006, p 1580). On remarque aussi que les ménages qui connaissent les difficultés financières les plus  grandes sont aussi ceux qui sont le moins enclins à tirer parti des baisses de taux. Ce type d’inertie se  rencontre également dans le secteur du crédit à la consommation: Ausubel (1999) montre que les  ménages américains sont très sensibles aux « teaser rates » (des taux très bas pendant les premiers  mois d’utilisation de la carte de crédit) proposés par les sociétés de crédit américaines. Cela suggère  que ces sociétés exploitent la faible mobilité des clients lorsque les taux remontent.  

   

IV.  Politique  de  l’épargne :  aider  les  ménages  français  à  mieux 

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