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Philippe Gagnon (violon, piano, guitare) 39

Chapitre 2. Les violoneux 33

2.2 Portrait de quatre violoneux : Jean Desgagné, Philippe Gagnon, Paul-Henr

2.2.2 Philippe Gagnon (violon, piano, guitare) 39

2.2.2.1 Son apprentissage du violon

Philippe Gagnon est un violoneux de Jonquière âgé de plus de 80 ans. Il se distingue des autres violoneux de notre étude du fait qu’il est le seul dont le père n’était pas lui aussi un violoneux. En effet, Philippe ne commence le violon qu’à l’âge de 14 ans, et de façon plutôt autodidacte et indépendante, car bien qu’il côtoie à l’occasion des violoneux parmi sa parenté, notamment son oncle William Gagnon55 et sa tante Alice Gagnon, Philippe n’a pas de modèle à la maison. Il commence plutôt le violon sous l’influence de ses frères, qui se mettent en même temps que lui à l’étude de l’instrument :

« J’ai commencé j'avais 14 ans. […] Ben là mon frère avait acheté un violon. C'était pas mon genre ben ben. À un moment donné mes frères i jouaient. On était 3 frères à jouer du violon. Celui-là qui a acheté le violon i a jamais été capable de jouer du violon. Albert. Pis l'autre ben à un moment donné, durant c'qui était parti ben moi j'm’essayais là- dessus là. Mon premier morceau que j'ai appris ça m'a pris 4 jours. […] L'été quand i faisait beau là, la mère avait fini de faire le chapelet là, je descendais. Je prenais le violon, j'm’en allais dans l'char. J'allais pratiquer dans l'auto. On avait un gros Chrysler là. J'm’assisais en arrière, le char tait dans le garage. Pis j’jouais, eille. Vers 10 h, mais des fois i étais rendu j’jouais jusqu'à 4 h du matin. Là j'avais pogné l'goût du violon. [...] J’faisais danser à 16 ans… des veillées de soirée, des veillées dans des familles. Ça invitait des danseurs. Mes frères venaient me réveiller à 11 heures pour aller jouer : i manquait un joueur

                                                                                                               

55 William Gagnon est le père du violoneux Paul-Henri Gagnon, qui est l’un des quatre violoneux

dans notre étude (voir p.42). Paul-Henri et Philippe, les deux violoneux de notre étude, sont donc cousins.

de violon. […] Pis à 21 ans 22 ans j’jouais au poste de radio à Chicoutimi. Eille j'ai pas perdu de temps, en! »56

Lorsque nous l’interrogeons sur son apprentissage du violon, Philippe Gagnon raconte que c’est par l’écoute et l’observation de violoneux faisant partie de son entourage familial, de même que par l’écoute d’enregistrements sonores, qu’il a développé son style et son répertoire. Il fait également remarquer que le fait qu’il soit gaucher lui a toujours demandé plus d’efforts que les autres violoneux, lui permettant d’aiguiser son sens de l’observation :

« Non mon père i jouait pas. I avait un de mes oncles qui jouait du violon [William Gagnon] mais je l’voyais une fois de temps en temps. J’ai tout écouté ça. J’écoutais des disques. Pis j’jouais de la guitare. […] Faut toute que je devine ça. [comment jouer du violon étant gaucher] Parce que tu regardes un droitier, c'est pas le même bord que toi. Le coup d'archette c'est toute… [inversé] […] Mon grand-père [Magloire Gagnon] jouait du violon. Mais moi quand je l'ai connu i était pu capable de jouer. Moi j'allais à l’école à 14 ans pis je commençais à jouer du violon. I avait une de mes tantes qui restait pas loin de l'école. Une soeur de mon pére. On allait voir ma tante Alice. A jouait du violon elle! Là, là, on allait voir ma tante. C'est là que j'ai appris la toune à mon grand-père. […] Elle me l'avait joué ma tante. Pis là, la valse que j'ai appris. Ma première valse. »

2.2.2.2 Philippe Gagnon : sa pratique de la musique aujourd’hui

Philippe Gagnon se distingue des autres violoneux de notre étude par ses choix musicaux, notamment au niveau du répertoire, des tonalités et du choix

d’accompagnement. Lors de notre première rencontre en 2016, Philippe Gagnon nous invita chez sa cousine Thérèse Bergeron, à Alma, avec laquelle il a

l’habitude de pratiquer régulièrement. En effet, Philippe est un grand amateur de valses et de fox trots, et il apprécie particulièrement être accompagné au piano par sa cousine Thérèse. De même, lorsque Philippe pratique son violon à la                                                                                                                

maison, il s’accompagne lui-même au piano grâce à la fonction pré- enregistrement de son piano électronique.

Tout comme sa cousine Thérèse, Philippe Gagnon fait partie de l’AQLF d’Alma. Il participe régulièrement aux deux événements hebdomadaires, soit la pratique et la soirée folklorique. Il n’est pas sans déplorer, cependant, l’absence de

violoneux lors des ces rencontres :

« C'est rendu dans le folklore, là, c'est pu rien qu’ des accordéons. […] Accordéon en ré, pis en ré, pis en ré. »

En effet, Philippe affectionne particulièrement les changements de tonalités, ou « changements de gamme » (voir lexique, annexe 7) au cours d’un morceau, et les tonalités inhabituelles - il joue dans des tonalités que les joueurs d’accordéon ne peuvent pas nécessairement suivre, notamment les tons de do, mi bémol, si bémol, fa et la.

À tous les deux mercredis, lors d’une rencontre de l’Âge d’or de Jonquière, Philippe rencontre les violoneux Yolande et Robert Gendron57. À ces

événements, Philippe apprécie particulièrement le jeu de violon de Yolande qui, ayant l’habitude d’accompagner son frère Robert en faisant la « contrepartie » (voir lexique, annexe 7), prend plaisir à jouer avec lui :

« Quand je joue là, eille à saute su son violon là, pis à me fait en arrière là.. a me fait la tierce là. Bon yeu [que c’est beau]! On fait un déjeuner à tous es 15 jours. »

Et bien-sûr, il aime s’y faire accompagner au piano par le joueur Marcel Duchesne, avec lequel il a enregistré son seul et unique album58.

                                                                                                               

57 Robert Gendron est l’un des quatre violoneux de notre étude (voir chapitre 2, p.46). 58Les pièces de cet album font partie de l’échantillon « Album » ayant servi à l’analyse du