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Chapitre 1: Etat des connaissances et Problématique

1.7. Rhizosphère du riz

Strictement, la rhizosphère est la région du sol qui est directement en contact avec les racines. Elle est qualifiée comme la zone d’intense activité (Dommergues & Mangenot, 1970) entourant les racines,

en raison de la présence de microorganismes, bactéries et champignons et de leurs prédateurs. La rhizosphère inclut aussi la surface des racines (rhizoplan) et l'intérieur de celles-ci (endorhizosphère). Le fonctionnement de la rhizosphère varie avec les paramètres physico-chimiques du sol, l’espèce

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végétale, l’état physiologique de la plante, les productions d’exsudats racinaires, la rhizodéposition et les microorganismes présents à l’interface racine-sol.

Le riz est une plante monocotylédone, de la famille des poacées. La tige du plant de riz est dressée ou rampante. La hauteur varie entre 0,5 et 1,5m. Le système racinaire est de type fasciculé (Figure 1.8)

et comporte un aérenchyme qui permet à la plante de transférer de l’oxygène des parties aériennes vers les racines, créant ainsi une deuxième source d’approvisionnement en oxygène pour les microorganismes en condition anoxique (Liesack et al., 2000; De Dorlodot et al., 2005). Le maintien

d’une rhizosphère oxydée est vital pour le riz, car il prévient l’absorption de substances réduites en trop fortes quantités par la plante (Vizier, 1988).

Figure 1.8 : Différentes parties du plant de riz d’après Monty (1995)

Le riz peut:

oxyder le fer(II) en Fe(III) grâce à l’oxygène transporté vers les racines par l’aérenchyme, causant des précipitations d’oxydes et d’hydroxydes ferriques à la surface des racines. Selon De Dorlodot et al., (2005), c’est une stratégie de protection qu’adopte certaines variétés de riz

comme Oryza sativa (sensible à la forte concentration d’ions ferreux en solution) et d’autres

espèces aquatiques ;

expulser le fer hors de l’endorhizosphère par discrimination (Nozoe et al., 2004; Majerus et

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activer, face au stress oxydatif, comme pour l’espèces Oryza glaberrima, des mécanismes

antioxidatifs (Majerus et al., 2007a) ou accumuler le fer sous forme de dépôts non toxiques

dans les vacuoles, les mitochondries, le plasme et dans l’apoplasme où la faible acidité favorise d’excellentes conditions de dépôt de fer (Dos Santos & De Oliveira, 2007) ou aussi

le chélater en synthétisant des protéines de type ferritines. Dans ce cas, les plantes, bien que possédant davantage de fer, se comportent comme si elles se trouvaient en manque de fer. Il en résulte une activation des systèmes de transport racinaire qui enrichit les plantes non seulement en fer mais également en métaux indésirables (De Dorlodot et al., 2005; Majerus

et al., 2007a; Majerus et al., 2007b).

Face donc aux stress biotiques et abiotiques, la plante de riz développe plusieurs stratégies de survie. Par contre, si cette régulation n’a pas pu être assurée par la plante, on pourra observer, soit une chlorose ferrique correspondant à une absorption déficitaire, soit une toxicité ferreuse.

De plus, des toxicités sulfuriques par des accumulations de monosulfure ferreux (FeS) insolubles et noires ont été observées dans la spermosphère et la rhizosphère du riz en Tunisie, en milieu salin (Jacq, 1975; Jacq et al., 1990). Cela peut être lié aux conditions de ce milieu et à la présence

d’exsudats organiques qui favorisent l’activité des bactéries sulfato-réductrices (SRB) (Jacq, 1975)

présentes dans les sols soumis à des phases d’hydromorphie.

La rhizosphère du riz constitue une source importante d’azote dans les sols de rizières (Rinaudo, 1977; Dommergues, 1979; Mengel et al., 1986). En effet, plusieurs travaux (Roger & Watanabe, 1986; Yanni et al., 1997) ont montré que la rhizosphère de poacéess, comme le riz, hébergent de

nombreuses bactéries fixatrices d’azote (aéorobies : Azotobacter, Beijerinckia ;microaérophiles : Spirillum, Derxia ; anaérobies facultatives : Enterobacter cloacae, Klebsiella pneumoniae ;

anaérobies strictes : Clostridium sp., Desulfovribrio sp.) qui produisent plus de 50kg d’azote par

hectare et par cycle cultural (Traoré, 1985; Roger & Ladha, 1992; Stolzfus et al., 1997).

Indirectement, le riz est capable d’utiliser pour sa nutrition l’azote fixé par ces bactéries. Mais, selon Dommergues (1979) et Rinaudo (1977), cette fixation peut être limitée par la quantité de la source

d’énergie disponible et aussi par le caractère génétique de la plante. De même, pour Webster et al.,

(1997) ces bactéries peuvent soit utiliser une grande partie de l’azote fixé pour leur croissance, soit

coloniser seulement la surface des racines et rester vulnérables aux autres microorganismes de la rhizosphère ; ce qui limiterait la fixation biologique de l’azote.

La rhizosphère du riz est aussi un milieu favorable pour la dénitrification. En effet, un grand nombre de bactéries dénitrifiantes est observé aussi bien dans la rhizosphère du riz que dans le sol non rhizosphérique, malgré la présence de la zone oxydée autour des racines. La dénitrification pourrait

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être aussi assimilative et non pas seulement respiratoire (dissimilative) (Garcia, 1974). Par ailleurs, la

présence des deux zones distinctes dans la rhizosphère (Figure 1.9) peut favoriser le développement

simultané de la nitrification dans la zone oxydée et de la dénitrification dans la zone réduite (Reddy & Patrick Jr, 1986).

Figure 1.9 : Présentation schématique de la transformation de l’azote dans les zones oxydées et

réduites de la rhizosphère du riz d’après Reddy & Patrick (1986)

Racine Diffusion Diffusion N2, N2O NO3- N NH4- N N-Organique Z o n e r é d u it e Zo ne ox yd ée NH 4 -N NO 3 -N

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Conclusion et problématique de recherche

Dans les pays tropicaux, en particulier ceux d’Asie et d’Afrique, le riz occupe une place importante dans l’alimentation des populations (FAO, 2004). Cependant, avec l’essor de la croissance

démographique et de l’économie de plantation, la forêt est remplacée par les cultures économiquement plus rentables (caféier, cacaoyer, bananier, ignames). Cette déforestation a modifié les conditions climatiques locales, la dynamique du cycle de l’eau, et favorisé l’assèchement. De telles modifications affectent les pratiques culturales et la culture du riz, pratiquée intensivement dans les bas-fonds (N’Dabalishle, 1995; N’Guessan, 2002). Mais, dans ces sites de bas-fond ou de bas de

toposéquence, peuvent apparaitre et se développer des conditions défavorables comme la toxicité ferreuse et la salinité, qui sont devenues des problèmes importants, contribuant à la diminution des rendements du riz irrigué (Sahrawat & Sika, 2002).

De plus, les exploitations plus intenses et l’apport décroissant des engrais minéraux diminuent graduellement la fertilité des sols de rizières qu’il faut absolument "reconstituer" pour garantir une production durable. Face à ces problèmes et difficultés, les agriculteurs proposent et appliquent des remèdes, pas toujours bien expliqués, comme l’apport de matières organiques pour lutter contre la salinité en Thaïlande, qui a aussi un effet sur les conditions réductrices du milieu.

Dans les sols de rizières qui sont de vastes agrosystèmes à condition spécifiques, le cycle du fer joue un rôle important, soit directement sur la production de riz, soit indirectement comme indicateur de qualité des rizières. En effet, des déficits ou des excès de fer sont souvent à l’origine de désordre nutritionnel observé chez les plants de riz (Neue et al., 1998; Sahrawat et al., 2001) et engendrent des

baisses importantes de la production.

Des observations et mesures de terrain montrent dans des rizières de Thaïlande et de Côte d’Ivoire, des phénomènes de réduction intenses évaluées par de fortes teneurs de fer ferreux en solution (ADRAO, 2002; Grünberger et al., 2008; Quantin et al., 2008). Ces teneurs en fer ferreux sont aussi stimulées

par des apports de matières organiques (Thaïlande). De telles constatations suggèrent l’intervention de communautés bactériennes réductrices de fer, qui peuvent être à l’origine de ces solubilisations.

L’hypothèse centrale de cette étude repose sur l’effet "positif" des activités bactériennes sur la disponibilité du fer dans les sols de rizières et sur l’amélioration ou la dégradation de leur qualité productive. Pour valider cette hypothèse, deux situations, un peu extrêmes, ont été abordées par une approche de terrain et de laboratoire. Deux sites de références où les problèmes de toxicité ferreuse (Côte d’Ivoire) et de salinité traitée par les apports de matières organiques (Thaïlande) se manifestent, ont été sélectionnés.

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Dans ce jeu d’interactions complexes participant à la solubilisation et à la disponibilité du fer dans ces sols de rizières, nous nous sommes attelés à répondre à différentes questions :

- Comment les microorganismes contrôlent-ils les flux du fer et des éléments majeurs et en traces responsables de la qualité et de la fertilité des sols, de la nutrition des plantes et de la qualité des solutions du sol ?

- Quel est l’impact d’actions anthropiques (apport de matières organiques par dans les sols de rizières) et du contexte géologique du milieu (salinité) sur ces processus et principalement sur les communautés bactériennes ferri réductrices?

- Quelle est l’influence des paramètres du milieu (pH, salinité, aération, nature et disponibilité des matières organiques) sur les activités bactériennes ferri-réductrices?

- Quel est l’impact des interactions entre les différents paramètres et leur manifestation dans la rhizosphère de plants de riz?

Cette étude intitulée "implications des communautés bactériennes ferri-réductrices et des paramètres environnementaux dans le fonctionnement et la qualité des sols de rizières (Thaïlande et Côte d’Ivoire) a donc été axée sur l’amélioration des connaissances des facteurs biotiques et abiotiques

régulant la dynamique et la disponibilité du fer dans les sols de rizières. D’un point de vue socio-économique, elle vise aussi à améliorer la production du riz en vue d’atteindre la sécurité alimentaire et le niveau de vie des paysans.

Les phénomènes d’oxydo-réduction essentiellement du fer seront donc étudiés dans une situation où ils apparaissent bénéfiques (cas de la Thaïlande) et dans une situation où ils sont néfastes (cas de la Côte d’Ivoire) pour les rizières.

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