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7.   Discussion 152

7.2.   Aspect physiologique 153

7.2.1.   Bloquer la production de NO par l’administration de L-NAME 153

7.2.1.1.   Initiation de la calcification 154

a. Arrêt précoce du traitement L-NAME

Dans cette partie, le traitement WVK a augmenté significativement la PP, mais n’a modifié la PS qu’à la 3e semaine de traitement. Cette hausse de la PP est accompagnée d’une augmentation de la déposition de calcium et du PWV. Ces modifications se produisent également chez l’homme au cours de l’HSI [312, 385]. L’observation d’un pic de calcification à 3 semaines de traitement a quelque peu étonné. Cette augmentation pourrait être expliquée par le fait qu’à ce temps, plusieurs processus enclenchés depuis les premières semaines de traitement, deviennent concrets. C’est le cas de la fragmentation de l’élastine et de l’expression du facteur de transcription Cbfa-1 [313]. Cette période dans l’initiation de la calcification est donc une étape charnière. Comme cette période du traitement semble être cruciale, la variabilité entre les animaux traités peut être plus importante. En effet, comme la calcification et tous les processus qui lui sont associés dépendent de l’équilibre entre la vitamine K et la warfarine, un ajustement rigoureux des doses de warfarine est essentiel. Cependant, une des faiblesses de notre protocole est le mode d’administration de la warfarine. L’administration de la warfarine dans l’eau de boisson et le fait que les rats soient 2 par cages entrainent des variations dans la dose quotidienne de warfarine que reçoit chaque rat puisque l’eau consommée est une moyenne par cage. En effet, s’il y a un rat qui boit plus que l’autre dans une cage, sa dose de warfarine sera plus importante. Il est donc difficile de bien contrôler la consommation de warfarine et ce même si la dose est ajustée fréquemment. Pour être vraiment rigoureux et certain de la dose de warfarine que chaque rat reçoit, il aurait fallu avoir qu’un seul rat par cage, mais cette pratique est contraire aux normes. Il aurait également été possible d’administrer la warfarine par gavage. Le protocole initial, développé par le Dr Paul Price,

impliquait 3 injections par jours (2 de warfarine et 1 de vitamine K) [449]. Il est certain qu’avec ce protocole ou la technique de gavage, tous les rats reçoivent les mêmes doses, par contre, c’est plus exigeant pour l’expérimentateur et plus stressant pour les animaux. Le gavage nécessite, de plus, une expertise particulière. Notre laboratoire a préconisé une approche expérimentale qui a été utilisée dans plusieurs études [313, 385, 435, 436]. Cette technique impliquant l’administration des médicaments dans la nourriture ainsi que dans l’eau de boisson est moins exigeante et moins traumatisante pour les rats, mais des variations possibles entre les animaux sont à prendre en considération. Ainsi, peut-être à cause d’une plus grande consommation de warfarine, il y a eu également une plus grande mortalité dans le groupe WVK 3 semaines. Le nombre de rats dans ce groupe est faible ce qui peut davantage accentuer les variations. En plus des variations attribuables aux doses de warfarine et le faible nombre de rats dans ce groupe, le fait que le groupe +L-NAME 3 semaines ait également eu un pic de calcification suggère qu’il y a effectivement quelque chose qui se passe à cette période. Selon le protocole, les quantités de vitamine K injectée sont diminuées à partir de la 3e semaine de traitement. Il est donc possible d’observer une hausse plus importante de la calcification entre la semaine 2 et la semaine 3 qu’entre la semaine 1 et la semaine 2 par exemple. Ce phénomène est également observable dans d’autres études de notre laboratoire [313] et ce même si les taux de calcium sont généralement plus importants à 4 semaines de traitement WVK ce qui n’est pas le cas dans la présente étude. Contrairement à d’autres études publiées antérieurement par notre laboratoire, l’augmentation plus importante de la calcification à 3 semaines de traitement pourrait être le fruit de l’addition des facteurs qui ont été discutés plus haut. De plus, comme chaque temps de traitement correspond à des groupes de rats différents, il peut arriver qu’un groupe réagisse différemment d’un autre à l’intérieur d’une même étude.

L’administration chronique de L-NAME lors de l’initiation de la calcification a prévenu la déposition de calcium sans toutefois avoir un impact sur la rigidité artérielle. L’absence de modulation du PWV par le L-NAME pourrait s’expliquer par le fait que la calcification n’est pas le seul facteur qui influence la rigidité artérielle. Par exemple

l’administration de L-NAME pourrait avoir prévenu la calcification sans toutefois moduler la fibrose [342]. La prévention de la calcification de l’aorte par le L-NAME a été quelque peu surprenante et avait été perçue, au départ, comme un problème dans la méthodologie et cette étude avait été mise de côté. Après avoir pu reproduire ces résultats plusieurs fois, une investigation plus approfondie a été entreprise. L’administration de L-NAME devait donc inhiber une substance impliquée dans les processus de mise en place de l’élastocalcinose. Comme le L-NAME est connu pour être un inhibiteur non sélectif des NOS [58], nous avons voulu savoir si en plus de la eNOS, la iNOS était exprimée au niveau de l’aorte dans le traitement WVK. À notre grande surprise, la iNOS était exprimée de manière basale au niveau de l’aorte, le traitement WVK l’a augmentée et le L-NAME l’a diminuée. Contrairement à la eNOS, l’activité de la iNOS dépend de son degré d’expression. En effet, une étude a montré une forte diminution de l’expression de la iNOS dans des cœurs de rats suite à 4 semaines d’administration de L-NAME [460]. Une diminution d’expression a également été remarquée avec un inhibiteur sélectif pour la iNOS, le 1400W [461]. Étant donnée la production massive de NO par la iNOS, elle pourrait être impliquée dans l’initiation de la calcification au cours du traitement WVK. Son inhibition serait donc bénéfique pour limiter le développement de l’élastocalcinose. En plus des immunobuvardage de type Western, des expériences d’immunohistochimie ont permis de localiser la iNOS au niveau de l’adventice. À cause de la forte proportion de fibroblastes au niveau de l’adventice et de la forme allongée des cellules colorées, la iNOS pourrait être exprimée par les fibroblastes. Une étude utilisant un modèle in vitro de culture d’anneaux aortiques ainsi qu’un modèle animal a montré l’expression de la iNOS au niveau de l’adventice par les fibroblastes, mais aussi par les cellules endothéliales de l’intima [38]. Dans notre étude, l’expression est beaucoup plus importante au niveau de l’adventice que dans l’intima. Sur quelques lames, une expression a été observée au niveau de l’endothélium, mais pas sur toutes les coupes d’aorte. Comme l’endothélium est très fragile, il est possible qu’il ait été endommagé suite à la manipulation des vaisseaux.

En plus de la iNOS, l’expression de d’autres protéines a été mesurée. La eNOS a été augmenté de 53% et sa phosphorylation de 26% lors du traitement WVK. Malgré l’accroissement de l’expression et de l’activité de la eNOS, ces modulations ne sont pas significatives, mais la eNOS semble tout de même être impliquée dans l’initiation de la calcification, peut-être pour limiter celle-ci. Plusieurs études rapportent une diminution de l’expression et de l’activité de la eNOS lors d’une augmentation de la rigidité artérielle [462, 463]. De plus, avec l’âge, l’expression [366, 367] et l’activité de la eNOS [368] sont diminuées au profit de la iNOS [367]. Dans notre étude, ça ne semble pas être le cas puisque, même si l’effet est modeste, l’expression et l’activité de la eNOS sont augmentées dans le modèle WVK. L’administration de L-NAME ne semble pas avoir modulé l’expression de la eNOS, mais les valeurs sont tout de même plus basses que dans les groupes WVK seul. Le L-NAME semble avoir eu un effet plus important sur l’activité de la eNOS puisque sa phosphorylation a été légèrement augmentée au cours du traitement WVK et l’administration du L-NAME a ramené ces valeurs aux mêmes niveaux que les témoins. Certaines études ont montré une augmentation de l’expression de la eNOS dans des modèles animaux de dysfonction endothéliale [234, 464]. Cette augmentation n’a toutefois pas été observée dans les groupes +L-NAME.

Par l’administration de L-NAME, nous avons voulu mimer une dysfonction endothéliale. Par contre, contrairement à ce qui se passe dans la pathologie, l’induction chimique d’une dysfonction endothéliale a eu pour conséquence d’inhiber toutes les NOS. Cette inhibition nous a permis de mettre en évidence l’expression de la iNOS qui semble être impliquée dans l’initiation de la calcification puisque l’administration de L-NAME n’a pas augmenté la déposition de calcium, mais l’a plutôt prévenu. Il est certain que le L- NAME a également inhibé la eNOS, qui semble, selon la littérature, bénéfique. Une explication possible pourrait être que l’inhibition de la iNOS, connue pour ses effets délétères à cause de sa production de grandes quantités de NO, a permis de limiter le développement de la calcification. De plus, comme une inhibition n’est jamais totale, le L-

NAME aurait diminué la quantité de NO au niveau vasculaire, ce qui a été bénéfique pour l’aorte.

En utilisant le modèle WVK, une étude provenant de notre laboratoire a montré l’implication de la MMP-9 dans le développement de l’élastocalcinose [313]. De plus, une étude a montré que la iNOS est nécessaire à l’expression de la MMP-9 au niveau CMLVs [465]. Il serait donc possible que l’inhibition de la iNOS par le L-NAME a diminué l’expression et l’activité de la MMP-9, enzyme responsable de la dégradation de l’élastine. Cependant, dans ce domaine, plusieurs études contradictoires ont été publiées. En effet, des études montrent que l’administration exogène de NO entraine une diminution de l’expression de la MMP-9 [466] et que le L-NMMA l’augmente [467] alors que d’autres ont montré une augmentation de l’activité de la MMP-9 par la nitrosylation [468].

Contrairement à d’autres études publiées par notre laboratoire [435], le traitement WVK de 4 semaines n’a pas augmenté la production de l’ET. Ici, elle semble avoir un rôle mineur dans la calcification vasculaire. Malgré une diminution de la production de NO par le L-NAME, l’ET n’a pas été davantage augmentée. Cependant, si nous gardons en tête que le L-NAME a été, dans ce cas-ci, bénéfique pour l’aorte à cause de l’inhibition de la iNOS, l’absence de modulation de l’ET dans les groupes +L-NAME demeure compatible avec son rôle.

b. Poursuite du traitement L-NAME

Afin de voir les réels effets de l’inhibition de la production de NO sur l’élastocalcinose et la rigidité artérielle, une étude a été réalisée en ayant continué l’administration de L-NAME jusqu’au moment des sacrifices. Dans cette section, le traitement WVK ne semble pas avoir fonctionné puisque les valeurs hémodynamiques sont toutes plus faibles que celles du groupe témoin. La PP est quand même significativement augmentée dans le groupe WVK4, mais c’est à cause de la diminution de la PD dans ce groupe. Les valeurs de calcification sont également beaucoup plus faibles que la normale

qui est aux alentours de 3 µg/mg de tissu [313]. Lorsque comparées à l’étude de la section arrêt précoce du traitement L-NAME, dont les valeurs de calcification se situent entre 3 et 5 µg/mg de tissu, les valeurs dans la section poursuite du traitement L-NAME sont beaucoup plus basses. En effet, elles sont d’à peine 1,5 µg/mg de tissu. Par contre, le traitement L- NAME semble avoir fonctionné puisque les valeurs de calcification obtenues sont comparables aux valeurs obtenues dans la section arrêt précoce du traitement L-NAME. Ainsi, comme le traitement WVK n’a pas fonctionné, l’administration de L-NAME donne l’impression d’avoir augmenté la déposition de calcium dans l’aorte ce qui serait contraire à ce qui a été observé les 3 fois que ce traitement 4 semaines a été réalisé. Idéalement, il aurait fallu reprendre cette étude sans l’arrêt du traitement.

De par les valeurs de calcification obtenues, la cinétique aurait été modifiée de telle sorte que les valeurs observées représenteraient des temps de traitement plus précoces. En effet, les valeurs sont comparables à la 2e semaine de traitement. Malgré ce problème, les valeurs de PWV dans le groupe WVK4 ne semble pas avoir été influencées par les faibles valeurs de calcium aortique. Les valeurs de PWV sont comparables à celles de la section arrêt précoce du traitement L-NAME ainsi que dans d’autres études [313]. Une explication possible serait que la rigidité artérielle ne dépend pas seulement de la calcification des lamelles élastiques, mais également d’autres facteurs tels que la fragmentation de l’élastine [313, 469] et la fibrose caractérisée par l’augmentation de collagène [342, 470, 471]. De plus, la fragmentation de l’élastine libère certaines molécules comme le TGF-β qui stimule la synthèse de collagène et de fibronectine par les CMLVs [348, 349]. Le TGF-β est d’ailleurs exprimé dans le modèle WVK. Il est activé dès la 1re semaine de traitement [313]. La mesure de l’activité du TGF-β a été testée afin de voir si le L-NAME le modulait, mais aux temps de traitement effectués, aucune activation n’a été observée (résultats non montrés).

Malgré quelques difficultés dans cette section, il est tout de même intéressant d’observer les effets aigus du L-NAME sur les paramètres hémodynamiques ainsi que sur

l’expression protéiques. En effet, il est possible d’observer que le L-NAME a augmenté significativement la FC, la PS, la PD et la PAM sans moduler la PP. L’absence de modulation de la PP est normale puisque que le L-NAME a haussé à la fois la PS et la PD. Comme le L-NAME bloque la production de NO et qu’il n’a pas été arrêté quelques jours avant les sacrifices, cet accroissement des mesures hémodynamiques était tout à fait prévisible. D’autres études ont montré les effets aigus du L-NAME sur les paramètres hémodynamiques [262].

Concernant l’expression protéique, le traitement WVK a augmenté significativement l’expression de la eNOS sans moduler la iNOS. Dans la section arrêt précoce du traitement L-NAME, la iNOS a été significativement augmentée à 3 et à 4 semaines de traitement. Les résultats semblent variables, mais il faut garder en tête que le traitement n’a pas fonctionné dans ce groupe et que les niveaux de calcification à 4 semaines ressemblent à des niveaux de calcification normalement mesurés à 2 semaines de traitement WVK. Ainsi, une explication probable serait que le changement de cinétique entre les expériences arrêt précoce du traitement L-NAME et poursuite du traitement L- NAME aurait également modifié la cinétique d’expression de la iNOS. Comme celle-ci semble être augmentée dans les dernières semaines de traitement WVK, elle n’aurait pas eu le temps d’être augmentée dans la 2e série d’expériences. La eNOS, quant à elle, est peut- être exprimée plus précocement dans l’initiation de la calcification. Dans la section arrêt précoce du traitement L-NAME, elle est déjà augmentée de 28% à la 1re semaine de traitement WVK. Cette étude vient confirmer l’importance de la eNOS dans l’initiation de la calcification vasculaire. En effet, l’accroissement de son expression lors du traitement WVK pourrait être un des mécanismes enclenchés par l’organisme pour palier au déséquilibre entrainé par l’administration de warfarine et ainsi limiter l’élastocalcinose. Il est certain qu’une hausse d’expression n’implique pas nécessairement une hausse de la production de NO. Toutefois, il est possible de croire que cette augmentation de l’expression de la eNOS s’est traduite par une élévation de la production de NO. Il y a des indices qui suggèrent une hausse de la production de NO. En effet, dans la section arrêt

précoce du traitement L-NAME, il a été possible d’observer une hausse de l’expression de la eNOS et de son activité, sans toutefois que celles-ci soient significatives. Dans la section poursuite du traitement L-NAME, son expression est significativement augmentée, mais pas son activité et ce malgré une hausse de 38% de sa phosphorylation. Toutefois, l’intervalle de confiance indique que la hausse de la phosphorylation est très près d’être significative.

Dans la section arrêt précoce du traitement L-NAME, l’expression de la GCs a été augmentée dans le modèle WVK et le L-NAME l’a diminuée. Ces modulations ne sont toutefois pas significatives. Par contre, dans la section poursuite du traitement L-NAME, le traitement WVK a légèrement diminué son expression et le L-NAME a davantage accentué cette diminution. Des étude ont montré une diminution de l’expression de la GCs dans un contexte de vieillissement [472] alors que d’autres études, dans un contexte de dysfonction endothéliale, obtiennent des résultats contradictoires [473, 474]. De plus, dans une étude utilisant le L-NAME pour induire une dysfonction endothéliale, l’expression de la GCs a été diminuée [475]. Cette étude serait donc en lien avec nos résultats, même si ce volet est encore passablement incertain.

Globalement, l’administration de L-NAME lors de l’initiation de la calcification a prévenu l’élastocalcinose sans toutefois modifier le PWV. Le traitement WVK a augmenté l’expression de la iNOS. Elle serait ainsi impliquée dans les processus de calcification vasculaire et de rigidité artérielle. La eNOS semble également impliquée. La hausse de son expression lors du traitement WVK pourrait être bénéfique pour limiter l’élastocalcinose alors que l’expression de la iNOS serait délétère. Afin de discriminer les effets de la eNOS et de la iNOS, l’inhibition sélective de cette dernière pourrait fournir davantage d’information sur sa réelle implication dans les mécanismes d’élastocalcinose menant à une rigidité artérielle.