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De la revendication militante à la formulation d’un programme institutionnel (1944 – 1989)

Les premières années de l’après-Seconde Guerre mondiale sont marquées, au niveau français, par l’affirmation d’orientations réformatrices dans la conduite des politiques pénitentiaires, symbolisée par le court passage de Paul Amor à la direction de l’administration pénitentiaire72. Celui-ci, dans une communication en date du 16 janvier 1947 et destinée à la

section pénale de l’institut de droit comparé de l’Université de Paris, intitulée « La réforme pénitentiaire en France » [Amor, 1945] met en avant les différents axes d’une réforme ancrée dans les conceptions du crime et de la peine développées par le courant de la « défense sociale nouvelle », notamment à partir des thèses de Filipo Gramatica et de Marc Ancel. Dans la synthèse que propose ce dernier des idées maîtresses de ce courant [Ancel, 1966] la protection de la société, comme objectif des politiques criminelles, vient se substituer à l’expiation de la faute du condamné par la connaissance et l’évaluation de la dangerosité de celui-ci. Cette perspective a pour corollaire une vision de la peine fondée sur la neutralisation, le traitement et la « resocialisation » du condamné. Dans l’exposé que Paul Amor fait des grandes orientations de sa réforme, on trouve donc en bonne place l’idée selon laquelle « la peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement du condamné » [Amor, 1945].

Pour ce faire, la réforme Amor préconise la « classification et la répartition des condamnés » selon leur degré de « dangerosité » ou de « perversion » qui se matérialise par la mise en place du Centre National d’Observation de Fresnes par lequel transitent les condamnés à des peines de plus d’un an. L’autre idée maîtresse de la réforme Amor, dans le fil des conceptions de la peine développées par le courant de la « défense sociale nouvelle », est le projet de mise en place du « régime progressif ». Ce dernier exprime l’objectif de segmentation de la période de détention en phases distinctes, de l’isolement total à la semi-liberté en fonction du « degré d’amendement » du condamné, tel qu’évalué par une commission de classement interne

72 Paul Amor, magistrat qui donnera son nom à la réforme carcérale de 1944, a été nommé directeur de l’administration pénitentiaire le 30

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composée de personnels pénitentiaires et d’acteurs nouveaux (notamment des éducateurs et des travailleurs sociaux) présidée par une autorité judiciaire. La progressivité des régimes, telle que pensée par la réforme Amor73, exprime une volonté de « traitement » scientifique du condamné

qui « récompense l’effort » et « crée l’émulation ». Comme formalisation de la progressivité, dont Monique Seyler souligne à raison qu’elle est « aussi vieille que la prison elle-même » [Seyler, 1980], le régime progressif fait appel à une certaine forme de gouvernement de soi par le condamné mais, comme le fait remarquer l’auteure, l’approche « scientifique » du traitement du détenu met l’accent sur l’acceptation par ce dernier du programme dispensé par une « méthode éducative », essentiellement une « aide extérieure apportée au détenu ».

Si elle sonne le coup d’arrêt du déploiement de la réforme Amor, la guerre d’Algérie voit en revanche l’émergence de formes d’organisation collective à l’initiative des militants du FLN intra-muros, en prison comme dans les quatre Camps d’Assignation à Résidence Surveillée de la métropole [Amiri, 2008]. Des « comités de détention » émergent, en prison, dès le début de la guerre. Comme le souligne Audrey Kiefer [Kiefer, 2008], « l’ensemble des militants algériens incarcérés va utiliser la détention comme un espace de résistance, comme une véritable arme politique ». Ces « conseils de détention » émergent dès lors dans l’espace métropolitain à travers la fédération française du FLN, reprenant pour ce faire les techniques d’organisation politique des militants incarcérés utilisées par le Parti du Peuple Algérien à la suite des massacres de Sétif et de Guelma [Amiri, 2008]. Ces « comités de détention » constituent, selon Omar Boudaoud, responsable de la fédération de France du FLN, « le lien entre l’intérieur et l’extérieur de la prison en transmettant un rapport mensuel au Comité Fédéral » [Spire, 1990], prenant en charge la formation politique des militants et la coordination des luttes internes à la prison, notamment celles portant sur la revendication du statut de prisonnier politique entre 1959 et 1961.

Si la stratégie du FLN en prison constitue un précédent notable dans l’histoire carcérale française, c’est bien au tournant des années 70, marqué par l’arrestation et l’incarcération de nombreux militants maoïstes ainsi que l’éclatement des grandes révoltes carcérales de cette

73 Comme le fait remarquer Christian Carlier [Carlier, 2009], la réforme Amor n’a connue qu’une application limitée à certains établissements.

Paul Amor lui-même est évincé de l’administration pénitentiaire en 1947 et c’est, in fine, la guerre d’Algérie qui marquera un tournant dans les politiques pénitentiaires en perturbant largement l’agenda réformateur, notamment du fait de l’incarcération de partisans du FLN dans les prisons françaises dont Juliette Spire évalue le nombre à 1600 à la veille du cessez-le-feu [Spire, 1990].

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décennie, qu’émerge une revendication centrale du mouvement des prisonniers : celle du droit de s’associer et de se syndiquer. Parallèlement, la mise en chantier d’une nouvelle réforme carcérale sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing commence à valoriser l’implication des prisonniers au fonctionnement quotidien de la prison, tant au niveau de la gestion quotidienne de détention qu’à celui des buts que les réformateurs attribuent à l’incarcération. I-1) Le droit d’association en prison, « voilà le gros morceau » : le détenu-ouvrier et les

révoltes carcérales des années 1970.

L’histoire du Comité d’Action des Prisonniers, qui s’étend de 1972 et 1980 est à cet égard centrale. Au tout début des années 70, une forte répression s’abat sur les militants maoïstes, notamment sur ceux liés à la Gauche Prolétarienne fondée en 1968. L’adoption de la loi « anti- casseurs », en 1970 et la dissolution, par le gouvernement, de ce mouvement, précipite l’incarcération de ses militants et la création de l’Organisation des Prisonniers Politiques, organe de lutte de la Gauche Prolétarienne qui s’appuie notamment sur le Secours Rouge, refondé le 11 juin de la même année à l’appel de Jean-Paul Sartre. La stratégie de lutte des maoïstes incarcérés s’appuie sur la revendication d’un statut politique pour les militants incarcérés, tout en relativisant la portée de la distinction entre détenus politiques et détenus de droit commun. Comme l’exprime l’Organisation des Prisonniers Politiques dans sa « déclaration des emprisonnés politiques » en date du premier septembre 1970, citée par Audrey Kiefer :

Nous réclamons la reconnaissance effective de nos qualités de détenus politiques. Nous ne revendiquons pas pour autant des privilèges par rapport aux autres détenus de droit commun : à nos yeux, ils sont des victimes d'un système social qui, après les avoir produits, se refuse à les rééduquer et se contente de les rejeter. Bien plus, nous voulons que notre combat, dénonçant le scandaleux régime actuel des prisons, serve à tous les prisonniers. [Kiefer, 2005, 49]

À l’occasion d’une double grève de la faim intra-muros à l’initiative des prisonniers maoïstes et, à la Chapelle Saint-Bernard, en solidarité avec ces derniers, Michel Foucault annonce la fondation d’un « Groupe d’Information sur les Prisons », à partir d’un manifeste également signé par Pierre Vidal-Naquet, historien, et Jean-Marie Domenach, directeur de la revue Esprit. Je ne reviendrai pas sur la trajectoire et les modalités de lutte développées par ce mouvement. L’histoire du GIP a fait l’objet de nombreux travaux documentant tant sa démarche politique que son implication dans la défense des mutins de l’année 1971 [Artières, Quéro, Zancarini-

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Fournel, 2003] [Salle, 2004], en même temps que son rapport plus général aux positions du philosophe-historien [Brich, 2008] [Kiefer, 2005]. Ces travaux ont en commun de souligner le rôle central du GIP dans l’irruption d’une parole prisonnière dans l’espace public. Comme le souligne Benedikte Zitouni :

Le GIP n’a pas voulu faire prendre conscience aux détenus, il n’a pas voulu confronter les détenus à la condition d’oppression qu’ils subissent pour la simple raison que cette oppression les détenus la connaissent parfaitement. [Zitouni, 2007, 297]

Dans un entretien entre Michel Foucault et Gilles Deleuze autour de la question des « intellectuels et du pouvoir » l’auteur de L'anti-Œdipe se livre à un éloge du travail politique et théorique de son interlocuteur, à travers une formule entrée dans la postérité d'une certaine tradition sociologique. Lorsque la conversation aborde la question de la relation entre l'« intellectuel » et « les masses », il déclare en effet :

À mon avis, vous avez été le premier à nous apprendre quelque chose de fondamental, à la fois dans vos livres et dans un domaine pratique : l'indignité de parler pour les autres. Je veux dire : on se moquait de la représentation, on disait que c'était fini, mais on ne tirait pas la conséquence de cette conversion " théorique ", à savoir que la théorie exigeait que les gens concernés parlent enfin pratiquement pour leur compte. [Foucault, 2001a]

Or, à partir de l’automne 1971, les prisonniers prennent effectivement la parole, individuellement, puis collectivement. Si les réformes promises mais non-appliquées, ainsi que l’existence d’une campagne de presse hostile aux détenus et à leurs revendications dans le sillage de l’affaire « Buffet-Bontems »74 sont le ferment des révoltes à venir, c’est la reprise

d’une revendication des syndicats pénitentiaires, la suppression des colis de Noël, qui marque le début d’une vague de révoltes qui s’étendra à toute la France. Christophe Soulié, dans son analyse de l’ « irruption du prisonnier », évoque deux exemples de prises de paroles collectives relayées par le GIP centrées sur l’exigence de représentation collective des prisonniers, le refus de l’arbitraire et la volonté de contrecarrer la déshumanisation carcérale. À la centrale d’Ensisheim, les prisonniers défendent une telle organisation collective :

Il nous faut manifester un peu chaque jour que nous sommes des Hommes à part entière. Il nous faut le faire admettre. N’obéissons pas servilement, automatiquement, à n’importe qui voulant n’importe quoi ! Pourquoi ceci ? À quoi cela sert-il ? À qui profite ceci ? Il nous faut poser des questions, ne pas nous laisser imposer les moindres détails de notre vie […],

74 L’affaire dite « Buffet-Bontems », qui éclate en 1971, fait suite à une prise d’otage de Claude Buffet et Roger Bontems survenue à la maison

d’arrêt de Clairvaux. La prise d’otage se solde par l’exécution d’un surveillant et d’une infirmière. En dépit des appels à la clémence du président Pompidou, Buffet et Bontems seront guillotinés à Paris le 28 novembre 1972.

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connaître et agir en conséquence, pour nos vrais intérêts et non pas pour une quelconque carotte […] Organisons des comités élus pour une représentation efficace ! [Soulié, 1995, 59]

À cette première prise de parole fait écho la déclaration des prisonniers de Melun, au début de l’année 1972, retranscrite dans la brochure du GIP évoquant les « Cahiers de revendications sortis des prisons lors des récentes révoltes ». S’adressant à la presse et aux pouvoirs publics, les prisonniers de Melun affirment, avant même de détailler les revendications qui sont les leurs, une exigence fondamentale : « la réinsertion des prisonniers ne saurait être que l’œuvre des prisonniers eux-mêmes ». C’est en vertu de ce principe que les rédacteurs de la déclaration posent la condition suivante comme préalable à toute négociation sur les revendications exprimées dans la suite du document :

L’impérieuse nécessité d’instituer dans les prisons (pour le moins dans les Maisons centrales) un comité de prisonniers responsables, élus démocratiquement par l’ensemble de la population pénale de chaque établissement sous le contrôle (sans pression d’aucune sorte) de la commission locale de classement dirigée par le Juge de l’application des peines. Ces délégués auront le droit de dialogue avec la Direction ainsi que la possibilité de parler et de revendiquer des points précis au nom de l'ensemble des détenus, sans se trouver pour autant considérés comme des meneurs. (Et d'abord des meneurs de quoi? Le temps est révolu où les mutineries pouvaient prendre des proportions catastrophiques. À présent, dès la moindre alerte, les CRS sont là.) Pas de meneurs, pas de sanctions, pas d’épreuves de force, le dialogue. Voilà ce que nous réclamons en priorité.[Groupe d’Information sur les Prisons, 1972,9]

De même, dans le cahier de revendication de La Santé partiellement reproduit par le GIP, les prisonniers demandent la « création immédiate d’un comité de détenus » nécessaire à ce que « nous nous sentions intégrés à cette mini-société qu’est la prison ». [Groupe d’Information sur les Prisons, 1972, 16]

Ces différents appels à la création de comités de prisonniers élus, préalable à la négociation avec l’administration pénitentiaire, traduisent un mouvement plus général des revendications exprimées dans le cours des années 70 et 71. Si l’amélioration des conditions de détention y occupe une place importante (notamment concernant le chauffage, l’alimentation ou encore les douches), une partie des revendications exprimées dans le cours de ces conflits carcéraux remettent frontalement en question le fonctionnement même de l’institution carcérale (la rémunération du travail pénal en est une illustration), voire au système répressif envisagé dans son ensemble (la suppression du casier judiciaire). Par ailleurs, les cahiers de revendications issus des prisons au cours de cette période suggèrent l’émergence de modalités de lutte spécifiques. Au cours de l’hiver 1971-1972, comme le souligne Audrey Kiefer :

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Les détenus ont pris conscience de la force à puiser dans la solidarité d'une lutte. Exposer des revendications communes à tous les détenus d'une même prison est une forme de lutte organisée, non-violente, cohérente avec le dialogue qu'ils réclament. [Kiefer, 2005, 78]

L’auteure précise immédiatement que ces revendications ne sont pas entendues. Ce fut le cas pour les prisonniers de Melun. L’exigence de dialogue qui structure de part en part la déclaration collective présentée plus tôt se heurte à un mur. Les prisonniers identifiés comme porte-paroles par l’administration pénitentiaire sont envoyés au quartier disciplinaire. Cette décision est rapidement suivie, en février 1972, par le lancement d’une grève et d’une occupation des ateliers, mode d’action qui témoigne tant de l’usage de moyens de lutte non- violents de la part d’une partie des prisonniers en révolte que de la revendication d’un alignement des droits et de la condition des détenus sur l’extérieur.

C’est donc bien dans le contexte conflictuel des premières années de la décennie 1970 que s’exprime cette revendication nouvelle et protéiforme visant à la prise de parole collective de comités élus. Ces derniers, dans les revendications des prisonniers, sont associés tant à la possibilité d’un contre-pouvoir exercé collectivement par les détenus en vue de réduire le caractère arbitraire de la gestion des prisons qu’à l’expression pacifique des revendications des prisonniers, dans une visée générale de « responsabilisation », au sens de reconnaissance d’une capacité d’auto-détermination [Denamiel, 2006] niée par le fonctionnement institutionnel. C’est en ce sens que l’organisation collective des prisonniers apparaît comme un « préalable » au dialogue et à la négociation. C’est toutefois le CAP, prenant la suite du GIP qui s’auto- dissout en décembre 1972, qui en proposera une formulation systématique et en fera une sorte de pierre angulaire des luttes anticarcérales.

La transition entre le GIP et le CAP peut se lire comme celle d’une succession délicate75

entre une organisation centrée sur des « intellectuels » et l’émergence d’une organisation de prisonniers souhaitant s’émanciper de la tutelle des premiers et former la base de l’auto- organisation des prisonniers.

Le CAP, son nom et les principaux acteurs qui en sont à l’origine (Serge Livrozet, Michel Boraley, Claude Vaudez) sont issus du mouvement de lutte de la centrale de Melun, présenté

75 Pour une présentation détaillée de la transition entre ces deux mouvements emblématiques, on peut se reporter au travail de Christophe

Soulié [Soulié, 1995] ou encore à La guillotine du sexe, de Jacques Lesage de la Haye, lui-même lié au GIP puis membre du CAP après un passage par l’Association de Défense des Droits des Détenus [Lesage de la Haye, 1978]

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supra, qui se distingue, pour Christophe Soulié [Soulié, 1995, 88] par une conception « ouvriériste » de la lutte anti-carcérale, c’est-à-dire la perspective de « construire un mouvement de masse sur la base d’une conscience de classe ». Dès le second numéro de son journal éponyme, en janvier 1973, le CAP développe sa propre plate-forme de revendications, déclinée en douze points, reprenant largement celles exprimées par les mutins de 1971 et 1972. Y figure, en avant-dernière place le « droit d’association à l’intérieur des prisons », présenté comme un « moyen essentiel de faire valoir les revendications précédentes ». Le droit d’expression, sous forme associative, conserve le trait caractéristique de préalable à l’affirmation des droits des détenus caractéristique des cahiers de revendications reproduits dans la brochure du GIP.

Le journal du CAP détaille le contenu de ses douze points de revendications dans ses éditions successives. Lorsqu’il aborde le « droit d’association pour les détenus », le CAP propose de clarifier l’articulation entre conception ouvriériste du mouvement et nécessité d’une organisation collective.

Le droit d’association à l’intérieur des prisons, voilà le gros morceau. Nous avons pu jusqu’à présent argumenter sur un tas de problèmes pénitentiaires, réclamer des aménagements, des suppressions, etc. On nous a laissé faire, sachant bien que tout ce que nous réclamions se résumait à de simples vœux. Que de luttes, que de temps, que de crânes fracassés avant de voir seulement l’abolition du casier judiciaire ! Sans organisation, sans combat concerté, les détenus n’obtiendront jamais rien. L’administration, la justice et le gouvernement (qui ne font qu’un) le savent bien. Et ils se frottent les mains. […] Détenus, amis, camarades, ce que vous avez pu lire dans les numéros précédents ne signifie rien, si vous n’obtenez pas auparavant le droit de vous associer, ne fut-ce que pour protéger ce que vous avez conquis. [Comité d’action des prisonniers, 1972]

Essentielle du point de vue stratégique, la reconnaissance du droit d’association à l’intérieur des prisons est présentée comme la suite logique à l’affirmation, par les premiers intéressés, de leur capacité d’autodétermination. Cette revendication, pour le CAP, doit être précédée par le refus de « la version sociale des psychologues, des psychiatres, des juges, des éducateurs, qui cherchent à faire de vous des coupables ». C’est seulement « une fois ancrés dans cette conviction que vous n’êtes pas plus pourris que ceux qui vous jugent et vous gardent », préalable à toute subjectivation politique selon le rédacteur, que cette nécessité d’union et d’organisation collective au sein des mouvements de prisonniers acquiert son caractère d’évidence. Produit et moteur d’une prise de conscience collective de leurs droits et de leur

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faculté d’auto-détermination, le droit d’association dans les prisons, cependant, n’est pas exempt d’ambiguïté, comme le reconnaît le CAP lui-même.

Dès cette présentation en forme d’appel à l’organisation collective, l’article note cependant qu’un certain nombre de risques entoure la perspective de la création d’associations de prisonniers intra-muros et appelle dès lors à la « vigilance ». Les délégués élus devront être « destituables à tout moment ». « Chez nous », poursuit le CAP, « les délégués ne seront pas des privilégiés, ni des véreux. Ils travailleront comme vous et boufferont comme vous. En un mot, ils connaîtront les mêmes problèmes que vous. ». Pourtant, c’est bien la possible collusion entre une éventuelle « élite » syndicale carcérale et l’administration pénitentiaire qui constitue, pour le CAP, le principal risque associé à la conquête du droit d’association en prison. « À qualités humaines égales », propose dès lors le CAP, « il sera souhaitable que les délégués de détenus soient recrutés non seulement parmi les plus combatifs, les plus intransigeants et les plus droits », mais également parmi ceux qui « occuperont, dans la prison, une position particulièrement dégueulasse », moins suspects de « se laisser gagner par la trouille de perdre quelques privilèges ». Si certains privilèges ou « avantages étranges » devaient être accordés