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Chapitre 1: Etat des connaissances et Problématique

1.4. Mobilité du fer et toxicité ferreuse dans les rizières

La toxicité ferreuse se manifeste dans les rizières lorsque d’importantes quantités de fer (Fe2+) sont mobilisées et accumulées dans la solution du sol, notamment au niveau du bas-fond. Ce fer peut provenir de la mise en solution in situ, dans le bas-fond lui-même, ou du transfert de fer solubilisé des pentes adjacentes du bas-fond.

Dans les sols tropicaux de plateau, biens drainés, bien aérés, les teneurs en fer sont extrêmement faibles. Toutefois, des travaux ont mis en évidence l’influence que peut avoir la couverture végétale

Sol aérobie: surface

Sol anaérobie : profondeur

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sur les processus de migrations du fer (Boquel & Suavin, 1974). Les litières peuvent libérer,

directement ou par biodégradation, des acides organiques susceptibles de former des complexes organo-métalliques qui rendent possible la migration du fer vers des milieux comme les rizières où il précipiterait ensuite sous forme d’hydroxydes.

Par ailleurs, le fer peut-être entraîné dans le bas-fond par des transferts verticaux ou par le ruissellement et l’érosion, ou être présent dans les bas-fonds où il sera transformé en fer ferreux soluble (Diatta & Siband, 1998; ADRAO, 2002) qui peut reprécipiter sous forme de complexes

ferriques ou ferreux, ou sous forme d’hydroxydes ferriques (Figure 1.5) selon les paramètres

physico-chimiques du milieu. Résurgence de la nappe souterraine Bas-fond Plateau Zone Hydromorphe Fe3+ Fe2+ Fe2+ Fe2+ Fe2+ Fe2+ Fe2+ Fe3+ Fe3+ Fe3+ Fe3+ Fe3+ Fe3+ É cou lem en t d ive rge nt Ruis sèleme nt Environnement oxydant Bon drainage Faible humidité Environnement réduisant Mauvais drainage Forte humidité Environnement réduit Mauvais drainage Humidité permanente

Figure 1.5 : Coupe transversale d’une toposéquence montrant le mouvement du fer et le processus de

réduction d’après ADRAO (2002)

La mobilité du fer peut aussi être facilitée par des pH relativement bas (Majerus et al., 2007a) et ce

d’autant plus que dans les milieux acides l’activité réductrice ne nécessite pas un potentiel d’oxydo-réduction très bas (Jacq et al., 1987).

Dans les sols saturés en eau comme ceux des rizières tropicales, Prade et al., (1990), considèrent que

la solubilité et la disponibilité du fer ferreux peuvent être régies par plusieurs facteurs, à savoir :

la réduction du fer, avec l’intervention des microorganismes. Dans ce cas, elle dépend à la fois de la saturation du sol en eau, de la durée et de la continuité de l’engorgement, de la nature et de la teneur des matières organiques et du degré de cristallinité des minéraux contenant du fer ferrique ;

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la solubilité des composés ferreux, liée à la nature des constituants du sol, à la présence ou non d’anions organiques complexes et aux mécanismes de sorption et de désorption ;

les propriétés hydrodynamiques du sol, qui diffèrent selon que l’eau évolue par ruissellement en milieu ouvert ou par infiltration en milieu fermé.

L’intervention simultanée de tous ces facteurs peut être à l’origine de la grande disponibilité du fer ferreux, parfois observée dans certains sols de rizières, et qui provoque la toxicité ferreuse chez les plants de riz. Les ions ferreux en solution occasionnent un déséquilibre en élément de la solution du sol qui se répercute au niveau de la plante. Outre les symptômes caractéristiques du “bronzing” ou du “yellowing” des feuilles, la toxicité ferreuse se traduit également par une réduction de la croissance du riz (hauteur et tallage) et par une augmentation du taux de stérilité des panicules. La productivité peut ainsi diminuer de 10 à 100% selon la concentration en Fe2+ dans la solution et la tolérance du cultivar utilisé (Masajo et al., 1986; Abifarin, 1988, 1989).

La toxicité ferreuse constitue l’une des contraintes majeures des rizières d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud. C’est un désordre nutritionnel associé à de fortes concentrations de fer pouvant atteindre 500 mgl-1 (De Dorlodot et al., 2005) dans la solution du sol. Au niveau du sol, des taches

qui ressemblent aux taches d’hydrocarbure ou d’huile à la surface de l’eau indiquent la richesse en fer du milieu (Figure 1.6).

Figure 1.6 : A- Zone de résurgence de la nappe souterraine à la lisière du bas-fond, là où l’eau

stationnaire et l’eau de la pente se rencontrent. Noter à la surface du sol, la couleur rougeâtre du fer ferrique devenant plus pâle sous le processus de réduction ; B-Oxydation du fer à la surface des eaux ; C- Toxicité ferreuse au niveau des feuilles (brunissement) dans les rizières de la région de Gagnoa en Côte d’Ivoire

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Divers travaux (Jacq et al., 1987; Vizier, 1988; Jacq et al., 1990; Prade et al., 1990; Vizier, 1990)

estiment que de multiples déficiences nutritionnelles peuvent être la cause majeure de la toxicité ferreuse observée chez les plants de riz. En effet, les symptômes de toxicité ferreuses sont apparus quand le riz présentait des carences en potassium et en zinc (Benckisser et al., 1984) ou d’autres

toxicités chimiques (aluminique, manganique…) ou encore des attaques bactériennes ou virales (panachure jaune, helminthosporiose). Ceci est en accord avec l’observation faite par Vizier (1988)

qui affirme qu’une forte absorption de fer s’accompagne d’une carence de certains éléments (Mn2+, K+, P+, Mg2+). Par ailleurs, des sulfures ou du méthane produits par la microflore associée au système racinaire du riz (Jacq et al., 1987; Prade et al., 1990; Buri et al., 2000) ainsi que la nature de la

fraction argileuse des sols (kaolinite, smectite) peuvent y contribuer. En fait, les sols argileux (60%) sont très lourds et très asphyxiants, et, de ce fait, sont a priori plus favorables au développement des microflores réductrices. Il faut également noter que les rizières propices à la manifestation de la toxicité ferreuse sont caractérisées par une capacité d’échange faible.

En l’état actuel des connaissances il semble que les risques de la toxicité ferreuse dépendent de la relation existant entre l’état général de la plante ou de la somme des éléments absorbés et la concentration en fer ferreux de la solution du sol (De Dorlodot et al., 2005).