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Je ris un peu car on va demander aux enfants de changer toute leur attitude par rapport à l'évaluation, on va demander aux

parents de Jaire le même effort et puis tout d'un coup, on va faire machine arrière. On va leur dire

«

Mais là, c'est en voie d'acquisition, là en voie d'être atteint etc

»

et puis en fin de course, ce qui intéresse les parents quelque part c'est ça, c'est le passage au cycle, c'est la section dans laquelle leur enfant va se trouver car c'est vrai que ça influence quand même grandement la suite. Donc on va tenir un discours comme ça tout le temps et puis tout compte fait, on va mettre une note. Là, je me dis que c'est totalement incohérent et qu'on ne peut pas tellement demander à des gens d'entrer dans une démarche qui de toutes façons . . . Ça me laisse très mal à l'aise. Et est-ce que

«

en voie

d'acquisition

»

c'est plutôt

3

ou plutôt 4 ?

(E

5 ; p. 21 , l. 1009 - 1018 ).

Face aux questions des oarents. Lucie avoue son incapacité ach1elle�à justifier de telÎes pratiques :

C'est vrai que je me suis trouvée très empruntée pour répondre aux parents, pour leur expliquer que nous on chamboulait tout et qu'il y avait de nouveaux principes à un certain nombre de niveaux à l'école primaire mais que finalement ces principes ne tenaient pas le coup après. Je me suis un peu défilée, franchement, en avouant mon incompréhension à ce niveau là, mes doutes personnels et je n'ai pas pu justifier et défendre ça.

Pour l'instant, je n'ai pas été capable de le faire (E 5 ; p. 22 , l. 1053 - 1058 ).

Enfin, Lucie dit ne pas savoir si les orientations données à l'enseignement primaire par la rénovation et les décisions en

matière d'évaluation lui permettront de garder sa mission d'orientation.

6.4 CE QU'ON PEUT EN RETENIR

6.4.1 Mieux se connaître pour mieux progresser.

Lucie, contrairement à d'autres de ses collègues, se montre favorable à l'autoévaluation. Loin d'y voir une intrusion dans son domaine réservé, elle attribue au contraire à l'autoévaluation un avantage certain : celui de rendre l'élève conscient de ses points forts et de ses points faibles. Pour Lucie, comme pour d'autres d'ailleurs, cette conscience du chemin parcouru et à parcourir permet 1m meilleur investissement de l'élève dans ses apprentissages. En cela, la pédagogie n'obéit pas à des règles différentes du reste de l'existence. Une meilleure connaissance de la problématique permet toujours de la dépasser plus aisément.

Cependant, mettre l'élève « en conscience » implique également que l'on ait des solutions à lui proposer pour dépasser ses difficultés. En effet, 1m enfant ne pourra pas être laissé seul face au constat de ses laetmes, constat qui aura sans doute 1me incidence négative sur son image de soi. L'enseignant aura à ce moment un important rôle à jouer : rendre l'élève conscient que toute difficulté est maîtrisable avec force et travail. Il devra dès lors proposer à l'élève des moyens de progression adaptés à ses besoins et à ses capacités.

Cependant, il court le risque de voir ses tentatives de remédiation échouer pour des raisons diverses: par exemple lorsque le problème est de nahue extrascolaire et qu'il n'a auetme prise sur lui, ou que l'élève n'a pas envie d'investir l'énergie nécessaire, ou encore parce que la réalité résiste à toute intervention. Il se retrouvera alors face à 1m élève conscient de ses manques persistants. Que fera-t-il alors face à celui à qui on a ouvert les yeux sur le néant ? A coup sür c'est 1m difficile cas de conscience qu'il convient de méditer. Savoir ou ne pas savoir, que choisir ?

6.4.2 Le portfolio ou l'avalanche de l' écrit.

Lucie ressent quelques craintes face à l'utilisation du portfolio dans des milieux socio-culturels peu favorisés. En effet, ce document, véritable pavé d'écrit, risque de déstabiliser les parents qui ne se sentent pas à l'aise dans notre langue.

Lucie ne manque pas de rappeler qu'au-delà des problèmes linguistiques purs, on trouve des personnes q_ui rencontrent de grandes difficultés face à l'écrit en général. L'analphabétisme est une réalité chez certains parents d'élèves Pour beaucoup d'autres, même à Genève, la lecture d'un texte reste nn laborieux exercice. Les enseignants et les autorités scolaires se devront de tenir compte de ces réalités quand ils auront à fixer les contours du nouveau bulletin d'évaluation.

Aux problèmes d'interprétation qui sous-tendent toute utilisation du français vont s'ajouter les problèmes de compréhension du message. Face à tme avalanche d'écrit, l'institution scolaire court le risque de perdre le contact avec les parents pour qui la compréhension du document dépasse parfois leurs compétences.

La lecture du portfolio demande également du temps que les parents, qui exercent parfois deux professions, ne pourront pas consacrer à leurs enfants. Sans parler de ceux pour qui l'enseignant, avec son inévitable jargon, deviendra intouchable.

Ceux-là renonceront à entrer en contact avec lui pour parler de la scolarité de leur enfant, trop honteux de leur propre incompétence.

L'enseignement n'a rien à gagner d'un rapport de supériorité avec n'importe lequel de ses partenaires. Le message doit rester simple, accessible à tous et ne servir qu'un seul but : permettre à l'élève de bénéficier du meilleur encadrement familial et scolaire pour qu'il développe au mieux ses compétences. Le mtùticulhrralisme genevois est une richesse.

C'est également tme particularité dont il faut absolument tenir compte dans le moyen de communication que l'on entend proposer aux familles.

6.4.3 Accepter l'élève dans sa propre évaluation.

Les analyses précédentes ont montré que la participation de l'élève à son évaluation par l'entremise de l'autoévaluation

et de la coévaluation demande un changement

« philosophique » à l'enseignant. Lucie nous rend attentifs au fait que les parents ont également un travail à effectuer dans ce domaine. En effet, ces derniers doivent apprendre à attribuer de la valeur à l'évaluation que l'enfant fait de lui-même. Passer de l'aspect « folklorique » des réunions-bilan à une réelle prise en compte de la part de l'enfant dans son évaluation ne va pas de soi et demande une redéfinition de la place de chacun dans le triangle pédagogique voire de la famille, le but ultime étant d'arriver à considérer l'autoévaluation de l'élève avec autant de sérieux que celle de l'enseignant. De tout évidence, la tâche ne sera pas aisée.