• Aucun résultat trouvé

O RGANISER LA RENCONTRE DES DIFFERENTES PERSPECTIVES DANS UN ESPACE REGULE : L ES ATELIERS H AUT P ARLEURS DANS

HAUT-PARLEURS DANS LE FINISTERE (PROTECTION DE L’ENFANCE)

C’est donc dans un deuxième temps, une fois les perspectives des personnes aidées fondées et mûries, qu’une rencontre entre les différents acteurs peut trouver son intérêt : des valeurs, des options, des priorités, des projets sont à échanger. Une perspective entre professionnels et usagers peut être alors co-produite, et non pas imposée du haut vers le bas. Les deux parties devront certes

accepter d’opérer des aménagements à leurs objectifs premiers, mais chacune sort également enrichie des apports de l’autre partie. Il est donc important d’organiser des dispositifs de représentation ne mixant pas immédiatement l’ensemble des acteurs, afin que chaque perspective trouve d’abord à se construire. Une réunion de l’instance entre personnes aidées pourra ensuite utilement se réunir pour retravailler la perspective façonnée par la rencontre avec les professionnels, pour prendre en compte les intérêts ou les objectifs possiblement divergents des parties et penser à nouveaux frais des propositions.

Un règlement de fonctionnement est nécessaire pour encadrer ces rencontres multi-parties, non pour seulement limiter les conflits que peuvent générer des intérêts parfois opposés, mais surtout pour assurer et rassurer les personnes aidées. Il n’est pas toujours aisé d’énoncer des propos qui peuvent être perçus comme des critiques ou des reproches, alors que l’on est dépendant d’une institution pour vivre ou de professionnels intervenant à son domicile. La peur du scandale ou des représailles lie beaucoup de langues et bloque la résolution des problèmes, des désaccords, des tensions effectivement rencontrés.

Aussi faut-il penser les conditions d’une sécurisation de la prise de parole pour favoriser une représentation des personnes qui soit effective et engagée. Dans cette voie, la co-élaboration de règles de fonctionnement de l’instance par ses membres peut consister en un travail préalable de réassurance. La construction d’une parole entre pairs, énoncée au nom d’un collectif de personnes aidées, rend moins vulnérable le représentant. Le type d’animation des instances sera tout particulièrement à soigner pour qu’une co-production puisse advenir. Il s’agit de susciter des propositions constructives et non une litanie de doléances. Le fait d’être accompagné d’une présence soutenante, d’un pair ou d’une personne de confiance, peut aider le représentant à trouver une aisance dans sa prise de parole. Il est également essentiel que le compte-rendu soit validé par chacun des participants, avant qu’il ne circule dans l’institution.

Enfin, prendre la parole lorsque l’on a le sentiment de détenir peu de pouvoir, peut être perçu comme pure perte de temps. Aussi, faut-il penser des dispositifs qui explicitent comment la parole des uns et des autres énoncée lors de la précédente séance a effectivement été prise en compte, qui font un retour sur les résultats de la mise en œuvre des engagements pris. Trop d’instances de concertation sont aujourd’hui dénoncées comme étant de pures vitrines pour la bonne réputation des institutions.

Les ateliers Haut-Parleurs dans le Finistère (protection de l’enfance)

Depuis quelques années, le Conseil général du Finistère a impulsé une initiative en matière de démocratie participative. « Haut-parleurs » est un projet développé par l'Observatoire de la protection de l'enfance du Finistère consistant à expérimenter un espace public de débat sur les questions de protection de l'enfance ouvert aux familles, jeunes, élus, professionnels et chercheurs. A l’occasion de l’élaboration de son schéma « enfance, famille, jeunesse », le Conseil général a fait appel à une compagnie, Alter Ego, qui a créé un Théâtre forum où des saynètes mettent en spectacle des situations où les rôles d’échangent : des parents jouent le rôle de professionnels et réciproquement. Le public est amené à réagir, à intervenir, à commenter les situations.

Les débats s’accompagnent de jeux collectifs, tel le jeu du « tous ceux qui ». Par exemple, « tous ceux qui ont un jour vécu une séparation peuvent se lever ». « Et quand c’est une éducatrice qui se lève, c’est une mère de famille qu’elle accompagne dans le cadre d’une mesure de protection de l’enfance qui la regarde tout à coup avec d’autres yeux. Un jeu de la vérité qui peut faire peur à certains travailleurs sociaux, mais qui doit bien s’inscrire dans sa dimension essentielle : le partage » 67. Au

total, neuf actions ont été menées. Elles ont permis de formuler un grand nombre de propositions à la commission « enfance, famille, jeunesse » du Conseil général, notamment pour améliorer l’information à destination des familles ou pour renforcer la formation des professionnels de la protection de l’enfance.

De l’évaluation faite de la « saison 2012-2013 », il ressort que « la totalité des familles ou des associations représentant les familles a trouvé que l’expression était bien répartie. Ils n’ont pas éprouvé de difficulté à s’exprimer en présence des autres participants notamment des professionnels. Du côté des professionnels, il est noté que « c’était une démarche intrigante pour beaucoup d’entre eux. Certains professionnels étaient réticents au départ et ont trouvé un grand intérêt dans la démarche, notamment au travers de la rencontre avec des usagers et des partenaires dans un autre cadre et du fait d’aborder des sujets différemment68. »