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Revendications d’expertise et rhétorique du « bris de silence »

Peut-on distinguer les éléments d’un discours partagé entre ces différents intervenants sur la sexualité ? Au regard de deux éléments d’enquête centraux dans ma recherche, à savoir la régulation de la sexualité et l’incitation à exprimer ses sentiments comme fin en soi, de fortes similarités se font effectivement jour entre eux. Les titres de talk-shows sur la sexualité évoqués renvoient presque à l’acte de parole. « Confessions nocturnes », « parole d’importance », « paroles du cœur », « la chose tue » et « avec franchise » sont autant de formules soulignant l’importance accordée par ces émissions à l’expression de soi des auditeurs et téléspectateurs. Le concept même de talk-show inclut, comme son nom l’indique, d’allouer une place centrale aux mots prononcés par les invités et intervenants extérieurs. Néanmoins, les contextes de parole évoqués – « confessions (i‘tirāfāt) », mots « d’importance », prononcés « avec franchise », « du cœur », c’est-à-dire d’une intimité autrement « tue » – dépassent le descriptif technique d’un type d’émission, même à fins publicitaires, pour les inscrire dans une économie de discours se retrouvant généralement quand il est question de sexualité : la rhétorique d’un bris de silence à accomplir. Or, différents modes pour parler d’amour et de sexe préexistent aux discours sur la sexualité des psychologues, médecins, acteurs médiatiques et autres intervenants sociaux. Plutôt que de rupture de silence, il apparaît par conséquent qu’il s’agit là de la revendication d’un monopole de vérité à travers l’expertise face à deux discours concurrents : les propos échangés entre amis et les déclarations sur ces sujets se réclamant exclusivement de la religion.

Certains arguments mobilisés pour la promotion de programmes d’éducation sexuelle viennent particulièrement bien éclairer ce point. Le premier point évoqué en leur faveur est l’importance de fournir des informations scientifiques et fiables sur le sexe à la population du pays – et en particulier aux jeunes – afin d’éviter qu’ils se réfèrent à d’autres sources. Dans le compte-rendu de l’ouvrage de « Ladl » de 1958, c’est pour éviter qu’ils aillent se renseigner auprès d’adolescents qu’il est conseillé aux parents d’expliquer la sexualité à leurs enfants ; dans l’ouvrage de Mahmūd bin al-Sharīf, écrit dans les années 1980, après la multiplication des échanges avec l’extérieur et la pluralisation de l’offre culturelle due à la politique d’ouverture économique sadatienne, le danger vient des revues et livres érotiques215 ; aujourd’hui, la pornographie sur internet est mise principalement en cause.

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BIN SHARĪF Mahmūd. Al-islām wa al-h̩ayā al-ǧinsiyya : dirāsa tahlīliyya mustamidda min al-Qur’ān al-

120 La quête d’information sur le sexe est toujours dépeinte comme une activité solitaire et clandestine. Les situations d’anonymat favoriseraient dès lors sa libre expression, et des dispositifs d’incitation à la parole correspondants sont mis en place. Les courriers de lecteurs traitant de sexualité, dès les années 1930, sont en général signés par des initiales216. Un gynécologue de ma connaissance dut répondre à la radio aux questions d’un homme ayant presque donné son nom avant de se raviser au dernier moment et d’affirmer appeler « pour un ami » sur les liens possibles entre diabète et impuissance, procédé fréquemment utilisé. Dans le talk-show radiophonique de Buthayna Kāmel, une grande part des intervenants donnent juste leur prénom, certains refusant même de livrer ce détail de leur identité. Les animateurs d’Islam-Online rencontrés m’ont pour leur part tous vanté les qualités d’internet, permettant à une parole autrefois tues de se libérer, et des sujets tabous comme par exemple l’inceste ou le statut des femmes divorcées d’être abordé. Dans un numéro de 2005 à ma disposition de T̩abībak al-Khās̩s̩, la rédaction a été jusqu’à omettre de publier les lettres, ne donnant que les réponses du médecin adressées à « le désorienté (al-h̩â’ir) » untel ou à « le jeune inquiet (al- shāb al-qalaq) », noms suivis de lettres d’alphabet217.

Les compilations de courriers adressés à Heba Kotb, assortis des réponses qu’elle y a données, insistent aussi sur le silence à briser sur la sexualité. Les volumes 2, 3 et 4 de ces ouvrages intitulés Pour les adultes uniquement : questions et réponses (Li-l-kubār faqat̩ :

as’ilat wa aǧwiba) commencent tous par la même introduction :

Vous êtes-vous un jour demandé pourquoi tout ce qui contient le mot « sexe » se vend immédiatement ? Pourquoi les films sexuels « produits » en quelques semaines font des bénéfices ? Et ceci souvent en quelques jours seulement… Pourquoi les jeunes se raccrochent-ils pour se renseigner à des sources non fiables comme les films licencieux et les revues du même genre, les sites internet douteux et les livres sans fondement scientifique clair ?

La réponse vient de ce que dans nos sociétés orientales le sexe est l’un des interdits dont personne n’ose parler. Bien que nous blâmions en général les jeunes en tant que consommateurs permanents de ces films licencieux et revues du même genre, ainsi que de sites internet douteux, nous oublions que le sexe est un instinct originel (gharīza as̩liyya) chez l’être humain, que c’est l’un des cinq instincts de base comme la faim, la soif, le sommeil et la maternité. Nous les montrons toujours d’un doigt accusateur

216 JACOB Wilson. Overcoming…, op. cit., p. 658. Mettre en place des conditions d’anonymat pour favoriser les confessions renvoie à des pratiques remontant aux débuts de la sexologie : à l’Institut de Science sexuelle (Institut für Sexualwissenschaft) de Magnus Hirschfeld, une boîte aux lettres était installée à l’extérieur afin de recueillir les questions à traiter lors des conférences publiques hebdomadaires (ARCHIV FÜR SEXUALWISSENSCHAFT. Das Institut. (Document en ligne, dernière consultation le 20 août 2012 :

http://www2.rz.huberlin.de/sexology/Home_DE/Startseite/Geschichte/Pioniere/Magnus_Hirschfeld/Das_Institut/ das_institut.html)

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121 sans jamais nous demander un instant d’où les jeunes tireraient une culture sexuelle correcte leur donnant les outils pour une vie conjugale heureuse sur une base religieuse et médicale correcte !218

Le texte se place bien dans la continuité d’un constat, celui du silence prévalant « dans nos sociétés orientales » concernant le sexe. Au passage, il est intéressant d’observer la naturalisation des rôles de genre que Kotb opère en décrivant la maternité comme un instinct de base. Je reviens un peu plus loin sur le rapport à la religion que cette auteure entretient. Auparavant, j’aimerais toutefois citer un autre passage, où elle répond à une femme mal à l’aise parce que son mari lui demande de se déguiser durant leurs relations sexuelles, d’autant plus qu’elle a cherché à en parler à ses « parentes et amies (qarībāt wa sadīqāt) durant les discussions sur les relations conjugales » sans qu’aucune n’ait à ses dires rencontré de situation similaire. Kotb réagit ainsi dans sa réponse à ce récit de situation de parole non encadrée par l’expertise scientifique :

Ma chère amie, avant de répondre à tes questions, permet-moi tout d’abord de faire un commentaire à propos des discussions sexuelles ayant cours entre femmes, et à ce propos, j’indique deux points : emièrement, que ces discussions sont religieusement illicite de façon certaine et définitive (muh̩arrama

tah̩rīman qāt̩i‘an), et ceci parce que les potentiels sexuels sont différents selon les individus, et de ce

fait, ces discussions créent du ressentiment et des rancœurs dans les esprits, et le second point, c’est que même si l’un d’eux faisait ces choses dont tu parles, cela ne correspondra pas parfaitement à ton propre état. Ne fais pas confiance aux discussions entre femmes seulement pour savoir si cela se passe ou non.219

À d’autres occasions encore, les auteurs de lettres écrites à Kotb relatent avoir consulté leurs familles et certains amis concernant des problèmes de couple rencontrés. S’y trouve par exemple le cas d’un homme de 23 ans dont la femme a demandé le divorce sans qu’il ne se l’explique – il est d’abord interrogé par sa mère sur le sujet, « qui a de grandes connaissances dans de nombreux domaines, dont la culture sexuelle » ; puis, l’une de ses cousines du côté maternel (bint khāltī), une amie de son ex-épouse, est envoyée auprès de celle-ci, et il ressort de leur conversation que l’absence de plaisir lors de leurs relations sexuelles est la cause de la séparation ; le jeune homme s’adresse enfin à « des amis masculins, qui m’ont répondu ne pas

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QUT̩ B Hiba. Li-l-kubār faqat̩ : as’ila wa aǧwiba( 2) : ma‘lūmāt mutakhas̩s̩is̩a fī al-‘alāqāt al-ǧinsiyya min

manz̩ūr al-t̩ibb wa al-dīn (Pour les adutes seulement : les informations d’une spécialistes en relations sexuelles

d’un point de vue médical et religieux).. s.l. : Hallā li-l-Nashr wa al-Tawzī‘, 2006, p. 3 ; dans les volumes 3 (2007) et 4 (2007), paru chez le même éditeur, ce texte est reproduiot à l’identique, toujours à la page 3. 219 QUT̩ B Hiba. 2006. Li-l-kubār… (2)… op. cit., pp. 42-43

122 parler ouvertement avec leurs épouses de ces points spécifiques (hadhihi al-khus̩ūs̩) (ce sont deux amis proches de moi), mais que tant que la femme ne se plaint pas les choses sont comme il se doit ». Kotb prend des précautions scientifiques, affirmant devoir entendre l’avis des deux époux pour pouvoir se prononcer, avant de se lancer dans un exposé sur la jouissance féminine, qu’elle décrit comme déterminée par les émotions « à hauteur de 80 % ». Pour cette raison, elle lui conseille de discuter de sexe entre époux, afin d’exprimer ses sentiments et « les degrés de plaisir » obtenus à chaque coït – le conseillant en passant aussi aux amis que le jeune homme a consulté220. Elle dénonce aussi les « informations négatives sur la nuit de noces entre jeunes filles »221, de même qu’après celle-ci les interrogatoires détaillés que font subir les familles sur la façon dont se sont déroulés les rapports sexuels222. L’important pour Kotb, c’est de promouvoir une « culture sexuelle (thaqāfa ǧinsiyya) » basée sur la science, comme il transparaît encore dans les félicitations qu’elle adresse à une jeune fille pour « sa préparation scientifique de la nuit de noces, se prémunissant contre la douleur probable par des crèmes analgésiques et des préparations lubrifiantes »223. Pour cette raison, elle met le public en garde contre les conseils de non-spécialistes, et parmi les spécialistes proclamés, contre les imposteurs224, comme cette « docteure » étrangère conseillant à une lectrice selon les dires de celle-ci de visionner des films pornographiques pour qu’enfin son mariage soit consommé, demandant par ailleurs 185.- US$ à chaque consultation225. Les « discussions sur l’oreiller (h̩adīth al-firāsh) » font par contre partie de la méthode pour aboutir à une sexualité épanouie selon Kotb. Les initiatives pour entamer un tel dialogue ne sont d’ailleurs pas toujours couronnées de succès : l’une des lettres relate ainsi la mésaventure d’une jeune fille de 21 ans ayant cherché à mener une discussion avec son mari sur le sujet, qui après l’avoir regardée avec « un regard de dégoût » lui reprocha son manque évident selon lui de pudeur et de chasteté226. Le seul cadre légitime aux yeux de Kotb pour parler de sexe, en dehors des propos des spécialistes en médecine et en religion, est la famille proche – entre époux, comme il en a été question ici, et entre parents et enfants dans le cadre de l’éducation

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Ibid., pp. 14-17 C’est un chiffre qu’elle cite à plusieurs reprises : QUT̩ B Hiba. Li-l-kubār faqat̩ : as’ila wa

aǧwiba(3) : ma‘lūmāt mutakhas̩s̩is̩a fī al-‘alāqāt al-ǧinsiyya min manz̩ūr al-t̩ibb wa al-dīn (Pour les adutes

seulement : les informations d’une spécialistes en relations sexuelles d’un point de vue médical et religieux).. s.l. : Hallā li-l-Nashr wa al-Tawzī‘, 2007, p. 24 ; QUT̩ B Hiba. Li-l-kubār faqat̩ : as’ila wa aǧwiba( 4) : ma‘lūmāt

mutakhas̩s̩is̩a fī al-‘alāqāt al-ǧinsiyya min manz̩ūr al-t̩ibb wa al-dīn (Pour les adutes seulement : les informations

d’une spécialistes en relations sexuelles d’un point de vue médical et religieux).. s.l. : Hallā li-l-Nashr wa al- Tawzī‘, 2007, p. 52

221 QUT̩ B Hiba. Li-l-kubār … (2)., p. 18 222 Ibid., p. 47 223 Ibid., p. 35 224 Ibid., pp. 25, 69-79 225 Ibid., pp. 39-41 226 Ibid., pp. 62-64

123 sexuelle à leur dispenser. Lors d’un entretien mené avec elle, elle précisa d’ailleurs qu’avant elle personne ne parlait de sexe « en public » - reconnaissant implicitement l’existence de répertoires concurrents pour parler de sexe.

Elle n’est pas seule à insister sur le recours à des spécialistes. L’auteur de La première nuit de la lune de miel : ton conseiller sexuel pour la nuit de noces s’attelle ainsi lui aussi à décrédibiliser les propos tenus entre amis, lorsqu’il déclare :

Nous entendons parfois de la part des époux qu’ils n’ont presque pas pu quitter leurs maisons pendant la Lune de Miel, comme s’ils s’étaient libérés de toute obligation pour se consacrer au sexe seulement !... Certains d’entre eux se sont plaints ensuite par moments qu’ils n’ont pu faire l’amour à leur épouse qu’une fois quotidiennement alors qu’ils étaient nouvellement mariés !227

Il s’emploie ensuite à rassurer ces époux en assurant que la qualité des rapports est plus importante que la quantité de ceux-ci. Les comparaisons pouvant prendre place entre performances sexuelles des individus sont de la sorte explicitement condamnées.

Tous les intervenants du domaine de la sexualité rencontrés attribuent une grande influence aux médias et prônent de renforcer leur rôle éducatif. Cette tendance est évidemment particulièrement marquée chez les animateurs d’émissions et chez les consultants qu’ils invitent. Tous, de même, disent avancer sur un terrain miné, la mise en place de programmes d’éducation sexuelle se heurtant selon eux à de fortes résistances au nom des mœurs et de la religion. Les thématiques traitées sont considérées comme sensibles. Il existe différentes stratégies pour se positionner face à ces critiques. Les dénonciations des discussions informelles sur le sexe pour leur manque de scientificité nient leur légitimité au point de leur refuser le statut de parole en proclamant qu’avant la sexologie régnait le « silence » sur le sujet. Les positionnements religieux participent eux aussi de revendications d’expertise, adressée cette fois aux cheikhs, soupçonnés pour certains de vouloir monopoliser l’expression sur les questions de régulation des rapports de couple.

Heba Kotb affirme ainsi promouvoir une optique à la fois religieuse et médicale du sexe, comme je l’ai indiqué. En entretien, lorsque je l’ai interrogé sur la question, elle se défendit de le faire par « subterfuge » ou pour se vanter de ses connaissances et de sa piété, mais parce que tout musulman comme tout chrétien doit lire à propos de la religion – et il apparaît selon elle que celle-ci et la sexologie, « c’est pareil : la religion a dit tout cela avant tout le monde ». Dans une réponse à un courrier, elle décrit d’ailleurs le Coran comme un « catalogue

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124 (…) contenant tous les protocoles de l’ici-bas »228. Elle répète néanmoins à intervalles réguliers une même phrase : « Je ne fais pas partie des gens de la fatwā »229. Cette précaution ne l’empêche pas de s’en référer régulièrement au corpus religieux, que ce soit pour justifier le plaisir entre époux230 ou pour condamner – parfois brutalement – l’auteur d’un courrier ayant transgressé quelque interdit et n’exprimant pas à ses yeux de regrets suffisants. Dans le volume 4, il y a par exemple ce jeune marié continuant à se masturber. La réponse de Kotb débute ainsi : « En général, je commence ma réponse par ces deux mots : cher ami… Toutefois, je n’aimerais pas que tu sois mon ami, ni que tu sois décrit comme cher (‘azīz). » Elle le menace ensuite du jugement de Dieu.231

Dans ce même volume, il y a aussi la lettre d’un jeune homme disant craindre que sa fiancée, l’une de ses parentes, se révèle atteinte de « froideur (burūd) » sexuelle – pour s’en assurer il cherche d’abord à l’exciter par ses propos. La jeune fille se raidit et affirme être effectivement « froide (bārida) ». Il continue alors dans son entreprise et lui touche le cou et les seins, sans percevoir de réaction de sa partenaire. Pour cette raison, il s’adresse à Kotb pour lui demander s’il doit mener la noce à bien ou non. Celle-ci lui répond en l’accusant d’avoir contrevenu aux commandements divins en plus d’avoir trahi la confiance de la famille de sa fiancée. Après ces condamnations, elle conclut en invoquant la justice divine déjà dans l’ici-bas :

Ici, j’aimerais évoquer un fait que j’ai pu observer parmi les habitués de mon cabinet : certains jeunes ayant eux des expériences émotionnelles et sexuelles avant le mariage se retrouvent complètement ou partiellement handicapés sexuellement après celui-ci sans raison biologique, mais pour des causes incompréhensibles d’un point de vue médical. Dieu défend son droit et leur enlève cette capacité lorsqu’ils en ont besoin dans un cadre licite (fī al-h̩alāl)232.

C’est dans cette vision que Kotb évoque un « point de vue religieux (manz̩ūr dīnī) » dans le titre de ses ouvrages. Concernant les spécialistes de l’islam, lors de l’entretien que j’ai eu avec elle, Kotb reprocha surtout aux cheikhs d’être éloignés des préoccupations quotidiennes des gens, se concentrant sur les rites comme la prière et l’aumône légale islamique (zakā), alors qu’elle aimerait les entendre expliquer « ce que l’homme est censé faire avec sa femme » et

228 QUT̩ B Hiba. Li-l-kubār … (4), op. cit., p. 22 229 Ibid., pp 21, 73

230 A ce propos, Lagrange note : « La thématique de « l’islam du plaisir » sort de son cadre orientaliste et se trouve revendiquée par cette orthodoxe représentante d’une réformisme conservateur qui a si bien intégré en un siècle la place des femmes dans l’espace public qu’une partie de l’érotologie classique, celle qui exalte le plaisir licite et conjugal, retrouve droit de cité. » LAGRANGE Frédéric. Islam … op. cit., p. 53

231 QUT̩ B Hiba. Li-l-kubār … (4), op. cit., pp. 133-135 232

125 que les relations sexuelles dans le cadre conjugal sont un bienfait divin. Elle s’oppose par contre au « discours religieux non médian (el-khit̩āb el-dīnī el-gheyr wasat̩ī) » qui insiste tellement sur les interdits que les gens se détournent au final de la religion et de tous les interdits rattachés. C’est l’une des raisons selon elle des problèmes de harcèlement sexuel (tah̩arrush ǧinsī) dans les transports publics. La réaction du public à ses émissions est décrite en trois phases, en référence à un schème psychologique établi, selon elle : d’abord une période de choc et de refus, puis la résignation au nouvel état de fait apparu, enfin, conclut- elle, la phase présente, où « l’histoire du tabou s’est mise à fondre pour disparaître ». Dans les cercles constitués autour d’Islam-Online, par contre, la position face aux hommes de religion est plus ambiguë. ‘Amrū Abū Khalīl m’expliqua ainsi devoir systématiquement commencer ces cours d’éducation sexuelle par une introduction rappelant que le Coran et la Sunna évoquent le sexe de façon directe, et qu’il n’y a donc pas de fausse honte à avoir sur le sujet – le décrivant par contre explicitement comme un moyen de dépasser les résistances suscitées par la perspective de cours d’éducation sexuelle. Après cette « introduction indispensable », il peut passer à « la partie scientifique ». Il m’expliqua les résistances rencontrées dans les écoles face à l’idée de cours d’éducation sexuelle. « Vous donnez une mauvaise réputation à l’établissement », lui auraient ainsi reproché des instituteurs avant d’interrompre l’expérience. Or, selon Abū Khalīl, « avec les garçons eux-mêmes », au collège ou au lycée, les réactions sont au contraire plutôt positives. Cœur généreux agit de même, faisant systématiquement commencer ses cours d’éducation sexuelle par une introduction dédiée aux évocations du sexe dans le corpus islamique classique. Concernant le rôle des