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Rigueur archéologique : Etudes sur le motif, photographies et historiographie

1. Des études sur le motif pour éduquer le regard et la photographie pour se

perfectionner

Helen Zimmern atteste que Lawrence Alma-Tadema est « un des peintres modernes les plus remarquables »133. En effet, il est surnommé le « peintre du marbre »

par ses contemporains car il excelle notamment dans la représentation mimétique de cette matière. Comme ses prédécesseurs, Alma-Tadema s’est formé au dessin en reproduisant ce qu’il a vu et ainsi ne déroge pas à la règle de la conception de la mimésis picturale. Le rendu de la matière peut s’apparenter à de la photographie et les exemples de ses prouesses sont nombreux à l’instar d’Un laurier rose (ill. LVII), Ses yeux reflètent ses pensées qui sont bien lointaines (ill. LVIII), ou encore Parmi les ruines (ill. LVIX), pour ne citer qu’eux. En effet, sa finesse d’exécution permet de retranscrire la matière des marbres durs, froid lisses et veinés. L’étude sur le motif semble donc indispensable. S’il ne s’était rendu lui-même sur les sites antiques, L. Alma-Tadema

74 n’aurait pas pu représenter, avec une telle fidélité, la diversité des marbres qui jonchaient le sol. Ce premier constat nous amène donc à penser que sa rigueur dans le mimétisme ne s’est pas simplement arrêtée à l’étude de ce matériau si courant et si fréquemment utilisé dans l’Antiquité.

Si les rendus en peinture des marbres peuvent être qualifiés de photographiques, c’est bien parce qu’il a utilisé le médium qu’est la photographie comme témoignage et source d’information pour ses réalisations ultérieures. Effectivement, il s’est rendu plusieurs fois en visite à Pompéi et ne s’est pas privé de réaliser des photographies : architectures, peintures murales, ou bien même parures et autre objets d’orfèvrerie sont passés sous l’objectif de Lawrence Alma-Tadema. Ce « répertoire », qui pourrait être assimilé à un inventaire est estimé à près de 5 000 photographies. Sites et mobiliers archéologiques deviennent alors une source d’informations dans laquelle l’artiste vient puiser des formes et des figures qu’il réintroduira et reproduira, parfois à l’identique, dans ses œuvres de petit format.

2. Des relevés archéologiques pour être au plus proche de la réalité

Une photographie célèbre (ill. LX) de l’artiste nous est parvenue et figure dans les rares ouvrages qui lui sont consacrés. Datant de 1883, le cliché présente Alma-Tadema, tel un archéologue prenant les mesures d’une peinture murale pompéienne du Premier Style dit « à incrustations ». L’artiste se veut le plus rigoureux possible. En effet, son approche du site est quasi-scientifique. Elle lui permet de retranscrire au mieux avec les bonnes proportions et échelles, par la suite, graphiquement et picturalement, ce qu’il a observé. Ses travaux de recherche semblent ainsi se rapprocher davantage de la démarche de l’archéologue que du peintre. L. Alma-Tadema ne s’inscrit plus dans l’invention comme il pouvait le faire à ses débuts : ses scènes de genre sont, in fine, dans la représentation et la présentation.

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3. Lawrence Alma-Tadema, un érudit qui a su s’entourer

Pour l’artiste, l’archéologie est bien plus qu’un simple passe-temps. L’artiste a su s’entourer pour ses recherches de nombreux auxiliaires tels des ouvrages, mais aussi de personnes. L’Université de Birmingham conserve aujourd’hui la bibliothèque réunie par le peintre jusqu’à sa mort en 1912. Entre les textes anciens, les publications archéologiques et les très nombreuses traductions, le fonds bibliographique s’élevait à près de 4000 références. Il possédait notamment The Journals of the Excavations at Pompeii de Giuseppi Fiorelli (1861-1862), Herculanum et Pompéi d’Henri Roux (1840) ou encore The ruins and excavations of Ancient Rome de l’archéologue italien Rodolfo Lanciani paru en 1897. Cet auteur de peintures que nous pourrions qualifier d’ « archéologiques » a aussi pris part aux débats qui ont agité les savants de la haute société britannique de l’époque comme celui sur la polychromie du Parthénon.

Si l’attitude du peintre s’avère être la plus scientifique et la plus rigoureuse possible (les relevés et les photographies en sont les exemples les plus probants), c’est bien parce que ses formations ont été encadrées par les meilleures personnes autour desquelles il a su s’entourer. L. Alma-Tadema appartient à un réseau de savants dont il essaie de tirer le meilleur parti. Il vit durant l’année 1857 chez le professeur Edmond- Louis de Taeye, spécialiste de la peinture d’Histoire médiévale. C’est aussi grâce à lui que Lawrence Alma-Tadema rejoint cette même année le Cercle Artistique, Littéraire et Scientifique d’Anvers. Il se perfectionne en outre aux procédés techniques et à la finesse dans l’exécution des traits en peinture grâce l’anversois Henri Leys134. Il s’initie

également à l’archéologie grâce à l’égyptologue Georg Ebers. Un lien se créé donc entre l’artiste et les savants. Il n’est pas sans rappeler et faire échos aux échanges et aux discussions de la Société des dilettantes ou, dans un autre registre, lorsque les artistes sont volontiers associés aux missions scientifiques.

134 Jan Hendrick August Leyst (1815-1869), plus connu sous son nom francisé d’Henri Leys est un peintre d’Histoire belge qui s’est notamment illustré dans des représentations picturales très précises et aux thématiques renaissantes. Nous pouvons citer une de ses toiles les plus connues qui est La Visite d’Albrecht

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B. Pour une réappropriation du mobilier archéologique : des « tableaux-