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2.   Physiologie du système cardiovasculaire 14

2.2.   Rigidité artérielle 63

Le terme rigidité artérielle a une connotation pathologique. Cependant, physiologiquement, les artères ont toutes une certaine rigidité qui dépend de plusieurs facteurs tels que l’épaississeur de la paroi et le rayon du vaisseau [255]. Ainsi, lorsque le sang sort du cœur durant la systole, il produit une onde le long de la paroi vasculaire. Cette onde se déplace à une certaine vitesse qui est dépendante des facteurs mentionnés précédemment. Lorsque l’onde de pouls générée par le cœur rencontre une résistance, elle produit une autre onde en sens inverse. La réflexion de l’onde de pouls survient physiologiquement le long de l’arbre vasculaire. En effet, plus on s’éloigne du cœur, plus la paroi vasculaire est rigide en raison d’une réduction des taux d’élastine et du diamètre des artères. Ainsi, puisque le rapport collagène/élastine augmente du cœur vers la périphérie, de par sa forte proportion de fibres élastiques, l’aorte est plus compliante que les artères musculaires qui contiennent moins d’élastine et plus de cellules musculaires lisses.

Il est difficile de parler de rigidité artérielle sans parler de pression pulsée. En effet, la PP est un paramètre qui permet d’exprimer les fluctuations de pression au cours d’un cycle cardiaque. Elle est la différence entre la pression au cours de la systole (PS) et la pression en fin de diastole (PD). Elle dépend beaucoup de la rigidité artérielle, mais également de l’éjection ventriculaire et de la réflexion de l’onde pulsatile [256]. De plus, l’influence de la rigidité artérielle sur la PP est incorporée dans le concept d’impédance. C’est une mesure de tous les facteurs qui limitent l’écoulement du sang [257]. Tout comme

la rigidité artérielle, l’impédance augmente graduellement, et ce de manière physiologique, le long de l’arbre artérielle en raison de la hausse du rapport collagène/élastine et de la diminution du diamètre des vaisseaux à mesure que le sang s’éloigne du cœur [258].

Ainsi, chez des sujets jeunes, la réflexion de l’onde de pouls survient au moment de la diastole, car l’onde de pouls se déplace lentement. Par contre, chez des sujets âgés, l’aorte est plus rigide provocant une augmentation de la vitesse de l’onde de pouls (pulse wave velocity, PWV) et conséquemment l’onde réfléchie arrive en même temps que la systole. Ceci se traduit par une baisse de la PD et une hausse de la PS due à la réflexion de l’onde de pouls ainsi qu’à l’accroissement de l’impédance aortique. Ces modifications de pression entraine conséquemment une hausse de la PP.

2.2.1. Facteurs endothéliaux influençant la rigidité artérielle

En plus de contrôler le tonus vasculaire, certains facteurs endothéliaux comme le NO, l’ET-1, l’EDHF et la PGI2 influencent la rigidité artérielle ou la compliance. La

compliance représente la capacité d’une artère à se dilater sous l’effet de la pression. Plus une artère est compliante et plus elle se dilate. Au contraire, la rigidité artérielle est une perte de compliance due à plusieurs facteurs tels un déséquilibre entre les composantes élastiques de la paroi et les composantes plus rigides comme le collagène, la fragmentation des fibres élastiques et leur calcification ainsi que l’augmentation du tonus vasculaire [259].

Le NO est le facteur le plus important dans le contrôle aigu de la rigidité. Qu’il soit produit de façon basale, stimulé par l’Ach ou administré de façon exogène, le NO diminue la rigidité artérielle. Par contre, lorsque les vaisseaux sont privés de leur endothélium, la rigidité est augmentée [260]. Il est possible d’observer des effets similaires en diminuant la production de NO par perfusion de L-NMMA ou de L-NAME. Ceux-ci augmentent certains indices de rigidité artérielle comme l’indice d’augmentation (AIx) et le PWV [261, 262]. Des études chez l’homme ont également montré une altération de la compliance par l’administration de L-NAME [257] et de L-NMMA [263, 264]. L’administration de

donneurs de NO comme la NTG et le nébivolol diminue le PWV [265-267]. Ils rétablissent même la dysfonction endothéliale [186, 268]. L’ET est également très important dans la régulation de la rigidité artérielle, mais contrairement au NO, sa présence l’augmente [269]. L’inhibition de ET-1 par un inhibiteur de son récepteur ETA permet de diminuer le PWV.

Une étude chez des patients souffrants de maladies coronariennes a montré que les taux circulant d’ET-1 corrèlent bien avec la rigidité artérielle [270]. Toutefois, des études récentes ont montré que les taux circulants d’ET-1 ne reflètent pas sa production tissulaire [271, 272]. Finalement, dans une moindre mesure l’EDHF et la PGI2 influencent la rigidité

artérielle. Une étude montre que les patients souffrant de résistance à l’insuline ont une augmentation compensatoire du NO et d’EDHF dans les premiers stades de la maladie provoquant une diminution de la rigidité artérielle [273]. La PGI2 est un agent

vasodilatateur qui, en plus de relaxer les vaisseaux, peut également diminuer la rigidité artérielle. Un analogue synthétique de la prostacycline, le beraprost, prévient l’augmentation du PWV chez des patients ayant eu un infarctus cérébral [274].

2.2.2. Méthodes de mesure de la rigidité artérielle

Contrairement aux expérimentations animales, la mesure de la rigidité chez l’homme ne peut pas se faire par des méthodes invasives. Il a été développé, au cours des années, des méthodes non-invasives qui permettent d’évaluer indirectement la rigidité artérielle. Il existe plusieurs méthodes qui mesurent soit le temps de transit des ondes vers la périphérie comme le PWV, soit des estimations directes de la rigidité par des mesures du diamètre des vaisseaux en fonction de la pression. Le PWV semble représenter de plus en plus le marqueur de choix pour l’évaluation de la rigidité artérielle, certains même le décrivent comme étant l’étalon or (gold standard) pour la mesure de la rigidité artérielle [255]. En effet, il est accepté comme étant la méthode non-invasive la plus simple et la plus reproductible. En 2006, un groupe d’experts s’est penché sur une standardisation de la mesure du PWV afin qu’il puisse être efficacement utilisé en clinique pour la prévention et le traitements des maladies cardiovasculaires. Les valeurs normales de PWV chez

l’homme en santé varient entre 4 et 5 m/s dans l’aorte ascendante, 5 et 6 m/s dans l’aorte abdominale et augmente à 8-9 m/s dans les artères iliaques et fémorales [275]. De plus, plusieurs études ont montré que la mesure du PWV est une valeur prédictive indépendante pour la mortalité cardiovasculaire dans la population en générale, chez les gens hypertendus et les personnes âgées de plus 70 ans, mais aussi chez des gens souffrant d’insuffisance rénale et de diabète [276]. Certaines études ont même montré que son augmentation était associée à une hausse de la mortalité cardiovasculaire. En effet, Blacher et al. ont montré qu’un PWV supérieur à 13 m/s était associé à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire [277] alors que l’équipe de Laurent a montré, chez des patients hypertendus, qu’une hausse de la rigidité artérielle de 5 m/s est associée à une augmentation de 50% de la mortalité cardiovasculaire [278]. Avec ces études, il était nécessaire d’établir des balises. Ainsi, la détermination de la rigidité artérielle telle que mesurée par le PWV entre la carotide et la fémorale a été recommandée par le guide 2007 de la Société européenne/internationale d’hypertension (2007 Guidelines for the Management of Hypertension) afin d’évaluer les dommages artériels et les niveaux de risques cardiovasculaires. Les auteurs de ce guide ont également suggéré une valeur seuil de PWV >12 m/s servant à estimer les altérations de la fonction aortique chez les patients hypertendus [279]. Toutefois, chez des gens en bonne santé, la validité de cette valeur seuil de PWV reste encore à être déterminée. Une valeur seuil propre à cette population devrait être établie [280].

Malgré que la mesure du PWV soit très répandue, son utilisation est limitée par des difficultés à estimer le temps d’arrivée de l’onde à l’autre extrémité ainsi que par la nécessité de faire des mesures simultanément à différents endroits et d’avoir une grande distance entre deux points afin d’obtenir des résultats valables [281]. La plupart des paramètres sont mesurés à l’aide de techniques d’écho-doppler pour déterminer le diamètre, le volume et l’épaisseur de la paroi ainsi que la tonométrie pour mesurer les pressions [276]. Le tableau suivant résume les différents paramètres et méthodes utilisés pour mesurer la rigidité artérielle [282, 283].

Tableau 3: Paramètre de mesure de la rigidité artérielle. Adapté de [282, 283].

Paramètre Définition Équation

Vitesse de l’onde de pouls (PWV) Vitesse de parcours de l’onde de pression le long d’un segment artériel défini.

PWV = distance / Δtemps (cm/s)

Pression pulsée (PP) Différence entre la PS et la PD PP = PS – PD (mmHg) Indice de rigidité β Rapport entre la pression et le

changement relatif de diamètre. β = [ln (PS / PD)] / [(Dsyst

- Ddiast) / Ddiast]

Indice d’augmentation (AIx) Proportion de la PP résultant de

l’onde de réflexion. AIx = (ΔP / PP) x 100

Impédance (Zc)

Rapport entre le changement de pression et le débit sanguin. Dépend du D des vaisseaux, de la

rigidité artérielle et des ondes de retour.

Zc= PP / Q (mmHg/cm/s)

Compliance artérielle (CA)

Rapport entre le changement de diamètre du vaisseau ou de volume sanguin et le changement

de pression.

CA = ΔD / ΔP ou ΔV / ΔP (cm ou cm2/mmHg)

Compliance artérielle systémique (CAS)

Rapport entre le volume

d’éjection et la pression pulsée. CAS = VE / PP

Distensibilité artérielle (DA)

Relation entre la fraction de changement de compliance et le

changement de diamètre correspondant.

DA = ΔD (ΔP x D) (mmHg-1)

Module élastique (E) vaisseau et la force requise pour la Rapport entre la déformation du produire. L’inverse de la DA.

E = (ΔP x D) / ΔD (mmHg) D = diamètre; V = volume; syst = systolique; diast = diastolique

L’augmentation de la rigidité artérielle fait partie du processus de vieillissement. La diminution de la compliance provoque une augmentation de la pression systolique et une diminution de la pression diastolique, caractéristiques associées à l’hypertension systolique isolée.