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DANS LES EGLISES ROUENNAISES

I.1.2 Les armatures de vitrau

I.1.2.1 Historique des vitrau

La cathédrale de Rouen offre un aperçu de l’Art du Vitrail du début du XIIIe siècle à la fin du XXe siècle. Les nombreuses destructions et réaménagements dont elle a fait l’objet sont la principale cause de cette grande diversité. Le plus grand fléau qui s’est abattu sur les vitraux de la cathédrale sont les bombardements de la Seconde Guerre mondiale qui ont soufflé toutes les verrières qui n’avaient pas été déposées. Des études antérieures à ces faits permettent de restituer certains éléments désormais disparus171. Cependant, de nombreuses restaurations et mutilations avaient déjà eu lieu auparavant. La principale conséquence pour ces vitraux, outre leur richesse historique, est que peu d’entre eux sont à leur emplacement d’origine sans avoir subi de multiples restaurations et que tous ont fait l’objet d’une ou plusieurs dépositions. L’histoire des vitraux de la cathédrale de Rouen est en effet étroitement liée à celle de la cathédrale elle-même.

I.1.2.1.1 Avant le XIIIe siècle

L’incendie qui a ravagé la partie est de la ville au jour de Pâques 1200 n’a rien laissé des vitraux que la cathédrale pouvait abriter à l’époque. Seuls quelques fragments de vitraux carolingiens ont été retrouvés en fouilles par J. Le Maho lors des fouilles de la cour d’Albane172. Dépourvus de leurs armatures, ils ne concernent cependant pas notre étude.

I.1.2.1.2 Le XIIIe siècle

Selon Ritter, la pose des vitraux dans la cathédrale aurait été parallèle à sa construction173. Selon des considérations stylistiques, les spécialistes ont reconnu deux campagnes de vitrage de la cathédrale dans la première moitié du XIIIe siècle174, la première

171 Voir les études respectives de J. Lafond dans LOISEL (A.), La cathédrale de Rouen…, op. cit. et G. Ritter, RITTER (G.), Les vitraux de la cathédrale de Rouen XIIIe

, XIVe, XVe et XVIe siècles, Cognac, 1926, 106 p.

172 LE MAHO (J.), « Les fouilles de la cathédrale de Rouen… », op. cit. 173 RITTER (G.), Les vitraux…, op. cit., p. 7.

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concernant plutôt les fenêtres de la nef (1200-1210) et la seconde celles du transept et du chœur (1220-1240).

Cette première vitrerie subit de graves bouleversements dès la fin du XIIIe siècle, avec l’adjonction des chapelles entre les contreforts dans les bas-côtés de la nef. Les anciennes fenêtres sont donc détruites, mais une partie des vitraux qu’il faut adapter aux nouvelles fenêtres à quatre lancettes est conservée175. Ceux-ci ont donc été partiellement mutilés et

reposés dans le plus grand désordre. Ces vitraux, dénommés Belles Verrières dès le XIVe

siècle, subsistent actuellement dans deux chapelles du côté nord de la nef, les troisième et quatrième chapelles en partant de l’ouest, respectivement dédiées à saint Jean et saint Sever. Les Belles Verrières occupent le registre supérieur dans ces deux chapelles, le registre inférieur, laissé vide au XIIIe siècle à la demande des confréries, sera complété par la suite. D’après Jean Lafond, les fenêtres des chapelles du collatéral sud possédaient également leurs Belles Verrières jusqu’au XIXe siècle.

Les cinq vitraux actuellement en place dans le déambulatoire appartiennent quant à eux à la deuxième campagne de vitrerie de la cathédrale (1220-1240). Dans l’ensemble assez

épargnés par les restaurations, ce sont les seuls vitraux du XIIIe siècle qui nous sont

intégralement parvenus dans leurs emplacements d’origine. Il s’agit du vitrail de saint Julien l’Hospitalier offert par les marchands de poissons et des deux vitraux de la vie de saint Joseph pour le déambulatoire nord ainsi que des vitraux de la Passion et du Bon Samaritain du côté sud. Tous se situent dans des fenêtres à lancette unique assez larges, de 1,80 à 2,45 m, ce qui implique l’utilisation de montants de fer verticaux afin de maintenir le vitrail en place (cf. Figure 28). Le vitrail de la vie des saints Pierre et Paul date lui aussi de la même époque. Provenant de la chapelle du même nom, il a été déplacé au XIXe siècle dans la chapelle du Revestiaire.

D’après les recherches de Jean Lafond, certaines fenêtres du transept de la cathédrale

et de la chapelle Sainte-Jeanne-d’Arc possédaient encore au XIXe siècle des panneaux de

grisaille datant de la première moitié du XIIIe siècle176, ce qui pourrait indiquer que l’intégralité du transept de la cathédrale était vitré à cette époque. On retrouve d’ailleurs de tels panneaux de grisaille intégrant quelques scènes figurées de couleur, dans les trois baies de la chapelle du Saint-Sacrement. L’ensemble, très restauré au XXe siècle, n’en est pas moins à son emplacement d’origine. Là aussi, il s’agit de fenêtres à lancettes uniques, larges de 1,10 à

175 D’après J. Lafond il s’agissait de fenêtres à lancettes jumelles, LOISEL (A.), La cathédrale de Rouen…,

op. cit., p. 111.

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1,68 m, un peu plus étroites que les précédentes, mais nécessitant néanmoins la présence de montants de fer verticaux pour le maintien du vitrail.

Figure 28 : Vitraux de la cathédrale de Rouen. A gauche, vitrail de saint Julien l’Hospitalier, déambulatoire nord, milieu du XIIIe siècle. A droite, Vitrail de la chapelle de la Vierge, deuxièmetravée nord, début du XIVe siècle.

I.1.2.1.3 Fin du XIIIe et XIVe siècles

En 1278, l’archevêque Guillaume de Flavacourt confie à l’architecte Jean Davi la tâche de construire de larges roses dans les pignons du transept, pour en remplacer les fenêtres hautes. Seule la rose nord dite des Libraires possède encore en partie sa vitrerie d’époque, certes restaurée, avec trente-deux médaillons datant de la fin du XIIIe siècle, entourés de

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panneaux de grisaille destinés à éclaircir l’ensemble177. Les lancettes situées à l’étage inférieur sont également vitrées de grisailles à cette époque.

Guillaume de Flavacourt fait par la suite reconstruire la chapelle de la Vierge (1302- 1316) ; la réalisation des vitraux des parties droites en est à peu près contemporaine. Ces vitraux alliant figuration de personnages et décor losangé ont pour la plupart subi depuis lors de nombreuses restaurations, mais ils sont toujours en place dans leurs fenêtres d’origine. Ces fenêtres ont chacune deux ou quatre lancettes larges d’un mètre environ, ce qui impose là encore l’utilisation de montants pour maintenir la composition vitrée (cf. Figure 28 ).

I.1.2.1.4 Fin du XIVe et XVe siècles

Les travaux sur les fenêtres et les vitraux ne reprennent ensuite qu’à la fin du XIVe siècle avec la transformation d’une partie des fenêtres hautes de la nef à partir de 1370178. Les anciennes fenêtres à lancettes jumelles, ressemblant aux fenêtres conservées dans les croisillons nord-est et sud-ouest, font alors place à de nouvelles fenêtres plus larges à quatre lancettes. Ces fenêtres ne seront vitrées qu’au début du XVIe siècle d’une vitrerie de grisaille

losangée179. A la transformation des fenêtres hautes de la nef succède celle des fenêtres hautes

du chœur entre 1430 et 1433, suivies des fenêtres les plus orientales de la nef, qui sont immédiatement vitrées et font l’objet d’un détail très soigneux dans les comptes de la fabrique de la cathédrale180. Les scènes figurées ornant les baies d’axe sont toujours en place, bien que très restaurées avec seulement quelques panneaux d’origine, alors que les vitreries losangées des travées droites ont elles aussi été soufflées pendant la guerre.

Le milieu du XVe siècle voit également le vitrage de la plupart des fenêtres basses des chapelles de la nef par le verrier Guillaume Barbe. Entre 1465 et 1470, il vitre notamment toutes les fenêtres du bas-côté nord et compléte la place laissée libre sous les Belles Verrières, vitraux qui sont tous encore en place (cf. Figure 29)181.

177 Corpus Vitrearum. Les vitraux de Haute-Normandie…, op. cit., p. 333. 178 BOTTINEAU-FUCHS (Y.), Haute-Normandie gothique…, op. cit., p. 287. 179 Corpus Vitrearum. Les vitraux de Haute-Normandie…, op. cit., p. 335.

180 Arch. dép. Seine-Maritime, G 2487 et G 2489-2491, PJ n° 4 ; PJ n°5 ; PJ n° 6 ; PJ n° 7 ; PJ n° 8.

181 Corpus Vitrearum. Les vitraux de Haute-Normandie…, op. cit., p. 335. Le vitrage des premières et septièmes chapelles a été détruit au cours des bombardements de la deuxième guerre mondiale.

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Figure 29 : Vitraux de la cathédrale de Rouen. A gauche, vitrail de la chapelle Saint-Jean-de-la-nef. Registre supérieur, « belles verrières » du début du XIIIe siècle. Registre inférieur, complément vers 1470. A droite, vitrail de la chapelle Saint-Julien, vers 1470.

I.1.2.1.5 Début du XVIe siècle

Le début du XVIe siècle voit tout d’abord l’installation de la chapelle Saint-Etienne-la- Grande-Eglise au rez-de-chaussée de la nouvellement construite tour de Beurre, avec la commande de vitraux pour ses fenêtres. Ces vitraux sont toujours à leur emplacement d’origine. Puis, entre 1509 et 1521, l’architecte Roulland le Roux fait reconstruire et vitrer la

rose occidentale initialement construite en 1370 par Jean Périer182. Enfin, en 1518, la

confrérie de Saint-Romain s’installe dans la chapelle du bras sud du transept. A cette

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occasion, elle en fait agrandir les baies, afin d’accueillir les deux vitraux commandés, connus sous les noms du Panégyrique de saint Romain et du Privilège de saint Romain183.

I.1.2.1.6 Restaurations et destructions contemporaines

De nombreuses restaurations sont effectuées au cours des siècles suivants, en particulier au XIXe siècle, ce qui entraîne la perte de certains vitraux de la cathédrale. Les événements de la Seconde Guerre mondiale ont cependant des effets beaucoup plus désastreux sur sa vitrerie, malgré les précautions prises en déposant la plupart des verrières en 1939. Au nombre des destructions se comptent notamment tous les vitraux ne comprenant pas des scènes figurées, comme ceux de la balustrade des Libraires et ceux des fenêtres hautes, à l’exception des trois baies d’axe du chœur et d’une travée droite. Les bombardements de 1944 ont également détruit la rose occidentale et le remplage de la rose des Libraires, dont les verrières avaient toutefois été déposées.

Après la guerre, la plupart des vitraux sont reposés à l’emplacement qu’ils occupaient auparavant et l’on fait appel à Max Ingrand, grand maître verrier contemporain, pour composer de nouvelles verrières aux emplacements laissés vides. C’est ainsi que le collatéral sud de la nef, complètement détruit en 1944 à l’exception de la chapelle Sainte-Catherine (cf. Figure 30), arbore désormais des vitraux du XXe siècle. Quelques éléments de vitraux anciens sont également repris dans certaines de ces nouvelles compositions, comme pour le vitrail des Dormants d’Ephèse184 ou celui de la légende de saint Vincent185, dont les panneaux datent du XIIIe siècle. D’autres vitraux sont enfin acquis et placés dans la cathédrale en provenance d’autres édifices, au nom desquels l’église Saint-Vincent : il s’agit des vitraux de l’abside de la chapelle de la Vierge et du premier étage de la tour Saint-Romain.

183 Ibid., p. 335.

184 Initialement dans le collatéral sud de la nef, ces panneaux se trouvent actuellement dans la chapelle Saint- Pierre-et-Paul.

185 Initialement dans les neuvième et dixième chapelles sud de la nef et ce jusqu’au XIXe siècle, ils ont fait, après leur dépose pendant la seconde guerre mondiale l’objet d’une recomposition en 1980. Ils se trouvent actuellement dans le croisillon nord-ouest du transept, Ibid., p. 333.

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Figure 30 : Les bombardements du 21 avril 1944, le bas-côté sud de la cathédrale de Rouen détruit, cliché G. Lanfry.