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RISQUES LIES AUX HYPERTRIGLYCERIDEMIES

QUALITATIVE SUR LES HYPERTRIGLYCERIDEMIES PRIMAIRES

III. RISQUES LIES AUX HYPERTRIGLYCERIDEMIES

Les risques d’hypertriglycéridémie sont nombreux, ils sont liés aux niveaux de triglycéridémie plasmatique. Ils peuvent survenir aussi bien en cas d’hypertriglycéridémie primaire que secondaire.

1. Pancréatite aigüe

L’hypertriglycéridémie majeure est la seule urgence en lipidologie [86]. Sa gravité est liée au risque de pancréatite aiguë, qui met en jeu le pronostic vital. La connaissance de cette pathologie par les praticiens et l’information des patients à risque permettent de prévenir cette complication.

La pancréatite aigüe est une affection redoutable de par son caractère inopiné et la gravité de ses formes œdémateuses ou, surtout, hémorragiques et nécrosantes. Elle présente encore des difficultés diagnostiques et de prise en charge. Elle est caractérisée par des douleurs intenses au niveau de la partie supérieure de l’abdomen et une élévation du taux plasmatique des enzymes pancréatiques ; lipase et amylase par diffusion vers la circulation sanguine à cause de la nécrose des acinis pancréatiques [86]. Ses causes sont multiples et sont dominées par les origines biliaire, traumatique et médicamenteuse [87]. L’hypertriglycéridémie est une cause bien connue de pancréatite aigüe [86,88,89], elle provoque la pancréatite aigüe chez environ 10% des cas souffrant d’hypertriglycéridémie [89]. Il est généralement admis que ce risque de pancréatite aigüe augmente chez les patients avec une triglycéridémie supérieure à 8.85 g/l soit 10 mmol/l. Cependant, les niveaux de triglycérides compris entre 4.5 à 8.85 g/l soit 5 à 10 mmol/l peuvent également initier la pancréatite aigüe. Cette dernière est souvent liée aux hypertriglycéridémies primaires de types 1, 4 et 5 [86,90,91].

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La pathogénie de l’hypertriglycéridémie dans l’apparition de la pancréatite aiguë n’est pas clairement élucidée. Le mécanisme le plus acceptable est celui proposé par Havell en 1969 : l’hydrolyse des TG au niveau du pancréas par la lipase pancréatique conduit à l’accumulation d’AG libres. D’une part, ces AG libres sont toxiques et peuvent provoquer des lésions capillaires. D’autre part, la concentration accrue des chylomicrons conduit à un bouchage des capillaires pancréatiques et elle est à l’origine d’ischémie et d’acidose. Dans cet environnement d’acidose, les AG libres vont provoquer l’activation du trypsinogène en trypsine et initier la pancréatite aiguë [114].

Beaucoup d’études ont démontrées la relation entre les hypertriglycéridémies majeures et la pancréatite aigüe, mais rares celles disponibles pour soutenir que les hypertriglycéridémies majeures pourraient induire aussi la pancréatite chronique [92]. Actuellement, il est admis que la pancréatite aigüe récidivante dans la plupart des cas, peut aboutir à une pancréatite chronique [93]. D’une part les crises répétées de pancréatite aigüe peuvent entrainer des dommages permanents du tissu pancréatique. D’autre part, des facteurs génétiques et environnementaux comme le tabagisme et l’alcoolisme, constituent des facteurs de risque de développement et d’accélération de la progression de la maladie vers une pancréatite chronique [94,95].

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2. Risque cardiovasculaire

La dyslipidémie représente un facteur prédictif des maladies cardiovasculaires chez les patients à risque élevé. Le rôle spécifique des TG comme facteur de risque des maladies cardiovasculaires a été longtemps controversé [96], en partie parce que les TG présentent une grande variabilité intra-individuelle par rapport aux autres facteurs biologiques plus stables [97]. Certains auteurs considèrent pourtant que les triglycérides ne constituent pas réellement un facteur de risque indépendant des maladies cardiovasculaires. Cependant, d’autres auteurs les ont considérés comme un facteur directement lié au risque cardiovasculaire [98].

Au cours de l’hypertriglycéridémie familiale, le risque accru de maladies cardiovasculaires est largement attribué à l’augmentation du taux des ApoB. De même, au cours de la dysbȇtalipoprotéinémie, ce risque est attribué à l’accumulation des remnants des lipoprotéines dont la grande athérogénicité a été prouvée [99]. Une revue systématique et méta-analyse portant sur 35 études observationnelles et se basant sur l’évaluation du risque cardiovasculaire au cours de l’hypertriglycéridémie, a démontré que l’hypertriglycéridémie à jeun est associée à l’augmentation de la mortalité cardio-vasculaire (OR=1.8 (1.31-2.49) avec CI=95%), aux évènements cardiovasculaire (OR=1.37 (1.23-1.53) avec CI=95%) et à l’infarctus du myocarde (OR=1.31 (1.15-149) avec CI=95%) [100].

L’hypertriglycéridémie post-prandiale constitue, elle aussi, un paramètre d’évaluation du risque cardiovasculaire dans les pays scandinaves [2,3,101,102,103,104]. Les récentes déclarations, à la fois de société

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d’endocrinologie soit «Endocrine Society" et l’association américaine du cœur soit "American Heart Association" soutiennent que l’hypertriglycéridémie est un biomarqueur indépendant du risque cardiovasculaire en raison de sa liaison avec l’augmentation du taux des LDL petites et denses, d’ApoB et la diminution d’ApoA1 [2,105].

L’athérogénicité de l’hypertriglycéridémie est généralement liée à des triglycéridémies légères à modérées. Elle résulte de plusieurs mécanismes [106]

(figure 39) :

 Les hypertriglycéridémies relèvent toutes d’une augmentation des taux des LRTG, leurs remnants sont potentiellement athérogènes, car ils peuvent pénétrer dans l’intima artérielle et être captés par les macrophages. En revanche les chylomicrons ne peuvent entrer dans la paroi artérielle à cause de leur taille, d’où l’absence d’athérosclérose prématurée dans l’hyperchylomicronémie familiale.

 La baisse du taux des HDL est l’une des conséquences les plus importantes de l’hypertriglycéridémie. Cette lipoprotéine joue un rôle protecteur vis-à-vis de l’athérosclérose ; elle est chargée de ramener le cholestérol non utilisé par les tissus périphériques vers le foie où il est éliminé. C’est en partie par cette relation inverse que les TG jouent un rôle dans l’athérosclérose.

 La modification des LDL en LDL petites et denses ; les anomalies de structure et de métabolisme des LDL induites par une hypertriglycéridémie sont potentiellement athérogènes. Ces LDL qui ont une faible affinité pour les récepteurs hépatiques, ont une susceptibilité à l’oxydation et une grande propension à se déposer au niveau des artères, ce qui favorisent leur captation par les macrophages qui se transforment alors en cellules spumeuses.

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Abréviation : LDL : lipoprotéines de faible densité.

Figure 39 : Mécanisme de l’athérogénicité des hypertriglycéridémie [106]

3. Thrombose artérielle et veineuse

Certaines hypertriglycéridémies pourraient favoriser les accidents de thrombose artérielle et veineuse en induisant des troubles de l'hémostase. Des études ont montré une relation entre TG et altération des paramètres de l'hémostase à différents niveaux : augmentation du facteur VII, altération de la fibrinolyse et modification des fonctions plaquettaires. Plusieurs auteurs ont retrouvé une relation entre facteurs VII et dyslipidémie. Le mécanisme de cette relation possible entre hypertriglycéridémie et élévation du facteur VII reste discuté ; il existe une adsorption de ce facteur de coagulation sur les LRTG. En comparaison l'adsorption est moitié moindre sur les LDL et presque nulle sur les HDL. Le système fibrinolytique est responsable de la dissolution des caillots. La responsabilité des altérations de la fibrinolyse dans les accidents veineux et artériels est bien admise. Il existe une forte corrélation entre TG et anomalies de l’inhibiteur 1 de l’activateur du plasminogène soit "plasminogen activator inhibitor 1" (PAI-1) et plus généralement défaut de fibrinolyse [107].

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4. Dépression et épuisement vital

La dépression est un trouble affectif caractérisé par des épisodes de baisse d’humeur. Il existe de nombreuses études portant sur la relation entre le niveau de triglycéridémie, le syndrome dépressif et l’épuisement vital [108,109]. Les taux élevés des TG plasmatiques entrainent une diminution de l’oxygénation des globules rouges en raison de l’hyperviscosité du sang et de la réduction de la perfusion cérébrale, en engendrant ainsi, une hypoxie cérébrale. Cette dernière peut entrainer une dépression du système central [108]. La normalisation du taux plasmatique des TG permet d’améliorer l’état dépressif du patient.

La relation entre l’épuisement vital et la triglycéridémie est plus forte que la relation entre la dépression et la triglycéridémie [109,110]. Ce résultat appuie le fait que ces deux constructions partagent un espace commun important, mais ne se chevauchent pas complètement [110]. La dépression a un certain nombre de symptômes spécifiques (ex : culpabilité, la diminution d’estime de soi) qui la différencie de l’épuisement vital. L’épuisement vital, quant à lui, ne présente pas l’aspect cognitif spécifique à la dépression, il se focalise plus sur la physiologie et l’humeur (ex : fatigue, trouble de sommeil, irritabilité), pour cette raison il peut être plus étroitement lié à la triglycéridémie.

L’hypertriglycéridémie peut être accompagnée aussi de démence légère, de perte de la mémoire et d’encéphalopathie [52].

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