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1.1 Le Graben du Saguenay et son peuplement 12

1.1.2 Populations dans le Graben du Saguenay : des Amérindiens aux premiers

1.1.2.3 La colonisation du SLSJ (1842) 18

Dans les années 1820, alors que le commerce des fourrures monopolise toujours le territoire du SLSJ, la région de Charlevoix n’arrive plus à soutenir une

population croissante. À cette époque, c’est la compagnie de la Baie d’Hudson qui loue le territoire du SLSJ afin d’en exploiter les ressources (Lavoie, Bergeron et Côté, 1985, p.18). Aussi, devant la surpopulation de Charlevoix et les

demandes croissantes en bois, les autorités se voient contraintes d’ouvrir le territoire du SLSJ à la colonisation (Girard et Perron, 1995, p.111). Il faudra pourtant attendre jusqu’en 1842 pour que la région soit officiellement ouverte à la colonisation, non sans pression des habitants de Charlevoix :

« De 1829 à 1841, ils [les habitants de Charlevoix] feront parvenir périodiquement des pétitions au gouvernement qui attendait l’échéance du bail de la Compagnie de la Baie d’Hudson prévue pour l’année 1842 »23.

Aussi, pendant une trentaine d’années, l’immigration vers le Saguenay se poursuivra, les colons s’établissant progressivement d’est en ouest, le long des basses-terres, suivant la route des fourrures (voir la distribution de la population en 1851, figure 3.1; en 1871, figure 3.; en 1891, figure 3.3; en 1921, figure 3.4).

                                                                                                               

23 Lavoie, Thomas, Gaston Bergeron et Michelle Côté (éd.), « Tome 1 : Présentation », Les

parlers français de Charlevoix, du Saguenay, du Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, Les publications du Québec, 1985, p.18.

Figure 2. Distribution de la population du SLSJ (1851, 1871, 1891, 1921); (source : C.M. Johnston, “The Historical Geography of the Saguenay Valley”, 1950.)

Alors que la croissance rapide de la population, entre 1842 et 1870, est le résultat de l’apport migratoire extérieur, en revanche, dès 1870, les taux de migration deviennent négatifs, et demeurent comme tel chaque année, ou presque, jusqu’à ce jour (Pouyez et Lavoie, p.253 et p.335; Gauvreau et

Bourque, 1988, p. 172). Ainsi l’immigration provenant de l’extérieur de la région est-elle remplacée, après seulement trente ans, par une migration intra-

régionale. En effet, la croissance de la population s’explique « avant tout par le maintien, jusque vers 1930, d’une fécondité très élevée » (Pouyez et Lavoie, p.304-305). La population du SLSJ, en terme de croissance, se suffit à elle- même; les colons du Saguenay et du Lac-St-Jean migrent à l’intérieur de la région, créant de nouvelles paroisses au fur et à mesure que les familles grandissent24 :

« En 1870, la grande vague d’immigration vers le Saguenay est déjà passée et ce sont maintenant les gens en place dans ces régions

                                                                                                               

24 Voir, en annexe, deux exemples typiques de généalogie d’une personne née au SLSJ dans les

années 1980, tirée de ma propre généalogie. Ces deux exemples illustrent la migration de type familiale typique au SLSJ. En effet, les premiers immigrants sont arrivés au Saguenay durant la grande vague d’immigration de 1838-1870, principalement de Charlevoix, alors que leurs descendants ont par la suite migré de façon interne, s’enfonçant de plus en plus à l’intérieur des terres du Lac-St-Jean.

récentes qui iront s’établir dans les nouvelles paroisses » (Lavoie, Bergeron et Côté, 1985, p.24).

Ce modèle migratoire, qu’on dit de type familial, est caractéristique de cette grande vague d’immigration interrégionale en provenance de Charlevoix, et intra- régionale par la suite:

« Le peuplement du Saguenay reste, pour l’essentiel, l’oeuvre de colons et de familles qui viennent pour la plupart de la région de Charlevoix.[…] Le père arrive avec ses fils pour ouvrir des terres nouvelles. D’autres parents proches ou les voisins du même village suivent peu de temps après.[…] La présence, encore aujourd’hui, des Tremblay, des Gagnon, des Bouchard et des Simard dans la région témoigne d’un mouvement migratoire de type familial et communautaire qui lui a donné une certaine cohésion » (Girard et Perron, 1989, p.126).

Or, cette grande vague d’immigrants, ancêtres de la grande majorité de la

population du SLSJ d’aujourd’hui, n’est pas sans implication pour comprendre la musique traditionnelle de la région. En effet, environ 80 % des immigrants qui arrivent au SLSJ entre 1838 et 1870 proviennent de la région de Charlevoix, les 20% restants proviennent principalement du Bas-Saint-Laurent, ainsi que de Québec et ses environs (Pouyez et Lavoie, p. 138). Devant une forte

prédominance d’immigrants de Charlevoix, nous admettons que certains points communs, tant au niveau du style que du répertoire, entre les violoneux de la région du Charlevoix et ceux du SLSJ sont envisageables. Car la présence de violoneux au SLSJ est attestée dès l’arrivée des premiers colons : dès 1843, on retrouve à Chicoutimi les violoneux Charles Belleau et John Chaperon (Bélanger et Bouchard, vol. 2, p.1). À ce sujet, le chroniqueur historique Christian Tremblay a récemment retracé l’histoire d’un violon de la région du Lac-St-Jean, qu’il a surnommé « Le violon rouge du Lac-St-Jean ». Cet instrument aurait appartenu au violoneux Achille Moreau, né en 1840 à Baie-St-Paul, dans Charlevoix. Sa famille aurait déménagé au Saguenay au tout début de la colonisation, entre 1841 et 1844. Achille, originaire de Charlevoix, aurait été l’un des premiers violoneux du Lac-St-Jean : il fut de la première cohorte qui défricha le secteur de

Métabetchouan, s’installant plus tard à Roberval, pour ensuite faire partie des premiers colons de Mistassini.

En outre, du côté de Charlevoix, mentionnons également la présence d’une communauté écossaise dans cette région établie à Murray Bay depuis la Conquête de 1760 (Bourbeau, 2014, p.9). Admettant la présence de violoneux parmi les membres de cette communauté, il n’est pas impossible qu’il y ait eu influence au niveau du style et du répertoire. D’ailleurs, les patronymes

Blackburn, McNicoll, Munger, Murray et Harvey, que l’on observe couramment au SLSJ, proviennent des descendants de ces d’immigrants Écossais qui s’établirent à Charlevoix (Bouchard et De Braekeleer, 1992, p.61-62-132).

1.1.2.4 L’industrialisation du SLSJ : présence de travailleurs irlandais et