S&P composite : P.E.R corrigé du cycle
III. Le portefeuille optimal : ce que les ménages devraient faire
4. Allocation d’actifs des ménages : l’influence du patrimoine immobilier et du risque d’inflation
Dans le cas français, ce deuxième type d’obstacle à l’investissement en actions joue probablement moins : non pas par ce que les risques pesant sur l’emploi et les salaires sont moins élevés, mais parce que l’assurance sociale (chômage notamment) y est plus développée et réduit donc la nécessité d’avoir à constituer une épargne de précaution. Toutes choses égales par ailleurs, les ménages français devraient donc, davantage que les ménages américains, se rapprocher des recommandations normatives de cette section. Cela pourrait apparaître paradoxal puisque, comme on l’a vu dans la première partie, la détention d’actions est moins répandue en France qu’aux Etats‐
Unis. Cependant, les différences de régime de retraite l’emportent sans doute sur les autres différences en matière d’assurance sociale.
4. Allocation d’actifs des ménages : l’influence du patrimoine immobilier et du risque d’inflation.
a. L’éviction de l’investissement en actions par l’immobilier.
Une part prépondérante de la richesse des ménages est constituée d’actifs immobiliers. Dans le cas français (cf. la 1ère partie de ce rapport), ceux‐ci représentent environ les deux tiers du patrimoine total de l’ensemble des manages. De plus, la diffusion de cet actif dans la population est beaucoup plus importante que dans le cas des actions. Or, la présence d’actifs immobilier dans le patrimoine total affecte la façon dont le portefeuille financier doit être allouée entre les différents placements (monétaire, obligations, actions). Premièrement, l’immobilier est un actif risqué, et sa détention peut donc conduire les ménages à détenir davantage d’actifs non risqués dans leur portefeuille financier.
Deuxièmement, l’immobilier résidentiel génère un flux de services de consommation courante le plus souvent indispensables (il faut bien habiter quelque part !), et aspire une grande partie de la capacité d’épargne de beaucoup de ménages. Ceci réduit le montant que ces derniers pourraient potentiellement placer en actions. Or, dans la mesure où investir en actions peut entraîner des coûts fixes – explicites ou implicites ‐ importants (comme, par exemple, pour acquérir de l’information sur les différents produits), bon nombre de ménages sont ainsi amenés à s’exclure totalement de l’investissement en actions (Cocco, 2005). Ce n’est que lorsque qu’ils seront plus âgés, et disposeront ainsi d’un patrimoine financier un peu plus important (surtout s’ils ont fini de rembourse leur emprunt immobilier), que certains d’entre eux commenceront à investir sur les marchés d’actions.
b. De l’utilité des obligations indexées sur l’inflation.
Les ménages désireux ou contraints de limiter leur exposition au risque actions doivent choisir entre investir en titres monétaires ou en obligations. Ces placements de taux soulèvent plusieurs problèmes, qui dépendent de l’horizon d’investissement. Campbell et Viceira (2001, 2002) étudient le cas d’un épargnant de long terme qui vise à s’assurer un certain niveau de consommation dans le futur (cas de l’épargne retraite). Cet épargnant est exposé à un double risque : le risque de taux d’intérêt et le risque d’inflation. S’il détient une obligation à long terme à taux fixe, il est assuré de toucher un revenu nominal donné, mais il est exposé au risque d’inflation. S’il détient des palcements monétaires, il est exposé au risque de taux d’intérêt (et de réinvestissement) : si les taux d’intérêt s’effondrent pendant une longue période, le capital s’accumulera beaucoup moins vite et pourra se révéler insuffisant au moment de la retraite. La meilleure solution pour l’investisseur à
horizon long consiste donc à acheter des obligations à long terme et indexées sur l’inflation, qui se rapprochent le plus de l’actif « sans risque » pour un investisseur à long terme.
A partir de données historiques américaines, Campbell et Viceira simulent le comportement d’un investisseur qui peut investir en actions, obligation, et monétaire. En l’absence de telles obligations indexées, le portefeuille optimal (avec une aversion relative pour le risque de 5) comprend des actions à hauteur des deux tiers, et le reste est principalement constitué de placements monétaires plutôt que d’obligations nominales à long terme. L’intuition est que le monétaire protège mieux que les obligations à long terme contre le risque d’inflation (au prix d’une exposition accrue au risque de taux d’intérêt). En revanche, lorsque les obligations indexées sont disponibles, l’investisseur de long terme n’achète que des actions (60%) et des obligations de long terme indexées (40%), qui protègent à la fois des risques d’inflation et de taux.
Encadré 4 :
Les décisions d’endettement des ménages.
La dette des ménages impacte de façon très significative la richesse nette des ménages. Aux Etats‐
Unis, la dette totale des ménages américains représentait à la fin de 2007 l’équivalent de 140% de leur revenu disponible et d’un peu moins de 20% de l’ensemble de leurs actifs (immobiliers et financiers). Les trois quarts de cette dette correspondent à des emprunts hypothécaires, le reste étant, pour l’essentiel, du crédit à la consommation. En France, l’endettement des ménages est comparativement moins élevé, mais il est loin d’être négligeable : à fin 2007, il représentait l’équivalent de près de 95% de leur revenu disponible et d’à peine plus de 10% de l’ensemble de leurs actifs.
Sans surprise, les décisions d’endettement sont tout aussi stratégiques et complexes que les décisions d’investissement. Lorsqu’un ménage contracte un crédit immobilier, il doit choisir entre un taux d’intérêt fixe ou variable. Cela implique de formuler une prédiction sur l’évolution future à long terme des taux d’intérêt et de l’inflation. Le choix d’un emprunt à taux fixe soumet le ménage au risque d’inflation (si celle‐ci baisse, le coût s’alourdit), à moins que le ménage ne demande à bénéficier d’une option de remboursement anticipé (mais cette option n’est pas gratuite). Le choix d’un emprunt à taux variable soumet quant à lui le ménage au risque de taux d’intérêt (si celui‐ci augmente, le coût du prêt s’alourdit). Le ménage doit aussi prendre en compte les actifs qu’il détient par ailleurs, afin d’appréhender son exposition globale aux risques de taux et d’inflation. Enfin, le type de prêt peut aussi être influencé par le risque d’avoir à déménager à courte échéance : si tel est le cas, un emprunt à taux variable est alors en général préférable (la situation peut toutefois se compliquer encore si les déménagements pour raisons professionnelles sont corrélés à l’activité économique, et donc aux taux d’intérêt et à l’inflation).
Campbell et Cocco (2003) ont résolu un modèle qui prend en compte tous ces facteurs. Leur conclusion est la suivante. Lorsqu’un ménage est soumis à un fort risque non assurable (comme le risque de perdre son emploi), que le montant de la dette contractée est relativement important et que les perspectives de déménagement sont éloignées, alors un emprunt à taux fixe est préférable : il protège en effet contre les variations de taux, qui sont historiquement plus amples que celles d’inflation. Campbell et Cocco simulent ensuite l’introduction d’un type d’emprunt fictif, qui comporterait un taux d’intérêt réel fixe, c'est‐à‐dire qui protègerait l’emprunteur contre le risque de désinflation. Ils font l’hypothèse que ce risque est correctement tarifié par les prêteurs, c'est‐à‐dire qu’en moyenne, ceux‐ci ne font pas de perte sur l’assurance qu’ils apportent (dit autrement, la
« prime » d’assurance qu’ils demandent sous la forme d’un taux plus élevé permet de couvrir
exactement le risque). A partir de cet exercice, Campbell et Cocco estiment que les gains de bien‐être (i.e. de consommation) obtenus par les ménages seraient de l’ordre de 7%. Ainsi, même si le risque de taux est en général plus coûteux pour les ménages, le risque d’inflation leur impose néanmoins un coût significatif.
Par ailleurs, la complexité des décisions d’endettement conduit les ménages à commettre des erreurs systématiques : par exemple, lorsque les taux d’intérêts de long terme baissent, les ménages américains se tournent massivement vers les emprunts à taux fixe (Campbell, 2006). Ce comportement serait rationnel si les taux longs avaient tendance à remonter lorsqu’ils sont bas. Or, les taux longs témoignent plutôt d’une aversion à la moyenne (partie II) : lorsqu’ils sont bas aujourd’hui, ils seront probablement encore plus bas demain. Pour les ménages, lorsque les taux sont bas, il vaudrait donc mieux emprunter aujourd’hui à taux variable, et attendre un peu avant de s’endetter à taux fixe. Il existe d’autres manifestations empiriques des biais d’irrationalité des ménages dans le contexte de l’endettement. Par exemple, les taux longs ont énormément diminué pendant toutes les années 2000 ; pourtant, très peu de ménages endettés à des taux fixes déterminés dans les années 1990 ont choisi de réajuster leurs emprunts hypothécaires (Campbell 2006, p 1580). On remarque aussi que les ménages qui connaissent les difficultés financières les plus grandes sont aussi ceux qui sont le moins enclins à tirer parti des baisses de taux. Ce type d’inertie se rencontre également dans le secteur du crédit à la consommation: Ausubel (1999) montre que les ménages américains sont très sensibles aux « teaser rates » (des taux très bas pendant les premiers mois d’utilisation de la carte de crédit) proposés par les sociétés de crédit américaines. Cela suggère que ces sociétés exploitent la faible mobilité des clients lorsque les taux remontent.