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Chapitre 3 : La rhétorique et la phonostylistique

3.4 Discours politique

Un discours politique peut être défini comme un acte de parole produit par un homme ou une femme ‘politique’ lors d’une candidature, un événement social, une intervention télévisée, un meeting... avec un objectif spécifique : convaincre.

Touati (2000), dans un essai de définition de discours politique, affirme que « Les discours politiques auraient ainsi la caractéristique d’être produits par un homme politique en général (l’émetteur) dans le cadre de ses activités politiques ; ils seraient destinés aux électeurs potentiels (récepteurs) et auraient pour but de les persuader de voter 'juste' ».

Quand on regarde les définitions du discours politique, on se rend compte qu’elles coïncident toutes sur un point : le discours politique a pour but de provoquer une réaction (déterminée et spécifique) chez le public par la persuasion. Dans l’actualité, les discours politiques sont le type de discours le plus fréquemment vu et entendu à la télévision et à la radio (nous pouvons en trouver quotidiennement), en tout cas dans la plupart des pays. Les discours politiques peuvent être des discours lus d’un texte préparé ou des discours ‘spontanés’ produits juste au moment de l’acte de parole.

Les discours politiques lus sont en général écrits à l’avance par des conseillers (les « plumes »), mais il existe aussi des hommes politiques, comme De Gaulle, qui écrivent eux-mêmes leur discours. Ces discours lus doivent être ensuite interprétés ou oralisés à partir de l’écrit et c’est là que l’orateur joue la partie la plus importante : donner à l’écrit un style (intonation, accentuation, pauses, organisation de groupes rythmiques syntaxiquement bien formés, etc.). D’après Léon (1993), « un modèle d’accentuation et d’intonation est récupérable par un jeu sur la forme de l’expression, à partir du choix des syntagmes et de l’organisation syntaxique des énoncés ». Selon les traités de rhétorique classique, « les textes reçoivent leur interprétation orale et publique dans le cadre de l’action » (Touati, 1999). À ce propos, Fónagy (1991) dit : « le locuteur est en même temps libre de varier dans les cadres fixés par la langue, la force des accents, ce qui lui permet de marquer l’importance qu’il donne à tel ou tel élément du message, et de refléter la structure sémantique de son discours ».

Ainsi, Fónagy (1991) explique que les messages sont doublement encodés par le locuteur. Un codage linguistique qui regroupe les aspects lexicaux, syntaxiques, phonétiques et discursifs

et un autre codage, appelé paralinguistique, où le locuteur organise les énoncés pour ajouter du sens, une nuance particulière, etc. Les énoncés sont donc le résultat de ces deux codages. L’orateur s’appuie donc de la voix pour provoquer des sentiments chez son public, pour se faire comprendre, pour rendre ses arguments intéressants, pour se montrer convaincant et sûr de soi et de cette façon plaire à son auditoire. Comme le dit Philippe Breton (1996), « La manière dont un homme politique argumente ses raisonnements fait son style et sa popularité ». De plus, l’homme politique doit aussi mettre en valeur d’autres aspects de son éthos, comme la sympathie, la compréhension ou l’humanité (Bardiaux, 2010). À ce sujet, Charaudeau (2005) affirme que dans le domaine politique on trouve aujourd’hui un déplacement de la raison vers l’affect par l’intrusion des affaires privées dans la parole de l’homme politique.

Chaque homme politique construit donc une « manière » d’argumenter, mais aussi une « image » de lui à travers ‘le jeu’ de la parole et c’est cela qui fait leur renom et célébrité. D’après Bardiaux (2010), « la parole permet également de construire une image en adéquation avec leur fonction et leurs objectifs politiques ».

3.4.1 Discours politique et paramètres prosodiques

Dans la parole des hommes politiques, nous pouvons trouver divers styles : il y a des hommes politiques qui tendent plus vers un style formel et rigoureux, et d’autres qui sont plus informels, aiment plus interagir avec le public, se faire sentir proche de leurs interlocuteurs, improviser, etc. Pour cela, le locuteur met en jeu les différents paramètres prosodiques pour faire des changements brusques de la F0, de l’intensité et de la durée. Ceux-ci sont représentés par des changement de registre, des accélérations, des ralentissements, des allongements, des pauses, des proéminences, etc.

Bardiaux (2010) affirme que les hommes politiques adaptent leurs façons de parler grâce à la prosodie « qui concerne la mise en forme vocale des productions langagières, c’est-à-dire la mélodie de la voix (monotone ou variée), l’insertion de pauses (longues ou brèves, situées à des endroits attendus ou non), l’intensité (forte ou faible) de la voix, l’accentuation (de tous les mots, de certains mots), etc. ».

D’après Boulakia et al. (2009), la structure rhétorique des discours est accompagnée d’une structure prosodique. Touati (2000) affirme que « certains discours publics, tels que les

discours politiques qui ont foncièrement pour but de persuader les auditeurs, nous fournissent une banque de données tout à fait appropriée pour établir une articulation entre faits rhétoriques et faits prosodiques ». Selon Fónagy (1991), les arguments sont accompagnés de mouvements prosodiques renforçant d’une manière iconique le sens d’un discours. Parmi les paramètres acoustiques les plus importants et les plus étudiés dans les discours politiques français, se trouvent : 1) la F0 mesurée par les variations de hauteur mélodique (valeur et registre de F0), 2) la durée, d’où l’intérêt des études faites par Duez et Touati sur le débit de parole et les pauses.

Les hommes politiques, lors des discours, font des pauses qui ne seraient pas nécessaires dans le parler quotidien. Dans leurs discours, les pauses sont une arme avec laquelle les politiciens peuvent jouer. En général, ils peuvent s’en servir par exemple pour laisser le temps à l’audience de réfléchir et comprendre les idées qu’ils sont en train d’exposer, pour maintenir leur public éveillé ou tout simplement, ils peuvent les adopter comme style particulier, indice de pouvoir, de distance ou respect. Les pauses dans la parole politique peuvent être un symbole de confiance en soi-même. Selon Duez (2003), « Plus l’homme politique est haut dans la hiérarchie sociale, plus les pauses sont longues et fréquentes ».

Une autre caractéristique prosodique très importante chez les hommes politiques est l’accentuation. D’après Fónagy (1991), qui insiste également sur les aspects articulatoires (patalisation, labialisation, nasalisation, etc.), dit « L’accent articule et organise la parole. Il divise la chaîne parlée continue en séquences, en 'groupes rythmiques'. L’accent établit d’autre part une certaine hiérarchie sémantique dans la phrase, en prêtant plus ou moins d’intensité aux mots conformément à leur poids sémantique et à l’importance actuelle des mots dans le message concret ».

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