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Cette modification du risque relatif action/obligation rend la composition d’un

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« portefeuille optimal », au sens de Markowitz, dépendante de la durée du placement. Quelle que soit l’aversion au risque de l’épargnant, la pondération optimale des actions augmente avec l’horizon d’investissement. Le graphique 5 montre les différentes combinaisons possibles (sans vente à découvert) entre actions et obligations selon la durée de détention

11

. Les points extrêmes du bas représentent un portefeuille à 100 % en emprunts d’Etat alors que ceux du haut indiquent 100 % d’actions. Il apparaît que selon la durée d’investissement, souvent fonction de l’âge de l’épargnant, le poids relatif de chaque actif n’est pas stable pour un niveau de risque donné. Quelle que soit son aversion au risque, tout épargnant doit au moins détenir le pourcentage d’action qui permet d’atteindre le risque minimal. Sur un an, le

11 La moyenne géométrique des rentabilités est conservée pour calculer les performances des combinaisons.

portefeuille de risque minimal comprend 21 % d’actions contre seulement 6,2 % aux Etats-Unis (Siegel, 1994). Et sur dix ans, ce chiffre monte à 58 %. Au-delà de vingt ans, le portefeuille de risque minimal doit comprendre 100 % d’actions. Après une vingtaine d’années de détention, les courbes ressemblent beaucoup à des droites car la corrélation entre les rentabilités des actions et des obligations devient très forte.

-2%

-1%

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1%

2%

10% 15% 20% 25% 30%

Rentabilité Totale Réelle, moyenne géométrique 1854-2008

Risque (écart-type de la rentabilité) 1

an 2

ans 5

ans 10

ans

20 ans

30 ans 50

ans 100 % actions

100 % Emprunts d'Etat

Graphique 4, Couples rentabilité/risque des combinaisons entre action et emprunt d’Etat selon la durée de détention, 1854-2008

Source : auteur

Entre l’épargnant et l’assuré social

Quelle que soit la répartition entre les actifs financiers, l’épargnant doit être attentif

aux coûts de gestion de ses placements. Lorsque l’épargne n’est pas gérée en direct, un

intermédiaire financier doit être rémunéré pour ses services. Les premiers fonds de

placements collectifs apparaissent à la fin du XIX

ème

siècle avec des noms évocateurs comme

La Tirelire, Le Bas-De-Laine, La Boule-De-Neige, La Pelote… (Jeannet, 1892). Certains

comme La Fourmi sont cotés en bourse. L’impact des frais de gestion sur la performance

finale est à bien prendre en compte. La moyenne géométrique de la rentabilité nominale totale

des actions françaises observée depuis 1854 est de 6,78 %. 100 placés pendant trente ans à ce

taux procurent 670 à l’épargnant. Des frais de gestion de 1 % du capital par an limitent

l’accumulation finale à 500. Et c’est seulement, 277 avec 3 % de frais annuels.

L’histoire financière mouvementée du XX

ème

siècle fait disparaitre le mode classique d’épargne au profit de l’assurance sociale. Avant le XX

ème

siècle, les possibilités d’arbitrage entre consommation et épargne apparaissent plus réduites qu’aujourd’hui car pour beaucoup de ménages les revenus ne dépassent pas la consommation minimale (Lenoir, 1979). De plus, l’horizon de vie, limité par la faible espérance de vie, favorise la préférence pour le présent (Hautcoeur & Le Quéré, 2002). Pourtant, les Français sont alors familiers des valeurs mobilières. Le nombre de porteurs n’est précisément connu qu’à quelques occasions spécifiques. 826 664 Français souscrivent à l’emprunt de Libération du territoire (dits Thiers) de 1872, soit 8,5 % des ménages (Marion, 1926). Créé le 10 septembre 1918, l’Office des Biens et Intérêts Privés recense 1 600 000 détenteurs individuels de titres russes, soit 14 % des ménages. C’est également 1,7 millions de français qui détiennent des obligations de chemins de fer et 305 000 des actions en 1908 (Neymarck, 1919). En 1945, lors des nationalisations des entreprises de gaz et d’électricité, 975 000 actionnaires sont indemnisés, soit 8 % des ménages. Face à la destruction de cette épargne traditionnelle dans la première moitié du XX

ème

siècle, les assurances sociales par répartition prennent le relais. La première étape en 1928 puis leur généralisation à la Libération coïncident parfaitement avec les points bas du graphique 2. L’éditorialiste de la Vie Française, René Sédillot écrit le 4 août 1945, « Les

rentiers ne sont pas seulement les victimes de notre siècle. Ils y semblent anachroniques : quel est cet étrange animal qui prend la peine d’épargner pour ses vieux jours ? C’est désormais la société qui épargne au nom de ses membres. » La retraite par répartition n’est

toutefois pas une épargne et le système mis en place il y a cinquante ans subit à son tour un choc par la baisse du rapport entre cotisants et pensionnés.

La pérennité d’une rentabilité correcte de l’épargne implique une forme de consensus pour limiter le « risque politique ». Si les actions offrent une rémunération élevée dans les périodes politiquement favorables (avant 1914 et depuis 1983), elles ne peuvent pas protéger contre les « risques politiques ». La récente nationalisation des fonds de pension en Argentine vient rappeler la vulnérabilité des placements. Le meilleur rempart de l’épargne contre toute indélicatesse publique est qu’elle soit largement répartie parmi les électeurs. Plus les électeurs sont nombreux à détenir des titres moins une politique hostile à l’épargne n’a de chance d’être mise en oeuvre. C’est le constat de Jacques Bainville en 1919, « Sept millions de personnes

ont souscrit à l’emprunt 4 % de 1918, cela fait qu’environ quatre famille françaises sur cinq12 sont intéressées, par le fait de ce seul emprunt, à la tranquillité publique et à la solvabilité de

12 Rapporté au nombre de ménages selon l’INSEE, cela représente « seulement » 60 %.

l’Etat. »13

Les Français sont aujourd’hui encore largement détenteurs d’emprunts d’Etat. Mais ils le sont par l’intermédiaire de complexes contrats d’assurances vies diluant la conscience que la valeur de leur épargne dépend du crédit de l’Etat.

Pour l’épargne en actions, un moyen simple mais très artificiel serait d’intéresser un maximum de Français à la réussite financière des entreprises. Pourquoi ne pas réaliser les prochaines « privatisations » en distribuant les titres plutôt qu’en les vendant ? Pour la seule entreprise EDF, le capital encore détenu par l’Etat représente 44 actions (soit plus de 2 000 euros en décembre 2008) par foyer fiscal. Rendre ainsi les titres aux Français serait politiquement aisé mais plus délicat pour les finances publiques.

Conclusion

Une période longue de détention doit orienter l’épargne vers les actions au détriment des emprunts d’Etat. Une fois correctement mesurée, les actions françaises offrent toutefois une rentabilité historique réelle bien plus basse que celle observée aux Etats-Unis. Cette différence vient pour une grande part des deux conflits mondiaux qui détruisent la valeur réelle de l’épargne. L’inflation de guerre n’est pas le seul adversaire des valeurs mobilières.

L’épargne ainsi investie est également sans défense face à des politiques hostiles. Pour que l’épargne obtienne une rémunération non-biaisée, une forme de consensus politique doit exister en faveur de son respect.

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13 Cette situation n’empêche pas la création monétaire de détruire la valeur réelle des emprunts d’Etat mais il n’y a pas eu de défaut avoué. L’ampleur des destructions de la première guerre mondiale ne permettait probablement pas d’autre remède que l’inflation (Bordo & Hautcoeur, 2007). La dette représente 200 % du PIB en 1921.

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