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Robert Gendron (violon, banjo, piano, guitare) 46

Chapitre 2. Les violoneux 33

2.2 Portrait de quatre violoneux : Jean Desgagné, Philippe Gagnon, Paul-Henr

2.2.4 Robert Gendron (violon, banjo, piano, guitare) 46

2.2.4.1 Son apprentissage du style et du répertoire au violon

Robert Gendron nait en 1925 dans la Vallée de la Matapédia, en Gaspésie : contrairement aux trois autres violoneux de notre recherche, il n’est pas natif de la région du Saguenay-Lac-St-Jean. Il commence le violon dans sa région natale à l’âge de 8 ans, auprès de son père, le violoneux Georges Gendron, dit Ti- Georges :

« C’est mon père qui a commencé à m’montrer. I prenait ben son archet pis i avait une belle position du violon. I m’a faite des petites barres sur ma touche pour chaque doigt, pis là ben chu parti avec ça. »

Ce n’est qu’en 1950 que Robert Gendron, alors âgé de 25 ans, s’établit à Arvida, au Saguenay.

« J’voulais changer d’place. J’faisais plus d’argent icitte parce qu’i avait une grosse compagnie [l’Alcan d’Arvida]. J’étais coiffeur pour homme. »

Au moment de son arrivée dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean, Robert Gendron est déjà violoneux : il s’est acquis un style et un répertoire alors qu’il grandissait dans la Vallée de la Matapédia. Conséquemment, il se distingue des violoneux du Saguenay-Lac-Jean à plusieurs niveaux; notamment Robert

témoigne d’un grand intérêt pour la technique, ayant appris le violon auprès d’un père qui « prend bien » son archet et qui a « une belle position au violon ». La technique constitue pour lui un élément esthétique fondamental :

« J’me dis, la musique, que ce soit n’importe quel genre de musique, c’est toujours le premier but, c’est de faire du beau son. C’est pour ça que ça prend de la technique. Celui qui a la meilleure technique c’est celui qui va faire la plus belle musique. »

Ainsi, selon Robert Gendron, qui dit bonne technique dit « beau son », et qui dit « beau son » dit « belle musique ».

Étant donné que Robert Gendron connaît à la fois la musique de sa région natale en Gaspésie et celle du Saguenay-Lac-St-Jean, il constitue un excellent candidat pour élucider certaines questions sur le style et le répertoire du Saguenay-Lac- St-Jean, notamment en établissant certaines comparaisons avec sa région natale. Par exemple, lorsque nous l’interrogeons sur la possibilité d’un style de violon distinct dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean, le violoneux admet qu’il y a « sûrement » un style au Saguenay-Lac-St-Jean, mais qu’il ne croit pas l’avoir lui-même assimilé dans son jeu de violoneux, étant natif d’une autre région. Si au niveau du style, Robert Gendron ne s’identifie pas d’emblée aux violoneux du Saguenay-Lac-St-Jean, il connaît bien, en revanche, le répertoire de la région, et se considère lui-même comme un violoneux du Saguenay-Lac- St-Jean à ce niveau. En effet, lorsqu’on l’interroge sur le répertoire spécifique à la région ou de répertoire régional, Robert Gendron identifie les compositeurs suivants : Edmond Parizeau, Louis « Pitou » Boudreault, sa sœur Yolande Gendron69 et, finalement, lui-même. De même, dans la région, Robert Gendron est perçu par les autres musiciens du milieu comme un violoneux de la région. Notamment, on lui demanda jadis de représenter la région en tant que violoneux, mais par timidité, il refusa et référa le violoneux Louis « Pitou » Boudreault, qui était à cette époque encore peu connu à l’extérieur de la région :

« Moi je voulais pas i aller. Ça me gênait. C’tait pour représenter la région… Le ministère de la culture. […] À cause que j'ai donné son nom. J'tais trop gêné. »

Aujourd’hui, Robert exprime un certain regret de ne pas être « sorti de la

région » lorsqu’il se compare au violoneux Louis Boudreault, qui fut reconnu bien au-delà de la région du SLSJ.

                                                                                                               

69 Notons en effet, que quelques années après l’arrivée de Robert à Arvida, c’est sa sœur

Yolande Gendron, alors âgée de 18 ans, qui le rejoint. Mandoliniste depuis l’âge de 9 ans, elle commence plus sérieusement le violon suite à son arrivée au Saguenay, grâce aux encouragements de Robert.

2.2.4.2 Sa pratique de la musique aujourd’hui

Robert Gendron joue sur un violon qu’il a entièrement fabriqué lui-même (voir la photo de Robert avec son violon à l’annexe 6).70 En effet, Robert est un artiste qui se réalise dans plusieurs domaines, et qui témoigne d’une grande minutie dans tout ce qu’il entreprend. Il maîtrise quatre instruments (le violon, le banjo, le piano et la guitare); il est à la fois interprète et compositeur –le seul à composer dans nos quatre violoneux–; il s’adonne à la lutherie et à la peinture – les murs de sa maison sont couverts de ses œuvres –, il sait lire et écrire la musique – le seul de nos quatre violoneux à lire et à écrire la musique, et sa calligraphie musicale est d’ailleurs d’une beauté remarquable.

Au niveau de la pratique du violon, Robert joue quelques heures tous les matins. De même, il joue régulièrement avec sa sœur Yolande. Ensemble, les deux musiciens explorent différentes combinaisons : Robert est le plus souvent au violon et parfois au banjo, alors que Yolande fait la « contrepartie » au violon ou la mélodie à la mandoline, ou encore elle accompagne au piano ou à la guitare. Également, les deux font partie du groupe La Joie de vive, un groupe de

musique traditionnelle avec lequel ils se produisent régulièrement, et qui existe depuis plus de 45 ans. Enfin, Yolande et Robert participent tous les deux mercredis à la rencontre de l’Âge d’or à Jonquière, où ils rencontrent d’autres musiciens, notamment les violoneux Paul-Henri Gagnon et Philippe Gagnon, qui font également partie de notre étude.

Conclusion du chapitre 2 sur les violoneux

Comme nous l’avons vu dans ce chapitre, le violon est un instrument pratiqué au Saguenay-Lac-St-Jean depuis les débuts de la colonisation. Aujourd’hui, il y a environ une douzaine de violoneux actifs qui sont natifs de la région ou qui y résident. Parmi ceux-ci, nous avons sélectionné quatre violoneux pour en faire                                                                                                                

l’analyse du répertoire et du style. Ces violoneux ont tous appris par transmission orale auprès d’un membre de leur famille : Jean Desgagné, le plus jeune de nos violoneux, a appris de son père Louis-Henri; Philippe Gagnon, violoneux gaucher au répertoire distinctif, a côtoyé sa tante et son oncle violoneux; Paul-Henri Gagnon, qui fut pendant longtemps un joueur de mandoline, a côtoyé son père, le violoneux William Gagnon. Enfin, notre quatrième violoneux, Robert Gendron, a aussi appris auprès de son père, Ti-Georges. Bien que ce dernier soit natif de la Vallée de la Matapédia, nous avons tout de même choisi de l’inclure dans notre recherche étant donné qu’il réside à Arvida depuis plus de 75 ans, et qu’il est considéré comme un violoneux de la région dans son entourage. Dans les prochains chapitres, nous nous pencherons sur le répertoire et le style de ces quatre violoneux, qui constituent hélas les derniers d’une lignée d’au minimum trois générations.