• Aucun résultat trouvé

DANS LES EGLISES ROUENNAISES

I.1.3 Autres emplois du fer découverts dans la structure de la cathédrale de Rouen

I.1.3.2 Au rez-de-chaussée

I.1.3.2.1 Barres en soutien d’arcature

Un certain nombre de tirants et de petites barres de fer ont été découverts au rez-de- chaussée de la cathédrale.

Quatre arcatures sont en particulier renforcées par des tirants de fer, passant au niveau des sommiers des colonnes qui les soutiennent. Les deux premières se trouvent dans le collatéral sud de la nef, au niveau des arcs qui composaient les fenêtres des anciennes chapelles des deux premières travées, et qui marquent désormais l’entrée de la chapelle Saint- Etienne-la-grande-église au rez-de-chaussée de la tour de Beurre (cf. Figure 33). Les deux autres se trouvent dans le transept, l’une du côté est du croisillon nord et l’autre dans la partie

224 Ajoutons qu’aucun désordre lié à la corrosion et au gonflement d’un chaînage n’a pu être relevé. Dans le cas des grands combles, les deux premières assises de pierre sont une réfection. Si un chaînage existe, il se trouve donc nécessairement intégré aux assises inférieures.

225 La plupart sont complètement absents. Seul le côté sud dans le comble du triforium oriental offre une succession de huit murs encore en place, dont seulement trois sont partiellement détruits.

- 163 -

ouest du croisillon sud : elles renforcent les arcs constituant les avant-fenêtres des baies géminées construites au XIIIe siècle (cf. Figure 34). Ces tirants ont une fonction assez similaire à celle des grosses barlotières placées en position haute dans les fenêtres, si ce n’est que la surface qu’ils traversent n’est pas vitrée. Si les avant-fenêtres des croisillons du transept n’ont sans nul doute jamais été vitrées, les arcatures des anciennes chapelles de la nef à l’entrée de la chapelle Saint-Etienne-la-Grande-Eglise étaient, à l’instar de toutes les chapelles de la nef, très probablement pourvues de vitraux avant l’élévation de la tour de Beurre. Les tirants que l’on observe actuellement se situent par ailleurs à la même hauteur que ceux des baies des chapelles voisines et leur rôle doit être rapproché de celui des barlotières- tirants précédemment évoquées.

Aucune mesure de la section de ces barres n’a pu être entreprise, pour des raisons d’inaccessibilité évidentes. Il s’agit toutefois de barres de fer de section sub-rectangulaire, dont la longueur dépend de la portée de l’arc qu’ils viennent renforcer : ils mesurent donc tous entre 4 et 5 m de long. On peut en outre rapprocher leur section de celle des grosses barlotières, soit environ 10 cm² en moyenne. Ces tirants représentent donc entre 30 et 40 kg chacun.

Les datations de ces éléments peuvent uniquement faire l’objet d’hypothèses, leur position à plusieurs mètres du sol ayant fortement limité les investigations. Il est néanmoins possible de présager de leur ancienneté, puisque ces barres servent de soutien à des parties primitives de l’édifice, qui n’ont fait l’objet d’aucun désordre structurel exceptionnel nécessitant de telles mesures palliatives. Les baies géminées du transept avec leurs avant- fenêtres sont les fenêtres originelles, construites dans le premier tiers du XIIIe siècle. Quant aux barres de fer situées en position haute à l’entrée de la chapelle Saint-Etienne-la-Grande- Eglise, elles correspondent, comme il a été évoqué, aux anciennes fenêtres des chapelles des premières travées sud de la nef. Lors de leur édification, à la fin du XIIIe siècle, ces fenêtres comportaient vraisemblablement des tirants hauts comme ceux que l’on retrouve dans toutes les autres fenêtres de ces chapelles. Il est donc probable que les tirants qui y sont encore à l’heure actuelle remontent à l’ouverture de ces chapelles à l’extrême fin du XIIIe siècle.

- 164 -

Figure 33 : Tirant des arcs à l’entrée de la tour de Beurre, première travée sud de la nef (en haut à droite) et seconde travée sud (en bas).

- 165 -

Figure 34 : Tirants des avant-baies du transept de la cathédrale de Rouen, au nord-est (à gauche) et au sud- ouest (à droite).

- 166 -

I.1.3.2.2 Petites barres de fer attachant des colonnettes

Du côté des collatéraux, les piles de la nef sont toutes pourvues de cinq colonnettes qui servent à soutenir des passages en saillie triangulaires, constituant un chemin de circulation au niveau des fausses tribunes227. Chacune des trois colonnettes centrales a un fût en deux parties, jointes par l’intermédiaire d’une bague de pierre228. En revanche, les deux colonnettes latérales, adossées aux piles, sont en général seulement constituées de la partie supérieure du fût, reposant sur une saillie aménagée sur la paroi de la pile229. Les trois colonnettes centrales sont reliées aux piles par des petites barres de fer, au nombre de deux par colonnette230 : une en partie supérieure qui passe au niveau de la jonction entre le fût et le chapiteau et une en partie médiane qui vient s’ancrer à hauteur du joint entre la bague et la partie inférieure du fût (cf. Figure 35)231. Ces barres sont donc au nombre de six par pile et quatre pour les deux piles les plus occidentales, soit un total de 128 petites barres de ce type. Toutes sont de section sub-carrée à sub-rectangulaire ; seules certaines colonnettes des piles de la nef du côté sud présentent des fers de section circulaire correspondant à une restauration d’après-guerre. Les dimensions précises de ces barres n’ont évidemment pas pu être mesurées faute d’accessibilité.

Le rôle joué par ces petites barres est évident : les colonnettes qu’elles soutiennent ont une base très instable, puisqu’elles reposent sur un élément rapporté à la pile et qu’elles doivent elles-mêmes supporter, en plus de leur propre poids, celui du passage disposé en encorbellement. Il convient donc d’éviter qu’elles ne déversent du côté des collatéraux, à cause de poussées obliques. Le fait qu’elles aient été remplacées après la guerre dans le collatéral sud, les anciennes barres ayant probablement été détruites ou pour le moins endommagées par les bombardements de 1944, confirme leur importance dans l’équilibre de ce système.

Ces attaches des colonnes sur les piles de la nef apparaissent comme des éléments nécessaires à la statique de ces colonnes et du passage en saillie des fausses tribunes. Il est donc permis de concevoir que ces éléments aient été posés dès leur élévation, lors de la construction de la nef au début du XIIIe siècle. Ils ne peuvent y être antérieurs car à la fin du

227 Les deux piles situées à l’extrémité occidentale de la nef ne sont pourvues que de quatre colonnettes chacune. 228 Pour les piles situées aux extrémités de la nef, il n’y a que deux colonnettes centrales.

229 Sur certaines piles, elles sont cependant de la même hauteur que les autres colonnettes et ne sont dans ce cas pas adossées aux piles. Elles semblent alors être le résultat de restaurations. Elles ne sont cependant toujours pas pourvues de petites barres de fer les reliant aux piles.

230 Les colonnettes sont en réalité reliées à des colonnettes appareillées engagées dans les piles. 231 Les barres sont également ancrées dans les joints de l’appareil des colonnettes engagées aux piles.

- 167 -

XIIe siècle, le projet initial pour la cathédrale gothique était une élévation quadripartite avec

de réelles tribunes232. De telles colonnettes n’auraient donc pu y trouver leur place,

puisqu’elles sont liées à la réalisation des fausses tribunes, selon la nouvelle conception imaginée par Jean d’Andely au début du XIIIe siècle. Une étude précise des ancrages serait nécessaire afin de confirmer ces hypothèses.

En estimant la longueur de ces barres à une soixantaine de centimètres, ancrages compris, et leur section à environ 5 cm², chaque barre pèse environ 2 kg, soit un total de près de 250 kg pour l’ensemble des piles de la nef.

Dans la chapelle du Revestiaire, au sud du chœur, d’autres petites barres du même type ont également été découvertes (cf. Figure 35). Cette chapelle rayonnante, élevée à la fin du premier tiers du XIIIe siècle, se compose de trois lancettes vitrées entourées par deux lancettes aveugles, qui sont décorées par une arcature de deux arcs. Les deux colonnettes centrales sur lesquelles reposent ces deux arcs montent de la coursive, passant au pied des baies, au sommet de l’arcature situé juste en dessous de à la voûte de la chapelle. Toutes deux sont attachées aux murs attenants par trois petites barres de fer. Ces six barres sont ancrées au niveau d’un joint entre deux parties du fût, la barre supérieure étant située à hauteur de la jonction entre le fût et le chapiteau. Ces barres, également inaccessibles, sont de section sub- rectangulaires comme les précédentes. Elles mesurent environ 50 cm de long chacune dans leur partie visible, longueur correspondant à la distance du mur à la colonnette.

Ces barres apportent un soutien probablement non négligeable à ces colonnettes à l’allongement exceptionnel. Leurs fûts mesurent en effet près de 9 m de haut pour une vingtaine de centimètres de diamètre et ne sont constitués que de trois tronçons de pierre disposés en délit.

La datation de ces barres est liée à celle des colonnettes dont les différents tronçons des fûts semblent constitués d’une pierre assez homogène. Les ancrages n’ont de plus pas fait l’objet de remaniements importants, même si une étude plus précise serait nécessaire. L’hypothèse la plus vraisemblable serait donc qu’elles ont été installées à la fin du premier tiers du XIIIe siècle lors de la construction de la chapelle.

Enfin, les piles fasciculées encadrant les entrées des chapelles de la nef sont ornées de colonnettes qui y sont presque adossées. Celles-ci sont rattachées à la pile par une petite barre

- 168 -

de fer au niveau des joints entre deux tronçons de leurs fûts. Ces colonnettes sont essentiellement observables dans le collatéral nord, les chapelles basses du collatéral sud ayant été reconstruites après leur destruction lors de la Seconde Guerre mondiale. Ces barres ne mesurent que quelques centimètres de long, longueur de l’espace compris entre la colonnette et la pile. Malgré leurs petites dimensions, leur rôle est similaire à celles des barres de la chapelle du Revestiaire. L’apparente absence de restauration au niveau de certaines de ces colonnettes tendrait également à dater le système du début du XIIIe siècle.

Elément de fer

Localisation Nombre Dimensions Masse totale Datation proposée Tirants Arcatures des avant-baies du

transept

2 L ≈ 4 à 5 m ≈ 70 kg Début XIIIe s. Tirants Arcatures des deux premières

chapelles sud de la nef

2 L ≈ 4 à 5 m ≈ 70 kg Fin XIIIe s. Barres Colonnettes de la chapelle du

Revestiaire

6 L ≈ 50 cm - Mi XIIIe s. Barres Colonnettes des piles de la nef au

niveau des fausses-tribunes

128 L ≈ 60 cm ≈ 250 kg Début XIIIe s. Barres Colonnettes décorant les piles

encadrant les chapelles de la nef

- L = qques cm - Début XIIIe s. ? Tableau 7 : Récapitulatif des éléments de fer découverts au rez-de-chaussée de la cathédrale de Rouen.