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Revaloriser la mobilité, indispensable pour se former et accéder à l’emploi

La mobilité, qui peut apparaître comme une contrainte, présente en fait pour les jeunes et plus particulièrement pour les jeunes ultramarins de nombreux avantages. En effet, elle favorise la confiance en soi, développe les capacités d’adaptation et de prises d’initiatives, aide à l’acquisition de nouvelles compétences et pratiques linguistiques, facilite l’accès au monde du travail, etc. Le CESE s’est exprimé sur ce sujet dans son avis intitulé La mobilité des jeunes236 et a proposé de nombreuses recommandations. Dans cette étude, la mobilité est examinée uniquement du point de vue de la formation qu’elle soit initiale ou professionnelle et de l’insertion237. L’enjeu pour la délégation à l’Outre-mer consiste sur ce sujet de première importance à dresser une première approche prenant en compte les spécificités des départements et collectivités d’Outre-mer par rapport à la métropole : éloignement, 235 Cour des Comptes, Le service civique : une ambition forte, une montée en charge à maîtriser, rapport public

annuel, février 2014, p. 212.

236 Bernardin Jean-François, La mobilité des jeunes, avis du CESE n° 2011-13, Les éditions des Journaux officiels, novembre 2011.

237 La mobilité des jeunes ultramarins pourrait être analysée à partir de multiples points de vue  : mobilités internationales, territoriales, sociales, culturelles ou professionnelles.

insularité et structure d’archipels, offre de formation incomplète ou saturée, démographie dynamique, marchés du travail étroits et parfois sinistrés, différences institutionnelles et culturelles, etc.

La délégation à l’Outre-mer du CESE constate que, jusqu’à aujourd’hui, les Outre-mer ne parviennent pas à insérer professionnellement tous les jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail de leur territoire. À titre d’exemple, M. Maurice Bémou, coordonnateur emploi et formation du Conseil général de Mayotte lors de son audition238, a estimé qu’à Mayotte, chaque année peuvent être créés entre 500 et 1 500 nouveaux emplois alors que le nombre de jeunes sortant du système scolaire et arrivant sur le marché du travail serait de l’ordre de 4 000. Il a souligné la nécessité d’ouvrir Mayotte vers l’extérieur et de faciliter la mobilité des jeunes Mahorais en les aidant à acquérir une qualification. La mise en place de dispositifs facilitant la mobilité des jeunes ultramarins est donc primordiale pour répondre aux besoins de formation mais également favoriser leur insertion sociale et professionnelle. L’importance de la mobilité pour se former ou trouver un emploi doit donc être démontrée aux jeunes. Il nous paraît particulièrement important que les stages de langues initiés en première et en terminale soient financés et favorisés. Ces stages peuvent être le point de départ d’une éventuelle mobilité ultérieure.

Une longue tradition de mobilité

La mobilité est inscrite, de façon plus ou moins marquée et plus ou moins bénéfique selon les territoires, dans l’histoire des Outre-mer et de leurs habitants.

La mobilité de 70 000 personnes, organisée par le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’Outre-mer (BUMIDOM) vers le marché du travail de la France métropolitaine, de 1963 à 1981, a laissé un souvenir amer dans les départements concernés. Certes, la perception des personnes qui l’ont vécue est contrastée car certaines ont une appréciation positive de leur parcours professionnel. Mais les difficultés rencontrées en France hexagonale, dont les discriminations raciales, demeure prégnantes.

L’attachement au territoire peut être très fort, comme à La Réunion, et susciter des réticences à la mobilité. Les familles et les jeunes recherchent des orientations plutôt tournées vers le territoire malgré d’importants moyens en faveur de la mobilité proposés par le Conseil régional par exemple. Ces résistances psychologiques à la mobilité doivent être prises en compte.

Toutefois, comme l’a remarqué M. Marie lors de son audition239, « depuis le milieu du siècle dernier, les départements d’Outre-mer sont le théâtre de mouvements migratoires très intenses, où se croisent départs et retours des natifs des DOM, arrivées de populations nouvelles françaises et étrangères »240. Ainsi, seuls 18  % des natifs des DOM n’ont jamais quitté leur département de naissance.

238 M. Maurice Bémou, coordonnateur emploi et formation du Conseil général de Mayotte, accompagnait M. Daniel Zaïdani, lors de son audition devant les membres de la délégation à l’Outre-mer du CESE, le 25 juin 2013.

239 Audition en entretien privé de M. Claude-Valentin Marie, chercheur à l’Institut national des études démographiques (INED).

240 Temporal Franck, Marie Claude-Valentin, avec la collaboration de Bernard Stéphane, « Insertion professionnelle des jeunes ultramarins : DOM ou métropole ? », INED, revue Population, n°3-4, pp. 555-600, 2011. L’étude porte sur la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion. La notion de « natif des DOM » désigne toute personne née dans un département des Outre-mer.

Au recensement de 2007, un natif des DOM sur cinq vit en métropole. Si l’on s’intéresse aux plus jeunes (18 à 34 ans), ce sont respectivement 36 %, 33 %, 30 % et 19 % des natifs de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion qui résidaient en métropole.

Ces chiffres montrent que les comportements de mobilité ne sont pas les mêmes selon le territoire. L’emploi et les études ont été souvent à l’origine du départ des jeunes natifs des DOM, créant ainsi une très nette sélection selon le diplôme et le statut d’activité. Il s’agit même d’une double sélection (au départ et au retour) qui confère sa structure particulière à la population née dans les DOM résidant en métropole : les plus diplômés et les actifs ayant un emploi sont proportionnellement plus nombreux à s’y installer et à y résider durablement que les natifs peu ou pas qualifiés et/ou sans emploi.

Une mobilité imposée par l’éloignement

et par une offre de formation incomplète ou saturée

ٰUn éloignement par rapport à la métropole

Avec ses onze collectivités habitées, les Outre-mer se présentent sous la forme d’une multitude de territoires isolés non seulement de l’hexagone, mais bien souvent également des autres continents. La description du système universitaire sous cet angle peut donner une idée de la tyrannie de la distance qui s’y exerce et expliquer combien la mobilité est nécessaire. Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte et Wallis-et-Futuna n’ont pas d’université. Les infrastructures universitaires les plus proches sont situées à des milliers de kilomètres : Saint-Pierre-et-Miquelon/Paris : 4 600 km ; Wallis-et-Futuna/

Nouvelle-Calédonie : 2 200 km et Mayotte-La Réunion : 1 406 km. Quant à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, elles sont situées respectivement à 230 et à 260 km du campus universitaire de la Guadeloupe. Wallis-et-Futuna sont les deux petites îles les plus éloignées de la métropole : 36 heures de voyage pour 22 000 km. La Guyane, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie ont une université mais leur territoire est très étendu. L’existence de dispositifs organisant et favorisant la mobilité des jeunes ultramarins est indispensable pour compenser les effets négatifs de l’éloignement et de l’insularité en termes d’accès à la formation puis à l’insertion.

ٰUne offre de formation incomplète ou saturée

Malgré la forte représentation des jeunes dans la pyramide des âges ultramarine, les filières de formation initiale, universitaire et professionnelle disponibles dans chaque territoire ne présentent pas la gamme des choix que l’on connaît dans l’hexagone d’autant que plus les formations sont spécialisées moins elles peuvent être enseignées dans toutes les régions. Ainsi, à Wallis-et-Futuna, comme le précisait M. Christian Mescam241, seuls trois bac pro sont accessibles  : électronique, «  gestion et administration  » et commerce. Les Wallisiens et Futuniens auraient souhaité la création d’un bac pro « hôtellerie et restauration » mais le tissu économique du territoire ne permet pas d’assurer les 22 semaines de période de formation en milieu professionnel. Les élèves intéressés par ce bac pro sont donc envoyés en Nouvelle-Calédonie ou à Fidji pour un coût annuel pour l’État de 100 000 euros pour 46 personnes.

De même, seuls cinq territoires ultramarins bénéficient par exemple d’une université : les Antilles, la Guyane, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Ces 241 Audition de M. Christian Mescam, directeur du second degré au vice-rectorat des îles Wallis-et-Futuna, devant

les membres de la délégation à l’Outre-mer, le 10 juillet 2013.

universités sont certes pluridisciplinaires. Mais, comme l’a indiqué M. Piozin242, lors de son audition, les formations au-delà de la licence sont peu développées, même si le second cycle universitaire est en progression aux Antilles-Guyane et en Nouvelle-Calédonie. Certaines filières étant inexistantes ou saturées, les étudiants ultramarins doivent bénéficier d’aides ou de dispositifs comme le passeport mobilité pour venir étudier en métropole, dans un autre territoire ultramarin ou à l’étranger.

ٰUne mobilité paradoxalement plus économe par rapport à l’élargissement des formations La question consistant à se demander si un accroissement de l’offre de formation dans les Outre-mer pourrait amener à supprimer le recours au passeport mobilité-études et à éviter aux étudiants de poursuivre leurs études en métropole tout en réalisant une économie pour les finances publiques, a été étudiée dans le rapport intitulé Le passeport mobilité243. La réponse à cette question est négative pour des raisons budgétaires. En effet, la mise en place dans chaque territoire ultramarin d’une offre de formation propre à remplacer les filières demandées par les candidats ultramarins et disponibles en métropole serait beaucoup plus onéreuse pour les finances publiques que le dispositif du passeport mobilité-études.

ٰPoursuivre l’enrichissement de l’offre de formation dans les points forts des territoires ultramarins

La question de l’amélioration de l’attractivité des établissements de l’enseignement supérieur des Outre-mer est néanmoins nécessaire à la fois pour les étudiants de ces territoires mais aussi pour les étudiants des pays voisins et même pour les étudiants métropolitains. Elle passe indéniablement par l’amélioration de leur offre de formation et de recherche dans les domaines où les Outre-mer présentent un avantage comparatif.

La délégation à l’Outre-mer ne peut que souscrire de nouveau à la proposition de l’avis intitulé Aménagement du territoire, enseignement supérieur et recherche : entre proximité et excellence : « il convient de développer [dans les Outre-mer] les troisièmes cycles et la recherche sur des créneaux originaux et porteurs, par exemple dans les domaines comme la mer, la biodiversité, les énergies renouvelables, les adaptations au climat tropical de divers secteurs…pour lesquels des pôles d’excellence pourraient être mis en place  »244. Les divers secteurs en question sont par exemple la biodiversité, l’agriculture en milieu tropical, les maladies tropicales, la biologie tropicale, l’adaptation des technologies modernes au climat tropical, la diversité culturelle (les langues, les coutumes, etc.), les sciences de la terre (risques naturels, adaptation au changement climatique…), etc.

La délégation à l’Outre-mer souhaite également que la réflexion sur les perspectives apportées aux jeunes des plus petites collectivités, comme Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna, soit poursuivie.

242 Audition de M. Éric Piozin, chef de service à la Direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DGESIP) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, devant les membres de la délégation à l’Outre-mer, le 14 juin 2011.

243 Pinault Michel et Simon Thierry, rapport sur Le passeport mobilité, Inspection générale de l’administration (n°  08-031-01) et de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (n° 2008-044), mai 2008, pp. 27 à 29.

244 Duport Jean-Pierre, Aménagement du territoire, enseignement supérieur et recherche  : entre proximité et excellence, avis et rapport du CESE n° 2008-04, Les éditions des Journaux officiels, mars 2008.