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Chapitre 3 : La rhétorique et la phonostylistique

3.1 La rhétorique

La rhétorique vient du nom latin rhetorica, qui lui-même vient du grec rhêtorikê qui désigne au sens propre « l’art de bien parler ». Elle s’est développée lors du IVe siècle de Périclès à Athènes, et au Ve siècle av. J.-C. a été définie par Aristote. Plus tard, elle fut introduite dans le monde gréco-romain où elle s’est développée dans les milieux judiciaire et politique (cf. Gardes-Tamine, 1996). Ensuite, elle a progressivement évolué comme art, discipline, science, etc. Même si elle est née il y a plus de deux mille ans, la rhétorique se manifeste encore actuellement à de nombreuses occasions qui vont de la conversation quotidienne à la politique ou aux médias, et jusqu’aux études linguistiques ; elle a envahi notre quotidien sous des formes multiples et elle modifie nos façons de penser et d’interpréter la réalité.

Pour comprendre la rhétorique, il faut comprendre les différentes parties qui la composent. Meyer (1993, 19) cite Cicéron pour parler des grandes subdivisions traditionnelles de la rhétorique :

« Les parties [de la rhétorique] sont l’invention, la disposition, l’élocution, la mémoire et le débit. L’invention comprend la recherche des raisons vraies ou vraisemblables qui peut appuyer la cause ; la disposition consiste à mettre en ordre ces raisons ; l’élocution a pour but d’approprier les mots et les pensées aux moyens fournis par l’invention. La mémoire a pour objet de graver fidèlement dans l’esprit les pensées. Le débit, enfin, règle le geste et la voix, et les met en harmonie avec le sujet et le langage ».

D’après Meyer (1993), ces divisions se chevauchent et à travers l’histoire elles s’autonomisent en espace de rhétorique propre. Il considère les subdivisions suivantes : (1) l’invention est une recherche, on s’efforce de trouver les éléments favorables pour gagner l’adhésion. (2) La disposition met en ordre les idées et les structures selon un espace plausible ou rationnel.

Pour attirer le public, on attire l’attention sur la question par : 1) L’exorde qui soulève la question ;

1) La narration des faits, qui expose la solution, en argumentant bien le pour et le contre ; 1) La péroraison qui synthétise en montrant l’adéquation de la solution au problème posé.

(3) l’élocution, qui deviendra le lieu de la rhétorique littéraire, en ce que le style est le propre du moment énonciatif. (4) l’action, aidée de la mémoire, ponctue la voix par des gestes et des mimiques. C’est le contexte de l’argumentation, mais aussi celui des effets médiatiques, d’amplification ou d’atténuation, d’image et de son.

Ces grandes articulations se sont simplifiées en quatre subdivisions : l’exorde, la narration, l’argumentation et la péroraison où l’on retrouve toujours d’après Meyer (1993), le plaire et le convaincre, le langage et les passions, la forme et le contenu, l’implicite et l’explicite, le rationnel et l’émotif, c’est-à-dire tout ce qui fait la rhétorique.

Meyer (1993, 20-21) explique donc les quatre articulations de la rhétorique de cette façon : « L’exorde soulève la question et doit communiquer l’intérêt pour cette question dans l’esprit de l’auditoire. La narration la présente sous un jour favorable par un exposé résolutoire, censé gagner l’auditoire à la cause défendue. L’argumentation traite de cette option en évaluant le pour et le contre, pour faire apparaître la réponse proposée comme la bonne solution. La péroraison conclut en montrant bien l’adéquation de la solution au problème soumis à examen ».

3.1.1 Composantes :

Une fois expliquées les grandes subdivisions traditionnelles de la rhétorique ; Meyer (2008) propose que « la rhétorique soit définie dans tous les cas par une structure triadique. On y trouve toujours un orateur, un message et un auditoire auquel on s’adresse par l’intermédiaire d’un langage, qui n’est d’ailleurs pas forcément verbal ». Même si Platon, Aristote et Cicéron ne structurent pas la rhétorique de la même façon, Meyer se base sur eux pour parler sur l’existence de trois composantes :

« Ethos », celui qui s’adresse à un auditoire donné, « sa crédibilité repose sur son caractère, son honorabilité, sa vertu, bref, sur la confiance qu’on lui accorde »,

« Logos », le message adressé, « le discours, qui peut être ornemental, littéraire, ou alors carrément littéral et argumentatif » (Meyer 1993, 23).

Ces composantes sont indispensables dans la rhétorique où aucune ne peut être privilégiée ni subordonnée. En mettant à égalité le locuteur, son auditoire et le langage, Meyer (2008) arrive à cette définition :

"La rhétorique est la négociation de la distance entre individus à propos d’une question donnée."

Meyer affirme que « cette définition reste neutre sur les aspects habituels de la rhétorique, auxquels elle est parfois réduite, comme émouvoir, convaincre, raisonner, plaire, informer, influencer, faire valoir son point de vue, etc., mais la définir sous cet aspect est peut-être la définir trop brièvement. La distance entre les hommes a toujours besoin de justification, la justification repose sur des valeurs, mais aussi sur la quête d’approbation et la reconnaissance que les hommes cherchent en émouvant le public. Les hommes ne font que se justifier sans cesse, en se présentant comme un tel ou un tel, en s’expriment à partir de leurs positions respectives. »13

Le domaine de la rhétorique est donc plus vaste que l’on ne pense. Meyer (2008) explique que la rhétorique peut être un procédé ou une discipline ; dans le cas de la politique (celui qui concerne cette étude) où argumenter et plaire se mélangent, on est dans la rhétorique comme discipline. Comme discipline, Meyer (2008) la définit comme suit :

« La rhétorique est le fait de l’orateur, l’exposé d’arguments ou de discours qui doivent persuader l’auditeur au sein d’un cadre social et éthique. »14

13 Un autre aspect important de la rhétorique (ce n’est pas une articulation ni une composante) est l’interrogativité.

Elle permet de rendre compte de deux usages de la rhétorique : « celui qui vise à manipuler les esprits, à aveugler l’interlocuteur ou à l’assoupir ; et celui qui, à l’inverse, met en lumière les procédés de la première. C’est celui qui est critique et lucide sur les procédés de discours » (Meyer, 1993).

14Touati (2000), parle d’une modalité proto-rhétorique (cité par Meyer), représentée par une volonté de « persuader

et de convaincre (mais également) de créer de l’assentiment ». Il affirme qu’on peut attribuer à cette proto- rhétorique la faculté d’engendrer chez les locuteurs en présence une attitude de « départ » qui les pousse ultérieurement à négocier.

« La proto-rhétorique aide à faire démarrer le travail de cheminement des représentations mentales, a priori inaccessibles (du genre de celles qui servent d’input à l’invention) vers des représentations publiques (du genre de

Cette définition est la plus appropriée au cadre de cette étude. Nous pouvons dire alors que dans n’importe quel discours la rhétorique joue un rôle très important, elle permet à l’orateur de bien exposer ses idées, et au public, de bien comprendre le discours.

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